L’avocat français de Reckya Madougou était au Bénin du mercredi 20 au vendredi 22 octobre dernier. Il a pu rencontrer sa cliente. A quelques heures de son départ, Mario Stasi s’est confié à Matin Libre. Il parle des conditions de détention de Reckya Madougou et de l’étape actuelle du dossier.
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Aucun élément nouveau dans le dossier de Reckya Madougou, après 8 mois de détention, à en croire les propos de son avocat français Me Mario Stasi. « La dernière fois que je suis venu, au mois de juillet, on avait déposé une demande de mise en liberté, et elle avait été refusée parce que la chambre des instructions ou la chambre des appels de la Criet avait déclaré qu’il fallait écrire qu’il y avait encore des actes de procédure et que pour la nécessité de l’instruction, il fallait qu’elle reste en détention. Alors elle a été réentendue une troisième fois mais il n’y a rien de nouveau. Pas d’éléments objectifs nouveaux, pas de retranscription de conversions téléphoniques en béton, pas de retranscription de Sms qui l’accusent, donc rien. Aucun élément nouveau qui vient conforter les accusations du dénommé Touré et pourtant elle reste en prison », se désole Me Mario Stasi.
Pour l’avocat français, en 8 mois de détention, Reckya Madougou a été écoutée trois fois. Ce qui, à son avis, n’est pas rien. Il affirme qu’en juillet déjà, quand les avocats ont pu avoir accès au dossier, il n’y avait rien. Trois mois après, il n’y a rien de plus que les affirmations du seul accusateur M Touré. Ils (les avocats de Reckya Madougou) avaient alors demandé une confrontation entre Reckya Madougou et l’accusateur, le nommé M Touré.
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Mais cela n’a jamais eu lieu, affirme Me Stasi. « … au mois de septembre, il y a eu prolongation de la détention. On nous disait qu’il va encore y avoir, mais toujours rien. C’est insupportable. Je ne comprends pas. La règle dans un état de droit, dans une démocratie, c’est la liberté, la détention l’exception », regrette Me Mario Stasi.
Quelle suite au dossier ?
A l’étape actuelle du dossier, vu qu’après huit mois de détention, il n’y a aucun élément nouveau à charge contre l’’opposante Reckya Madougou, son avocat français ne voit qu’une seule issue possible, un non-lieu. « …je vais vous dire une chose : dans un état de droit où on met en examen, partout on peut se tromper. On peut mettre en examen et se tromper. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de nouveaux éléments pour une mise en examen et ça se termine par un non-lieu. Ça arrive. C’est malheureux, mais ça arrive. Là on est dans la période de mise en examen et nous considérons qu’il n’y a pas d’éléments et en toute logique, … Moi avocat, vu mon expérience, quand j’analyse ce dossier froidement, je me dis qu’il devrait avoir un non-lieu. On ne peut pas se retrouver mis en examen sur de simples accusations de quelqu’un qui n’apporte aucun élément.
Ce n’est pas parce qu’il affirme que ce qu’il dit est vrai. On en est là. Et puis à côté de cette mise en examen, il y a la détention. Ce qui est révoltant, c’est qu’il n’y a aucun élément qui justifie la détention », a-t-il laissé entendre. Pour lui, sa cliente est traitée comme une criminelle qui fuirait son pays, qui n’aurait pas de famille ici, comme un inconnu qui aurait un casier judiciaire avec plein de condamnations et on pourrait craindre pour la société si on la remettait dehors.
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« De qui parlons-nous? D’une femme qui a deux enfants qu’elle n’a pas vu, d’une femme qui est connue, qui a une maison ici, qui est béninoise, qui veut une seule chose, c’est de retrouver sa famille et surtout faire des examens de santé. Parce que je l’ai trouvée fatiguée, moins en forme qu’au mois de juillet avec toujours les mêmes craintes cardiaques, les ennuis qu’elle avait eu et qui ne sont pas soignés. Il faut qu’elle voit de vrais médecins », affirme Me Mario Stasi.
La prochaine étape
« Avec tout ce je viens de vous dire, la prochaine étape possible, quand il n’y a rien de plus dans ce dossier, je vais déposer une demande de mise en liberté ».
Des conditions de détention humiliantes
Des propos de l’avocat de Reckya Madougou, rien n’a changé dans les conditions de détention de la candidate recalée à la présidentielle de 2021. « …elle n’a toujours pas de visite de la famille, ni frère, ni sœur. Quand elle voit la maman, c’est deux ou trois fois par semaine mais c’est pour un échange de sac avec de la nourriture contre de la vieille nourriture, je veux dire qu’elle n’a pas de réfrigérateur, toujours pas de radio, toujours pas de ventilateur. La fenêtre est toujours cassée avec de l’eau qui passe. Ils sont toujours nombreux dans cette cellule. Ça fait 6, 8, 12 personnes, ça varie. Que des femmes évidemment. Pas de promenade puisque c’est dans une prison d’hommes. Ça voudra dire immobiliser toute la prison pour permettre à ces dames la promenade. Donc pas de promenade, elles restent dans la cellule toute la journée ».
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Selon, les propos de l’avocat, l’opposante au régime de la Rupture est surveillée comme le lait sur le feu, à tel enseigne que la confidentialité qu’il devrait avoir entre un avocat et son client ne serait pas respectée. « Il y a toujours des militaires qui rôdent. Quand on arrive, on lui dire bonjour et on va toute suite dans le parloir qui est une vitre pendant deux heures et on a un militaire qui est là, qui regarde et qui écoute. Il entend tout même si on vous dit qu’il n’écoute pas, les parois sont tellement fines qu’on est obligé parfois de chuchoter pour donner quelques éléments du dossier. C’est ce qu’on appelle la confidentialité d’une relation entre un avocat et son client mais on ne peut pas dire qu’elle soit très respectée.
Son moral ?
Après la rencontre mercredi dernier avec sa cliente, Mario Stasi affirme avoir trouvé Reckya Madougou fatiguée, même si elle reste digne. « Je l’ai trouvée fatiguée. C’est une combattante et elle est digne. Mais 8 mois dans ces conditions-là, c’est particulièrement dur. Je sais qu’elle passe par différents stades de moral, je sais qu’il y a eu des moments pas évident, voir sa maman lui donner un sac mais il lui est interdit de lui parler. Quand la maman vient, elle ne peut pas lui parler. Elle ne peut pas rester trois minutes pour avoir les nouvelles de la famille ».
Le Bénin élu membre du Conseil des droits de l’homme de l’Onu
Me Mario Stasi se réjouit de l’élection du Bénin au Conseil des droits de l’homme de l’Onu mais attend que cela se traduise dans les faits, car, selon lui, la situation des droits de l’homme n’est pas très reluisante au Bénin. « Je me réjouis de voir que le Bénin a rejoint le Conseil de droit de l’homme de l’Onu par un vote magistral faisant état de principe dont une démocratie pouvait être fière et dont elle sera fière de l’indépendance de la justice, du respect des libertés individuelles, de l’État démocratique, d’une vie démocratique… très bien. Mais maintenant je demande à ce que l’on passe des principes, des paroles aux actes. La démocratie ce n’est pas un principe. Ce n’est pas une déclaration de principe. Ça se vit au quotidien. Et au quotidien, la démocratie c’est le respect de la présomption d’innocence, c’est de rappeler que dans un état de droit la liberté c’est la règle, c’est la confidentialité de la relation entre un avocat et son client, c’est tout ça et c’est plein d’autres choses encore » a-t-il souligné.
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Rencontre Talon Yayi
La rencontre Talon-Yayi et ses possibles retombées sur la situation de Reckya Madougou s’est aussi invitée dans les échanges. Même si Mario Stasi a apprécié la démarche des deux présidents, il reste prudent. « C’est une belle réunion, une belle déclaration sanctionnée par un communiqué de presse. J’espère qu’on ne restera pas à une déclaration de principe, à une pétition mais bien à la formalisation d’une pacification vers la démocratie. Donc j’ai un petit espoir que ça puisse aider à la libération d’une détenue qui, pour moi, est autant une détenue politique qu’une détenue judiciaire. Car même si la justice est indépendante, même dans un état démocratique, les juges peuvent parfois se faire rappeler quelques règles réglementaires sur la présomption d’innocence et la liberté c’est la règle », a-t-il laissé entendre.
L’avocat de Reckya Madougou affirme croire à la liberté de la justice et espère qu’après cette rencontre, les juges voient d’un œil nouveau le dossier de sa cliente. «…Il faut toujours avoir un œil nouveau sur un dossier. Un mauvais juge est un juge qui s’habitue. Il faut toujours se poser la question de savoir si on a bien décidé à l’origine et si on ne peut pas revoir son jugement. Et peut-être, qu’à l’aune de cette nouvelle ère démocratique qui est annoncée, le magistrat regardera son dossier avec un autre œil et là il se dira que la liberté s’impose. C’est mon espoir », a conclu Me Mario Stasi.
Matin Libre
Source : Togoweb.net