Alternance en Afrique : Joseph Kabila out, Faure Gnassingbé attendu en 2020

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Alternance en Afrique : Joseph Kabila out, Faure Gnassingbé attendu en 2020


La CENI a fini par proclamer les résultats du scrutin présidentiel du 30 décembre dernier. La surprise, le parti majoritaire est le grand perdant. Son candidat, Emmanuel Ramazani Shadary (23,84) est arrivé en 3ème position derrière Martin Fayulu Madidi (34,83) et Félix Antoine Tshisekedi (38,7%), le vainqueur. Une victoire à mettre à l’actif du désormais ex-chef d’Etat Joseph Kabila qui a compris qu’il y a une vie après la présidence.

Depuis hier matin, le Congo-Kinshasa concentre l’actualité politique sur le continent. Un vent nouveau souffle sur ce vaste pays de l’Afrique centrale. Celui d’une alternance pacifique longtemps attendue par le peuple congolais. Même si Martin Fayulu de la coalition Lamuka conteste les résultats proclamé par la CENI, l’ère Joseph Kabila est en train de se tourner. « Nous allons voir une vraie passation de pouvoirs, où le sortant va remettre le symbole du pouvoir à l’entrant », a déclaré Vital Kamehre. Pour lui, la victoire de son camp à l’issue de la présidentielle n’est pas « non seulement de l’opposition, mais de l’ensemble du peuple congolais ». En effet, depuis la proclamation provisoire des résultats, beaucoup soulignent l’ouverture démocratique du parti au pouvoir qui jusque-là n’a pas contesté les chiffres avancés par la CENI. Chose rare en Afrique où dans l’imaginaire commun, généralement un parti au pouvoir n’organise pas les élections pour les perdre.

Une alternance négociée

L’élection de Félix Tshisekedji suscite des commentaires et des analyses. Pour les sceptiques, il y aurait un deal entre la coalition Lamuka et le parti au pouvoir. En effet, la volteface opérée par Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe à l’issue de la rencontre de Genève convainc plus d’un qu’il y a eu un calcul politique qui a tourné à l’avantage de ces deux dissidents. En novembre 2018, les principaux poids lourds de la scène politique congolaise, Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe s’étaient réunis dans la capitale suisse pour désigner un candidat unique de l’opposition. Le choix était porté sur Martin Fayulu. Mais coup de théâtre ! Arrivées au pays, les deux principales figures de la coalition Lamuka font défection de l’alliance qui visait à faire partir Kabila du pouvoir en lui opposant un seul candidat. Ce sont finalement deux coalitions qui étaient allées au scrutin présidentiel du 30 décembre face à Emmanuel Ramazany Shadary.

Aussi la proclamation tardive des résultats provisoires par Corneille Nangaa, président de la CENI, a-t-elle laissé planer un soupçon sur la vérité des urnes. Selon la CENCO, qui a déployé des observateurs sur le terrain, c’est Martin Fayulu qui arrive en tête. Pour certains analystes, des tractations souterraines ont eu lieu et Kabila aurait accepté reconnaître sa défaite à condition que la coalition Lamuka soit proclamée vainqueur. Ces observateurs de la scène politique congolaise pensent que Félix Tshisekedi aurait séduit Kabila à accepter sa défaite. Le nouveau Président a réaffirmé qu’il ne fera pas la chasse aux sorcières et s’inscrit dans la démarche de réconciliation nationale. D’autres pensent que le fils de Laurent Désiré Kabila ne voulait pas de Jean-Pierre Bemba et de Moïse Katumbi à sa succession. C’est plausible quand on observe les tensions pré-électorales. En effet, poussé à l’exil, l’ex-gouverneur de la province de Katanga a été empêché de regagner son pays pour battre campagne à son candidat Fayulu surnommé « candidat de la communauté internationale ». La réaction de la France à l’issue des résultats est révélatrice.

La France, toujours la France

« Nous condamnons toute tentative de changement de régime extraconstitutionnel. La stabilité du Gabon ne peut être assurée que dans un strict respect des dispositions de sa Constitution», a déclaré Jean Yves le Drian, le chef de la diplomatie française après le putsch manqué du 07 janvier dernier au Gabon. Trois jours plus tard, c’est-à-dire hier, le même Jean Yves le Drian revient: « Les élections se sont déroulées à peu près dans le calme, ce qui est une bonne chose, mais il semble bien que les résultats proclamés ne soient pas conformes aux résultats que l’on a pu constater ici ou là, parce que la Conférence épiscopale du Congo a fait des vérifications et a annoncé des résultats qui étaient totalement différents ». Comme on voit, la France, pays de démocratie navigue entre plusieurs eaux en Afrique et selon ses intérêts. C’est une politique de caméléon en réalité. Paris change de couleur au gré de ses intérêts, et c’est pour cela qu’elle maintient toujours ses forces armées en Afrique sous le fallacieux argument de sécurité.

En réalité, l’Hexagone est toujours dans son approche d’administration en directe de ses colonies et décide de ce qui doit les diriger, au détriment souvent des aspirations des peuples. Au Togo, on est dans ce cas de figure où depuis une cinquantaine d’années, le pays de De Gaulle, de François Mitterrand, de Chirac, maintient la même famille au pouvoir. Ce pays à travers ses présidents qui se sont succédé, n’a jamais aidé le peuple togolais à sortir du joug de l’implacable dictature dans la sous-région ouest africaine. En 2005, la France a laissé passer ce qui allait faire tache d’huile et un mauvais exemple en Afrique. Celui de la succession des fils à papa. Ainsi, le Gabon et la RD Congo ont copié cet exemple qui a encore terni l’image du continent. Ce qui est inadmissible en France, elle le promeut en Afrique. Tout récemment, Emmanuel Macron a failli envoyer des observateurs au Togo pour superviser les législatives décriées par la Coalition de l’opposition. Malgré les démentis de l’ambassade de France, le journal panafricain « Jeune Afrique » a confirmé que Paris était bel et bien décidé à envoyer ses observateurs.

Vers la fin des successions dynastiques en Afrique

Loin du Congo-Kinshasa, la nouvelle de l’élection de Félix Tshisekedi trouve des échos. Et comme nous l’avons annoncé dans notre précédente parution, c’est le crépuscule des règnes dynastiques en Afrique. Cette victoire de l’opposition congolaise sonne le glas de la succession dynastique sur le continent. Parmi les trois (Joseph Kabila, Ali Bongo et Faure Gnassingbé) qui se sont succédé à leur père, il ne reste que Faure Gnassingbé. Ali Bongo affaibli par son AVC n’aurait plus facultés nécessaires pour gouverner son pays. Le fils de Laurent Désiré Kabila a compris qu’il y a une vie après la présidence.

Au Togo, le parti au pouvoir ne semble pas s’inscrire dans la démarche de permettre au peuple d’expérimenter l’alternance. Tout est fait pour étouffer ses aspirations dans le sang. Depuis le soulèvement populaire d’août 2017, le pouvoir de Lomé II use de mains fortes et de tous les moyens pour s’opposer à l’alternance. La dernière mascarade électorale est une preuve suffisante. Des députés ont été « nommés » puisque le peuple togolais, a dans sa grande majorité, boycotté les législatives. C’est un cinglant désaveu pour le pouvoir de Faure Gnassingbé qui s’obstine à ne pas lire dans les signes. Kabila l’a compris. Et c’est pour cela qu’au-delà la victoire de la coalition Lamuka, il est à féliciter pour avoir fait le bon choix de sortir par la grande porte. Reste à savoir si le Togolais fera de même en 2020.

A travers la victoire de la coalition Lamuka, le retrait de la vie politique de Joseph Kabila est désormais acté. « Nous allons voir une vraie passation de pouvoirs, où le sortant va remettre le symbole du pouvoir à l’entrant », espère Vital Kamehre, donné Premier ministre du prochain gouvernement post-Kabila. Mais, il faudra aplanir les divergences et tenir des discours rassurants à l’endroit du camp de Martin Fayulu qui ne reconnaît pas la victoire de Félix Tshisekedi et parle d’une « escroquerie politique ». Ça doit être l’une des priorités de Lamuka pour donner une chance à l’alternance longtemps désirée par les Congolais.

« Je salue en passant Martin Fayulu que je respecte beaucoup. Et je considère qu’il est en droit de contester les élections. Je mesure son amertume, il a fait un bon score, je le félicite en passant. C’est ça la démocratie. Je me suis effacé au profit de Félix Tshisekedi par amour pour notre pays et pour honorer la mémoire d’Etienne Tshisekedi. Aujourd’hui, son fils va terminer le combat que le père avait commencé. C’est comme Moïse et Josué. Et je crois que le peuple congolais aujourd’hui tous les droits et les raisons de fêter », a indiqué celui qui est présenté comme l’artisan de la victoire de l’UDPS.

Source : www.icilome.com