Atteinte à la liberté de la presse au Togo : Comment le Sous-Lieutenant Esso Salaka et ses hommes ont torturé un journaliste de L’Alternative

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« …Le gendarme qui m’a le plus donné les coups venait vers moi régulièrement pour serrer les menottes pour me faire souffrir et il s’en réjouissait…j’étais obligé d’uriner dans mon pantalon ».

Atteinte à la liberté de la presse au Togo : Comment le Sous-Lieutenant Esso Salaka et ses hommes ont torturé un journaliste de L’Alternative

Des gendarmes ont cru devoir exercer le mardi matin dernier, des violences sur un journaliste de L’Alternative alors que ce dernier ne cherchait qu’à faire un reportage sur un litige foncier. Ces lâches individus, sous les ordres d’un certain Sous-Lieutenant Esso Salaka, une brute connue pour ses comportements crapuleux, ont agressé, menotté et détenu,des heures durant, le journaliste pourtant bien identifiable par son gilet et sa carte.

Ce sous-officier Esso Salaka, d’une sulfureuse réputation, qui avait perdu entre-temps son grade de Lieutenant parce que surpris dans des deals obscurs avec des trafiquants de produits pétroliers, était le principal commanditaire de l’agression de notre confrère. Des brebis galeuses qui ternissent régulièrement l’image des forces de l’ordre de par leurs attitudes de sauvages, convaincus de l’impunité qui leur est accordée à chaque forfait ou crime. C’est donc sous les ordres de ce Sous-Lieutenant qu’un autre gendarme du nom de Hlonmadon venu en renfort de la brigarde de Sanguéra a pris le vilain plaisir de serrer régulièrement les menottes du journaliste et ce, durant deux heures d’horloge alors qu’il avait ses mains et bras menottés derrière. C’est également lui qui a soumis notre reporter à la pire des humiliations en l’obligeant à uriner dans son pantalon, proférant des menaces du genre : « On va te faire sentir de quoi on est capable ».

A L’Alternative, on se réserve le droit de réserver des suites judiciaires à cette affaire, mais pas seulement. Tous ceux qui ont participé directement ou tacitement aux sévices exercés sur notre reporter seront mis face à leurs responsabilités. Que ce soit à Lomé, au Togo et ailleurs, aujourd’hui et plus tard, nous mettrons tout en œuvre pour que ces individus rustres et lâches puissent répondre de leurs actes et soient sanctionnés de façon exemplaire afin de dissuader d’autres brutes de la même espèce de perpétrer les mêmes actes sur d’autres éventuels confrères. Traqués, ils le seront partout dans le monde pour leurs horribles méfaits. Nous vous reproduisons le témoignage de la victime, notre journaliste Robert Avotor.

Je me nomme Robert Kossi AVOTOR, journaliste au bihebdomadaire L’Alternative, Ce mardi 07 février 2017, je revenais de la douane d’Adidogomé quand un ami m’a alerté qu’il y a une centaine de forces de l’ordre à Akato-Viepé. La mission pour eux, c’est de faire exécuter une décision de justice qui ordonne le renvoi des gens de la collectivité Dodjavoudji des lopins de terres. Il sonnait 8h, j’ai fait un tour pour prendre mon gilet de reportage et ma carte de profession à la maison.

Arrivé sur les lieux, j’ai vu des gendarmes armés de caoutchouc, de grenades lacrymogènes et de fusils qui ont fait une barrière à l’entrée de chaque rue qui mène au village de la famille Dodjavoudji. C’est là que j’ai garé ma moto et je me suis approché d’eux : « Bonjour messieurs, s’il vous plait, puis-je voir le responsable ? ». A un d’entre eux de rétorquer : « C’est quoi ? Il y a quoi ? C’est une zone interdite pour tout le monde, avec ton gilet là, nous on ne regarde pas ça. Bon tu es qui ? ».

Je réponds que je suis un journaliste. A un autre de répliquer : « Et alors? Nous on a reçu des ordres ici. D’ailleurs où est ta carte ? ». C’est là que je me suis rapproché de mon sac qui se trouvait sur ma moto à distance d’à peine 5 m. De retour, un officier me faisait savoir que même avec ma carte, il ne me donne pas l’autorisation de prendre les images. Un autre me demande sur un ton menaçant : « Est-ce que tu as reçu l’ordre de mission ? » J’ai répondu non. Et il réplique : « Va chez le Procureur de la République pour prendre, c’est lui qui a donné l’ordre de venir démolir les maisons ici ».

Pendant tout ce temps de discussions, c’étaient des courses-poursuites entre jeunes de la localité et gendarmes avec des lancées de gaz lacrymogènes. A côté de nous, un jeune est appréhendé. Son passage à tabac par les gendarmes m’a amené à sortir mon portable pour prendre des vues. C’est là qu’un gendarme a commencé par me donner des coups. J’ai couru ne sachant pas qu’il y avait d’autres éléments devant moi. Un autre aussi a commencé par me donner des coups de pieds. Ils m’ont arrêté. Un autre élément m’interroge sur mon organe de presse et par la suite me tient par les cols et me traîne devant leur voiture. C’est là qu’ils m’ont menotté et m’ont fait asseoir par terre. Un autre gendarme vient donner l’ordre qu’on me menotte les deux bras derrière.

Mes portables étaient déjà saisis. Un autre vient demander le code pour avoir accès au fichier photos. Ce que j’ai fait. Le gendarme qui m’a le plus donné les coups venait vers moi régulièrement pour serrer les menottes pour me faire souffrir et il s’en réjouissait. A un moment donné, j’avais envie d’uriner et je leur ai fait appel ; un des leurs réplique : « Urine dans ton pantalon », avant d’ajouter : « Aujourd’hui tu sers de cobaye aux autres journalistes. Journaliste, journaliste, nous on s’en fout, on a reçu des ordres ».

30 mn après, j’étais obligé d’uriner dans mon pantalon. Ils sont revenus quelques minutes plus tard pour me demander l’organe de presse pour lequel je travaille. Je leur ai répondu que je viens du journal L’Alternative. Ils m’ont demandé qui est le Directeur. J’ai dit que c’est Ferdinand Ayité. Et voici leur réponse : «C’est vous non ? Cette fois-ci on vous a eus. On apprend toujours ce nom. On va te faire sentir de quoi on est capable. Quand vous êtes dans la masse, vous faites du bruit. Aujourd’hui, c’est toi seul ».

Un jeune qui filmait aussi la démolition des maisons a été appréhendé et gardé à côté de moi. Plus de deux heures d’horloge en menottes. Les autres éléments sont arrivés et un autre me dit : « Tu as chance qu’on a fini l’opération de démolition sinon …. ». C’était vers 11H 45, ils m’ont embarqué toujours menotté avec le jeune à destination de Sagbado.

C’est là qu’ ils m’ont demandé mes nom, prénoms, date de naissance et autres. 15 mn après, l’officier qui a dirigé l’opération de démolition est arrivé avec mes portables et les remettent au CB avec l’instruction ferme : « Ils restent toujours menottés et jusqu’à 14h vous les libérez ». C’est à son départ que le CB a donné l’ordre à ses éléments de me libérer.

Source : L’Alternative No.589 du 10 Février 2017

27Avril.com