La Banque Mondiale n’a pas fait dans la langue de bois, au sujet des insuffisances de l’agriculture togolaise, dans un rapport y consacré. L’institution a relevé ses goulots d’étranglement. Au-delà de ce problème d’ordre général, une question apporte de l’eau au moulin de l’institution de Breton Woods et défraie la chronique. Il s’agit de l’accessibilité de l’engrais. C’est la croix et la bannière pour les paysans togolais.
Même si elle utilise 39 % des actifs selon les statistiques officielles, l’agriculture togolaise peine à relever les défis qui se posent à elle. Les productions restent insuffisantes et ne parviennent même pas à assurer la subsistance aux agriculteurs eux-mêmes et les besoins nationaux.
Les faiblesses identifiées par la Banque Mondiale
Les institutions internationales font généralement dans la langue de bois, au nom de la diplomatie nécessaire dans les relations internationales pour éviter de frustrer. Mais la Banque Mondiale a récemment fait une exception à la règle. Dans un rapport sur l’agriculture togolaise, l’institution pointe du doigt ses goulots d’étranglement.
L’étude intitulée « À la recherche d’une croissance durable et inclusive » relève les faiblesses de l’agriculture togolaise. La publication du rapport s’inscrit dans la droite ligne de l’alerte de risques alimentaires en Afrique subsaharienne, sujet autour duquel sont réunis les grands pays émergents à l’initiative du G7, dans un contexte où le Président du Fonds international de développement agricole (FIDA) et futur patron du Bureau international du travail (BIT), le compatriote Gilbert Fossoun Houngbo a appelé l’Afrique à augmenter sa production locale, agricole cela s’entend aussi, pour faire face aux chocs induits par la guerre en Ukraine et autres.
Faible productivité agricole, déforestation, hausse de production à l’hectare quasi-nulle, faible usage des intrants, abandon de la recherche et de la formation agricole, potentiel économique inexploité des villes, faible niveau de compétitivité commerciale et de participation aux chaînes de valeur mondiales, ce sont là des insuffisances mises en exergue. Autant de faiblesses faisant de l’agriculture togolaise la moins rentable de la région ouest-africaine. Face à ces goulots d’étranglement, la Banque Mondiale fait des recommandations.
« Comme les efforts dans le secteur agricole ces dernières années ont produit des résultats en deçà des attentes du gouvernement et des marchés, le Togo devra adopter de nouvelles approches pour assurer des rendements agricoles plus solides et accélérer son processus de transformation structurelle », a souligné Urbain Thierry Yogo, économiste principal à la Banque Mondiale et auteur principal du rapport. « Il faut inverser cette tendance dans le secteur agricole en améliorant et renforçant l’investissement dans la recherche, l’usage des nouvelles technologies pour la maitrise de l’eau et la gestion des ressources agricoles clés et la promotion de l’agro business », a-t-il ajouté, dans un communiqué de presse.
L’institution financière internationale conseille au Togo d’investir plus dans l’agriculture, revivifier l’Institut togolais de recherche agricole (ITRA), promouvoir l’agroforesterie et l’agriculture communautaire, la culture des fruits et légumes frais et leur transformation pour le grand export, la transformation des produits vivriers pour le marché régional…«Le développement d’industries locales contribuera à la transformation des matières premières et la promotion des chaînes de valeur. Ce qui permettra la création d’emplois de qualité pour une croissance économique forte et partagée », a souligné Hawa Wagué, représentante résidente de la Banque Mondiale pour le Togo.
Engrais : le chemin de croix des paysans
Ces constats établis par la Banque Mondiale sont en réalité un secret de Polichinelle. Mais c’est bien triste lorsqu’on considère la multitude de programmes/projets sur fond d’incantations propagandistes initiés par le Togo. Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire (PNIASA) et ses différentes déclinaisons dont le Programme national d’investissement agricole, de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNIASAN), Projet d’appui au secteur agricole (PASA), Projet d’appui au développement agricole du Togo (PADAT)… Ces sigles (sic) ont été criés comme devant relever les défis et assurer la sécurité alimentaire tant recherchée aux Togolais. Et ce sont des dizaines voire centaines de milliards de FCFA qui ont été investies par les partenaires en développement, la Banque Mondiale notamment. Mais tous ces fonds se retrouvent manifestement perdus face à ces constats accablants de l’institution financière. On n’est donc pas encore sorti de l’auberge. Faible usage des intrants, ce problème figure parmi les faiblesses de l’agriculture togolaise relevées. C’est une véritable problématique de l’heure vécue par les paysans togolais.
En effet, contrairement à une époque, les engrais font partie intégrante aujourd’hui de l’agriculture au Togo et beaucoup de paysans ont intégré leur usage dans leurs réflexes. Leur utilisation se révèle une des alternatives pour augmenter la productivité des sols et des récoltes, face à la pauvreté des sols, aux aléas (sic) de la modernité et de l’accroissement des besoins. C’est notamment dans les régions Nord du pays, avec les terres moins riches que l’engrais est plus nécessaire. Au départ son usage était sélectif et se faisait sur quelques rares produits comme le coton et autres pas directement comestibles. Mais aujourd’hui, il est généralisé à toutes les cultures, même dans les légumes, fruits et autres produits de consommation. C’est l’Etat qui en fournit aux agriculteurs à chaque saison agricole à travers des structures et circuits bien définis. Mais particulièrement cette année, l’accès se révèle un véritable chemin de croix pour les paysans.
En effet, alors que l’on se trouve en pleine saison agricole, les engrais ne sont pas encore accessibles aux agriculteurs. Les plaintes étaient déjà relayées sur les réseaux sociaux pour alerter l’opinion. C’est peut-être ce qui a fait bouger les lignes ces derniers jours au niveau des structures en charge de la distribution de ces intrants. Mais comment comprendre que les engrais ne soient pas livrés aux paysans à temps ? Ce problème est visiblement lié à la lourdeur administrative. Un concitoyen résume/caricature le problème ainsi : « Pour avoir de l’engrais, le Chef village ou quartier collecte et vise les demandes. Cette liste est récupérée et visée par le Conseiller agricole qui la transmet au Directeur préfectoral de l’agriculture ; ensuite, le Directeur régional de l’ICAT pour appréciation qui l’envoie au Directeur régional de l’agriculture pour décision. La liste refait le parcours inverse avant que le paysan ne récupère son engrais ». « Trop de protocole pour avoir l’engrais », déplore un autre.
Face au retard de livraison, c’est à des prises d’assaut des sites de distribution des engrais que l’on assiste de la part des paysans, chacun voulant se faire servir. Mais c’est une poignée d’entre eux qui parviennent à se faire servir avant la fin de la journée. Le phénomène est plus prononcé dans la région des Savanes. C’était le cas mardi dernier dans le canton de Tami, chef-lieu de la commune de Tone 3 dans la préfecture de Tone. L’enjeu finalement aujourd’hui pour les paysans, c’est de « sauver la saison » pour ne pas tout perdre à la fin. A cette allure, le risque d’une chute de la productivité et des récoltes en fin de saison agricole est bien réel. Décidément, la gouvernance sous le « Prince » est un vrai problème.
Source : L’Alternative / presse-alternative
Source : 27Avril.com