Sincèrement entre nous, ce coup d’état au Gabon, qui met fin à la dynastie Bongo, ne sonne-t-il pas comme un soulagement pour l’intéressé lui-même, Ali Bongo? Depuis un temps, assommé par la maladie, précisément par un AVC, il est physiquement diminué. Et c’est au vu et au su de tout le monde que l’homme public Ali Bongo se débat avec les séquelles de la maladie. Dans un pays normal où les dirigeants sont là pour leurs peuples et les respectent, il y a longtemps que le désormais ex-président gabonais se serait retiré de la vie politique et publique pour raison de santé, pour aller se faire soigner dans l’intimité de sa famille. C’est pourquoi nous estimons, qu’en dehors de la grande inconnue quant à l’avenir immédiat d’Ali Bongo, quant au sort à lui réservé par les nouvelles autorités du Gabon, humainement parlant, l’ancien chef de l’état de ce petit pays d’Afrique Centrale devrait pousser un ouf de soulagement.
Sur le plan purement politique, le Gabon revient de loin, de très loin. On peut dire sans risque de nous tromper que ce pays se réveille d’un long sommeil, d’une très longue nuit qui semblait ne pas prendre fin. En effet, comme beaucoup de pays francophones d´Afrique, théoriquement indépendant depuis 1960, le Gabon fut tenu d’une main de fer par Omar Bongo, le père d’Ali Bongo aujourd’hui déchu, pendant 42 ans. Il y règna en maître absolu jusqu’à sa mort à 74 ans le 8 juin 2009. À sa mort, en pure république bananière qui se respecte, son fils Ali Bongo lui succède à la tête du pays comme si on était dans une monarchie. Aujourd’hui, au lendemain du coup de force qui mit un point d’arrêt à l’aventure hasardeuse d’Ali Bongo sur le Gabon, il est très tôt pour prévoir ou décrypter les intentions réelles des militaires putschistes à Libreville.
À voir les populations gabonaises jubiler et sympathiser avec leur armée, on comprend aisément la joie et surtout la délivrance du syndrome « Bongo » que ressentent aujourd’hui ces manifestants. Alors il est clair que les militaires qui viennent de prendre le pouvoir ne sont pas là pour la galerie et n’ont pas droit à l’erreur. Le Gabon et l’Afrique toute entière attendent beaucoup deux. En dehors du fait que les corps habillés gabonais soient venus pour balayer la maison, pour emprunter cette expression à un général ivoirien aujourd’hui disparu, ils devraient surtout faire en sorte qu’un coup d’état, dans la situation désespérée de beaucoup de pays africains, surtout francophones, peut être salutaire et mener à une démocratie solide et durable.
«Le Gabon et le Togo sont les deux plus vieilles dictatures de type monarchiste avec des pouvoirs passés de père en fils. Les deux pays sont dirigés depuis 1967 par les mêmes familles et détiennent ainsi le record des plus longs règnes du même clan familial au pouvoir sur le continent. Ils se hissent également au deuxième rang mondial après celui de la Corée du Nord. C’est aussi des Etats pilotes de la Françafrique et laboratoires des pratiques mortifères de la démocratie. Le clan au pouvoir au Togo et au Gabon ne rêve qu’une chose, la monarchisation du pouvoir…» (Quotidien Liberté du 29/08/2023)
Mardi 29 août 2023, le directeur de publication du seul quotidien privé togolais « Liberté », comparait dans son éditorial les deux régimes togolais et gabonais qui se ressemblent par leur genèse, par leur nature, par leur façon de fonctionner et surtout par leur volonté commune de ne jamais abandonner le pouvoir politique, vaille que vaille. En fait des jumeaux siamois, l’un situé en Afrique occidentale et l’autre en Afrique centrale. Et qui aurait cru, qu’en l’espace de quelques heures, après que cet éditorial prémonitoire soit écrit, le destin basculerait pour Ali Bongo, qui est retenu, à l’heure où nous écrivons ces lignes, dans son palais à Libreville, par les militaires qui lui ont arraché le pouvoir? Ainsi va la vie, et surtout la vie politique en Afrique, où le pouvoir politique est encore considéré par beaucoup comme dicté par la raison du plus fort, et comme une question de vie et de mort.
Ali Bongo se conjugue désormais à l’imparfait. Oh que les choses vont vite! Les Gabonais avaient leur fils à papa; les Togolais ont encore le leur, Faure Gnassingbé; mais pour combien de temps encore? Les Togolais dans leur majorité, au pays ou dans la diaspora, en suivant attentivement les évènements qui se déroulent au Gabon, pensent en même temps au drame politique domestique qui est le leur depuis un demi-siècle. Corruption endémique, détournements à ciel ouvert des déniers publics, népotisme, élections truquées, grande pauvreté au sein des populations, violations des droits de l´homme, prisonniers et réfugiés politiques…; voilà le lot de quelques effets néfastes de la dictature et de la mauvaise gouvernance auquel les Togolais doivent encore faire face. Faure Gnassingbé, depuis la mort de son père Éyadéma en 2005 et depuis qu´il est aux commandes à la tête de notre pays, le Togo, reste le seul maître à bord, alors que les résultats ne suivent pas.
Toutes les tentatives pour humaniser et démocratiser les institutions de la république pour le bien de tout le monde, ont toutes échoué par mauvaise volonté de la part de nos autorités politiques de fait. Tout change positivement autour du Togo. Ali Bongo au Gabon vient de tomber. Il devient alors trop visible que le Togo de Faure Gnassingbé reste un pays à part. La pression sur le président de fait du Togo ne devient-elle pas trop forte? L’étau ne se resserre-t-il pas sur le fils à papa togolais? Quelle que soit la faute commise, quelles que soient les erreurs du passé, ne vaudrait-il pas mieux de se ressaisir avant qu´il ne soit tard, pour éviter de devoir quitter un jour la scène par la petite porte?
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com