Au Malawi, le 3 février, la Cour constitutionnelle a annulé l’élection présidentielle de mai 2019 pour des irrégularités relevées durant le scrutin. Ainsi donc, de nouvelles élections seront organisées dans les 150 prochains jours. Sans doute un revers pour le président Peter Mutharika qui compte bien se défendre. La prise de responsabilité de la Cour Constitutionnelle du Malawi peut-elle faire tâche d’huile au Togo?
Coup de tonnerre !
Le fait est rare sur le continent au point de s’y attarder. Au Malawi, le président sortant, Peter Mutharika, au pouvoir depuis 2014, avait été réélu avec 38,5 % des voix à la dernière présidentielle qui remonte à mai 2019. Soit, 159 000 voix d’avance seulement sur le chef de l’opposition Lazarus Chakwera, qui avait dénoncé des fraudes et saisi la justice. Après presque neuf (09) mois de litige post électoral, la Cour constitutionnelle a donné raison à l’opposition en estimant que Peter Mutharika avait été « indûment élu ».
Dans son rendu, la Haute Cour du Malawi a estimé notamment que «l’usage répandu du Tipex et d’autres altérations manuelles sur les procès-verbaux a grandement sapé l’intégrité des élections». Un argument fondé sur le code électoral en vigueur du pays, avec pour mérite de remettre en cause, la crédibilité du processus électoral. Une sorte de coup de tonnerre dans le ciel démocratique du Malawi qui se fait illustrer, encore une fois, sur le continent de par la maturité de sa démocratie.
Déçu…mais pas vaincu
Incompréhensions et stupéfaction se sont emparées du camp présidentiel qui vient de subir, ainsi, une douche froide. «Nous considérons ce jugement comme une grave subversion de la justice, » a déclaré, le lendemain, Peter Mutharika dans un discours à la nation. « Nous ne faisons pas appel pour stopper la prochaine élection (…) Nous sommes prêts à faire campagne et à gagner comme nous l’avons toujours fait », a-t-il ajouté, tout en invoquant une erreur judiciaire et une attaque contre les fondements de la démocratie. Toutefois, loin de s’avouer vaincu, le Président dit rester confiant.
Leçon de démocratie
Le feuilleton auquel a assisté, avec grand intérêt, tous les observateurs n’est donc qu’une leçon de démocratie qu’administre le Malawi à tout le continent après celle de la Cour constitutionnelle kenyane qui a également annulé la dernière présidentielle qui avait initialement l’actuel président Uhuru Kenyata élu à tort. En effet, c’est un secret de polichinelle que la gouvernance politique en Afrique est gangrenée par l’assujettissement du pouvoir judiciaire à l’exécutif. Ce qui se caractérise généralement par la mise en place des institutions plutôt aux services d’un homme et d’un régime que du peuple. Et la conséquence qui s’en découle en est, le plus souvent, le toilettage de la Loi fondamentale par des élus et institutions à la solde, pour permettre à un Chef d’Etat de s’éterniser au pouvoir. Et les exemples sont légions. Faisant ainsi tristement du continent africain, un continent aux ressources inestimables mais qui se retrouve, malheureusement, à la traîne sur le plan démocratique. Un mal dénoncé en 2009 par l’ancien président américain Barack Obama qui, en guise de solution, estimait que «l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais plutôt d’institutions fortes».
Assouma à l’école du Malawi?
Au Togo, de l’armée à la Cour Constitutionnelle en passant par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), entre autres, l’enracinement du régime cinquantenaire s’explique essentiellement par l’érection tant au sein qu’à la tête des institutions des hommes qui sont à la solde du régime et de ses tenants. Ce qui s’observe ces dernières années au travers des agissements et autres violations des textes et règles fondamentales qui concourent tous à offrir un quatrième mandat à Faure Gnassingbé. Ceci, par des manœuvres pour le moins ubuesques que dénoncent tout observateur.
Aujourd’hui, la question qui revient avec insistance est celle de savoir si la Cour Constitutionnelle du Togo que pilote le juge Aboudou Assouma est en mesure d’aller à l’école de son homologue malawite. Rien n’est moins sûr, quand on sait que ce pays a toujours donné force à la loi. Ce qui fait la force de la sa démocratie, et de ses institutions qui forcent estime et admiration. Tout le contraire au Togo où la Cour Constitutionnelle s’est toujours comportée en un véritable outil de consolidation du régime cinquantenaire. Le triste exemple de 1998 où dépassée par l’enjeu, notamment la défaite du Gal Eyadema, la présidente de la Cour d’alors, le juge Awa Nana a été contrainte de céder son fauteuil au ministre de l’Intérieur Seyi Mémène qui a plutôt proclamé les résultats voulus par le Président. Pathétique ! Qu’à cela ne tienne, c’est un défi qui n’est pas insupportable, si tant est qu’on est décidé à dire le «vrai» droit, et rien que le «vrai» droit.
Source : Fraternité
Source : 27Avril.com