Impopularité record, accusations de corruption gravissimes: de quoi faire trembler le plus aguerri des hommes politiques, mais pas le président brésilien Michel Temer, qui semble indéboulonnable, à la tête d’un pays plongé dans une profonde crise institutionnelle.
En portugais, « temer » est aussi un verbe, qui signifie « avoir peur ». Malgré ce patronyme, ce vieux routier de la politique de 77 ans ne semble pas trop se soucier de son sort.
À la manière d’un joueur de football dribblant ses adversaires l’un après l’autre, il passe un à un tous les obstacles, s’accrochant au pouvoir avec une facilité déconcertante.
Une véritable gageure pour un président accusé d’orchestrer un réseau de corruption qui négociait des pots-de-vin en échange de faveurs octroyées à des chefs d’entreprise.
Sauf coup de théâtre, M. Temer devrait pourtant échapper à une nouvelle demande de mise en examen, pour « obstruction à la justice et participation à une organisation criminelle ».
Les députés doivent décider mercredi si cette demande est recevable, mais le résultat semble couru d’avance.
Il y a deux mois, il était parvenu à balayer une autre mise en accusation d’un revers de la main, sauvant son mandat en obtenant une ample majorité au Parlement.
« Temer est un professionnel de la politique. Il sait manipuler la machine et trouver les alliés dont il a besoin », explique à l’AFP le professeur de droit constitutionnel Daniel Vargas.
Il bénéficie surtout du soutien d’une caste politique qui se sent menacée de toute part: 185 des 513 députés appelés à statuer sur son sort la semaine prochaine sont eux-mêmes la cible d’enquêtes anticorruption.
‘Popularité proche de zéro’
« Temer représente la survie du vieil establishment. S’il tombe aujourd’hui, qui tombera demain ? », s’interroge le professeur.
Mais ce soutien a aussi un coût, beaucoup trop salé pour l’opposition.
M. Temer est notamment accusé d’utiliser des fonds publics pour « acheter » le soutien de parlementaires en leur octroyant de généreuses subventions destinées à leurs fiefs électoraux.
« Malgré l’usure de ce gouvernement hautement impopulaire, les députés avides de faveurs y trouvent leur compte », explique Antonio Queiroz, analyste du Département intersyndical des assistants parlementaires (DIAP).
Pourtant, s’afficher comme pro-Temer n’est pas forcément la meilleure stratégie, à un un an des élections générales.
Son taux d’approbation s’est effondré à 3 %, faisant de M. Temer le président le plus impopulaire depuis la dictature militaire (1964-1985).
Apparemment pas de quoi empêcher de dormir un président qui a toujours écarté toute candidature en 2018. Propulsé au pouvoir après la destitution controversée de Dilma Rousseff (gauche, 2010-2016), il a affirmé dès le début avoir pour seule ambition de « remettre le Brésil sur les rails ».
« Temer n’a tout simplement rien à faire de ce que la population pense de lui », résume Daniel Vargas.
D’autant plus que l’opposition, trop dispersée, ne parvient pas à mobiliser: les quelques manifestations anti-Temer organisées ces derniers mois n’ont pas rameuté les foules.
« Sans la pression de la rue » et « en l’absence d’un vrai projet d’opposition, le Parlement ne sera pas poussé à voter contre Temer », estime le professeur.
« C’est peut-être la première fois de l’Histoire que nous observons que, pour mener des réformes, plutôt que de jouir d’une grande popularité, il vaut mieux que celle-ci soit proche de zéro », ironise-t-il.
‘Instrument des marchés’
Ces réformes en question sont des mesures d’austérité réclamées par les milieux d’affaires pour assainir les comptes publics et relancer une économie qui sort lentement de deux années de récession.
Parmi elles, des mesures fort impopulaires, comme l’épineuse réforme des retraites, dont l’examen au Parlement est freiné par les turbulences politiques.
« Sans l’appui des marchés, Temer tombe en une semaine », analyse Antonio Queiroz. « Il est devenu leur instrument », ajoute-t-il.
Le gouvernement Temer s’est notamment montré très sensible aux attentes du lobby de l’agro-business, représenté par plus de 200 députés à la chambre, nombre suffisant à lui seul pour rejeter la mise en accusation du président.
Pour s’attirer leurs bonnes grâces, il n’a pas hésité à prendre des décrets qui ont poussé des militants écologistes à l’accuser de « brader l’Amazonie ».
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