L’ancien ministre Premier ministre Agbéyomé Kodjo plaide pour une stratégique et une intelligence économique pour une Afrique émergente. Lisez plutôt !
Le plaidoyer de l’ancien Premier Ministre Agbéyomé KODJO
PLAIDOYER POUR LA MISE EN ŒUVRE D’UN PLAN D’ACTION
DE VEILLE STRATÉGIQUE ET D’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE POUR UNE AFRIQUE ÉMERGENTE
Une sympathique et attrayante ville du Royaume du Maroc, du nom de Dakhla située aux confins de la façade maritime Atlantique et du désert du Sahara fut le lieu d’accueil d’une dense et enrichissante rencontre africaine portée par la thématique : -Intelligence Économique en Afrique, Expériences Nationales et Partenariats Africains-
La rencontre africaine de Dakhla fut placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et bénéficia du soutien de plusieurs organisations du Royaume du Maroc, notamment l’Office Chérifien des Phosphates ; le Wali (Gouverneur) de la Région de Dakhla-Oued Ed Dahab ; le Conseil Municipal de la Ville de Dakhla ; la Compagnie aérienne Royal Air Maroc ; et de plusieurs médias.
La rencontre africaine de Dakhla caractérisée par une représentation de personnalités de [haut niveau] fut organisée à l’initiative de -l’Université Ouverte de Dakhla- en lien avec une centaine de chercheurs du monde entier, issus de tous les continents, de tous les horizons et sensibilités, praticiens des sciences sociales en général et des sciences économiques en particulier, et travaillant sur les problématiques de développement et des relations internationales.
Plusieurs personnalités politiques marocaines de haut rang furent présentes à l’ouverture des travaux dont Monsieur le Secrétaire Général du Gouvernement et Monsieur le Secrétaire d’État à l’Investissement et au Numérique, et des autorités locales.
Tant il a paru pertinent aux Hautes Autorités politiques du Royaume du Maroc, l’opportunité de diffuser en Afrique la connaissance scientifique relative à l’intelligence économique et de la veille stratégique, auprès des États, des Entreprises, des Administrations, des Universités et des Centres de Recherches, laquelle diffusion et/ou transmission permettra en outre, de développer les échanges et de partager les savoirs et les savoir-faire à l’échelle continentale.
La rencontre africaine de Dakhla visait la mutualisation des expériences dans les domaines précités, pour une Afrique Émergente.
Vingt-trois pays du continent africain, d’expression francophone, lusophone, anglophone et du Maghreb y ont pris part du 03 au 06 Mai 2018. Des Professeurs d’Université, des Chercheurs, des Animateurs et contributeurs de Think Tank européens et africains furent également présents.
Notre pays le Togo fut représenté par Monsieur John Tata Boukary Ancien Directeur de l’Information et de l’Intelligence Économique à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Togo.
Personnellement, je fus convié aux travaux de la rencontre africaine de Dakhla en qualité de Personne ressource à la faveur de ce qu’au cours de différentes hautes fonctions que j’ai eu à exercer dans notre pays, le Togo, il m’avait paru opportun dès les années 1990 de structurer des actions de veille stratégique et d’intelligence économique au Port Autonome de Lomé, à l’Assemblée Nationale et à la Primature.
C’est pourquoi, il a paru approprié aux organisateurs de la Rencontre africaine de Dakhla d’aimablement me compter au nombre des contributeurs aux fins de nourrir la Rencontre africaine de Dakhla de mes expériences en matière de veille stratégique et d’intelligence économique.
Il me fut fait l’honneur de me conférer le rôle de modérateur lors de prise de parole des intervenants livrant les expériences de leur pays en matière de veille stratégique et d’intelligence économique. Aussi, fus-je au rang des intervenants lors de la séance de clôture des travaux, précédée par la présentation d’un Relevé de synthèse.
Sur le fond, la Rencontre africaine de Dakhla a abouti à la constitution d’un -Forum Africain des Associations d’Intelligence Économique ( FAAIE) – qui aura pour objet : la mise en œuvre d’un savoir-faire en matière d’intelligence économique et de veille stratégique en Afrique, le développement des échanges inter-africains, le partage des expériences en la matière et la valorisation de l’expertise des dimensions géostratégiques du continent africain auprès des États, des Entreprises, des Administrations, des Collectivités territoriales, des Universités et des Centres de recherches.
La Convention de partenariat instituant la création du -Forum Africain des Associations d’Intelligence Économique- a été formellement actée à Dakhla. Elle fut séance tenante signée par un certain nombre de pays dans lesquels des structures d’intelligence économique et de veille stratégique sont d’ores et déjà plus ou moins opérationnelles notamment le Think Tank -Vigilances, Intelligence et Prospective- pour la Côte d’Ivoire ; le -Centre Africain de Veille Stratégique- pour le Congo-Brazzaville ; l’Association Marocaine d’Intelligence Économique pour le Royaume du Maroc ; le -Réseau Nigérien d’Intelligence Économique- pour le Niger ; -SOPEL International- pour le Sénégal ; -l’Association Tchadienne d’Intelligence Économique- pour le Tchad ; -l’Association Tunisienne d’Intelligence Économique- pour la Tunisie ; et -l’Association Marocaine d’Études et de Recherches pour le Développement-.
Concrètement, il s’agira de structurer et de mobiliser l’intelligence collective africaine au service de trois leviers essentiels de l’émergence africaine, à savoir : le développement d’une pensée stratégique africaine, l’élaboration de diagnostics partagés et la proposition d’actions collectives pour une Afrique plus unie et plus forte au service des intérêts des africains.
Cet abord constitue un vecteur important d’intégration à l’échelle continentale et le point de départ pour une nouvelle économie de l’Afrique favorisant la création d’une élite africaine capable de jeter les bases d’un développement durable et inclusif de leur continent.
En termes d’opérationnalisation et de pratiques pragmatiques, les actions projetées prendront appui sur les organisations sous régionales continentales à l’instar de l’UMA, de la COMESA, la CEDEAO de la CEEAC, de la SADC, de la CEMAC de l’UEMOA et de la Commission de l’Union Africaine, pour dynamiser un plan d’action vecteur d’intégration continentale, visant à la vulgarisation de cet outil stratégique au bénéfice de la grande ambition que nourrit le continent pour se débarrasser de la pauvreté et de l’ignorance, afin que le continent africain libère son potentiel et émerge comme une puissance économique incontournable.
Le -Forum Africain des Associations d’Intelligence Économique- vise en outre, la formation et le renforcement des capacités des acteurs publics et privés et des étudiants afin que la démarche stratégique soit globale et intégrée dans les différents domaines de leurs activités économiques ou cognitives. Ces différentes actions contribueront à faire entrer le continent africain dans la Société de la Connaissance.
Ne perdons pas de vue que notre monde est global. Il est dirigé par quatre paramètres qui constituent le « secret » des Nations gagnantes : la vitesse, la connectivité, l’immatériel et l’innovation.
La vitesse joue un rôle structurant dans le champ de la compétition économique mondiale, conduisant en termes de prompte réactivité, à une adaptation actualisée relativement à l’accélération des échanges des biens, des services, et des capitaux. L’économie numérique qui conceptualise le secteur des activités économiques liées au numérique est un marqueur des changements qui ont transformé la société humaine. Les technologies de l’information et de la communication ont connu au cours des quarante dernières années un développement prodigieux allant des suppositions qui découlent de la « loi de Gordon Moore » ou au sens strict « les conjectures de Gordon Moore » (cofondateur de INTEL) aux nanotechnologies. L’évolution de la puissance de calcul des processeurs est passé de doublement de sa capacité tous les deux ans, avec un délai d’émergence sur le marché des nouvelles gammes de produits électroniques tous les six mois et la miniaturisation via les nanotechnologies basées sur les techniques de la physique quantique. La physique quantique étant l’appellation générale d’un ensemble de théories physiques nées au XXème siècle qui, comme la [théorie de la relativité], marque une rupture avec ce que l’on appelle maintenant la physique classique, qui regroupe par définition les théories et principes physiques connus au XIXème siècle.
Le second « secret » des gagnants c’est qu’ils ont compris que dans notre monde actuel tout est connecté. Les technologies dites 4G, et 5G, la fibre optique et les satellites rapprochent les communautés, les places financières mondiales, et stimulent les décisions stratégiques de nos pays, via internet et les réseaux sociaux.
Le troisième « secret » des gagnants est la compréhension de la grande valeur et de l’importance de l’immatériel dans ce monde. L’immatériel a pris le dessus sur les valeurs matérielles. Les japonais l’ont tant et si bien compris qu’ils détiennent le plus grand nombre de brevets afférents à la robotique, à l’intelligence artificielle et à l’immatériel. Notre civilisation est devenue cognitive.
Le dernier « secret » des gagnants est marqué par le poids de l’innovation dans toutes les actions de recherche et de l’industrialisation. Elle est le socle fondamental de la compétence distinctive dans la compétitivité.
En somme, la démarche de l’intelligence économique exhorte nos pays et nos entreprises à la maîtrise du cycle de l’information, à son usage comme arme stratégique de développement en lien avec la guerre cognitive et celle de l’information stratégique.
Par ailleurs, il est bon de retenir que la motivation fondamentale de la Rencontre africaine de Dakhla procède du fait qu’il s’est avéré d’après des études sérieuses et étayées, que le Continent africain sur le plan géopolitique dispose d’atouts majeurs pour être au cœur des enjeux économiques du 21ième siècle.
L’intelligence économique revêt dès lors, aujourd’hui, une nécessité absolue devenue stratégique. Le continent africain est plus que jamais appelé à adopter une politique volontariste commune en la matière, en raison de ce que l’Afrique fait face à de multiples défis liés à la compétitivité économique et à la complexité des marchés.
Qu’ainsi, dans un monde de plus en plus globalisé, ouvert, interdépendant et hyper connecté, l’Afrique [notre] continent est exposé à toutes sortes de convoitises, à une concurrence exacerbée et à des menaces multiformes qui accentuent sa vulnérabilité à tous égards.
Ces menaces sont portées par de nouveaux acteurs qui n’hésitent pas à livrer toutes sortes de guerre asymétrique et/ou tensions économiques à nos États tendant à fragiliser leur économie et leur cohésion sociale notamment. Le terrorisme, la cybercriminalité, l’économie du crime, la corruption, les mouvements de contestation souvent sujets à caution, le radicalisme, et les menées subversives constituent les moteurs extrêmement néfastes qui fragilisent la stabilité de [nos] États, déjà confrontés à une regrettable montée en puissance du chômage des jeunes qui n’ont d’exutoire que de se fondre dans des mouvements migratoires aux fortunes improbables si ce n’est périlleuses.
Face à ce tableau qui ne saurait être apprécié autrement que de cruel pour le futur, si nous n’y prenons garde, les participants aux travaux de la -Rencontre Africaine de l’Université de Dakhla- après avoir dressé un bilan sans complaisance de l’état des lieux des pratiques de la veille stratégique et d’intelligence économique, et conscients de la gravité de la situation, ont à l’unanimité convenu de constituer un -Forum Africain des Associations d’Intelligence Économique- qui aura vocation à prendre toutes les mesures appropriées en vue de combler les lacunes et carences relevées, préjudiciables à tous égards, aux dépens du continent africain.
Il va sans dire que le diagnostic dressé, laisse apparaître le peu d’intérêt que les Dirigeants africains accordent à l’intelligence économique (matière éminente en termes de stratégie de coordination, de collecte, de traitement et de diffusion de l’information utile aux acteurs économiques, en vue de son exploitation) ; or, pareille préoccupation sous-tend incontestablement la gouvernance de leur économie et de leur société.
Plus alarmant, constat fut fait de ce que le privilège de la veille stratégique en termes d’intelligence économique n’est à ce jour, que l’apanage des grands Groupes industriels, commerciaux, financiers, occidentaux en activité sur le continent africain, et de quelques rares exceptions que constituent quelques grandes entreprises africaines.
À nul contredit, l’indigence de cet outil stratégique en Afrique résulte aussi de la déconnexion des structures d’enseignement de recherche et de formation relativement aux évolutions rapides qu’ont connu le champ du savoir économique et celui des sciences de management en matière de veille stratégique.
Rechercher la bonne information, l’analyser, anticiper, prévenir, se protéger telle est la mission essentielle d’une démarche de veille stratégique et d’intelligence économique pour résister aux chocs et aux appétences d’un monde de plus en plus marqué par une compétition féroce.
Le -Forum Africain des Associations d’Intelligence Économique- entend contribuer à élever le niveau de formation, de qualification et d’expertise des opérateurs économiques, des acteurs institutionnels, des collectivités territoriales et des étudiants du continent africain en matière d’appropriation des pratiques d’intelligence économique et de veille stratégique, et de favoriser le transfert des bonnes pratiques entre les pays africains dans ce domaine ; de développer des partenariats entre les pays du continent africain en matière d’intelligence économique et de veille stratégique ; de lancer sur le continent africain les fonts baptismaux portant création d’un -Centre Africain d’Études et de Recherches en Intelligence Économique et Veille Stratégique- et enfin, d’initier et de développer des partenariats avec les structures opérationnelles non africaines d’intelligence économique poursuivant des objectifs analogues aux nôtres.
En conclusion, l’intelligence économique et la veille stratégique peuvent valablement être regardées comme une condition incontournable pour tendant à accompagner l’ambitieux projet portant construction d’une nouvelle Afrique unie et forte.
Le continent africain doit maintenant se doter d’un dispositif opérationnel d’intelligence économique et de veille stratégique collectif, porté par la promotion des bonnes pratiques en la matière afin d’assurer la sécurité globale du continent aussi bien dans le domaine de la sécurité alimentaire, de la sécurité économique et du patriotisme.
Enfin, les puissances publiques de nos pays, fortes des prérogatives qui leurs sont dévolues doivent envisager des mesures urgentes tendant à intégrer dans la conduite des affaires publiques une démarche coordonnée de veille stratégique et d’intelligence économique afin de tonifier leur économie, de mieux adapter les politiques publiques et d’encourager les entreprises privées à en prendre le chemin.
C’est me semble-t-il le chemin adéquat pour une croissance économique stimulée, partagée et inclusive ainsi que pour la cohésion des forces sociales notamment pour un Togo moderne, réactif, intelligent et émerge
Nos Universités et Centres de formation sont subséquemment interpelés aux fins d’entreprendre l’ouverture des filières adaptées et préparer ainsi la jeunesse du continent à être dotée des moyens et supports de bataille économique de notre siècle permettant une compétition à armes égales avec nos concurrents et surtout de relever sur le continent africain les grands défis exigeants de demain.
Ensemble construisons avec intelligence un Togo performant, un Togo moderne, un Togo compétitif, un Togo qui gagne, au sein d’une Afrique unie.
Lomé le 13 mai 2018
Agbéyomé KODJO
Ancien Premier Ministre
Source : www.icilome.com