Afrique du Sud: vers une cohabitation tendue Ramaphosa-Zuma

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Le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa a mis un point final tôt jeudi matin à la conférence qui l’a élu à la tête du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, promettant entre autres d’éliminer la corruption qui mine le parti et le gouvernement.

Mais sa victoire sur le fil lui impose de cohabiter avec un état-major également partagé entre ses partisans et ceux de sa rivale Nkosazana Dlamini Zuma, l’ex-épouse de Jacob Zuma, et surtout avec son prédécesseur, chef de l’Etat jusqu’en 2019.

A couteaux tirés

Derrière les compliments de façade dont ils ont fait assaut ces derniers jours, MM. Ramaphosa et Zuma entretiennent des relations exécrables, ce n’est un secret pour personne.

Le premier a fait campagne en dénonçant la corruption du second, englué dans une litanie de scandales qui ont contribué à salir l’image du parti de l’icône Nelson Mandela et sérieusement érodé son soutien électoral.

Les images du visage de Jacob Zuma, déconfit, à l’annonce du verdict de la consécration de son adversaire ont ravi les internautes.

Dans son propos de clôture, Cyril Ramaphosa n’a pu s’empêcher d’écorcher Jacob Zuma, même à mots couverts. « Ceux qui sont choisis par notre mouvement devraient toujours être une source de fierté et non pas d’embarras », a-t-il asséné.

Pour que son parti garde une chance de conserver sa majorité absolue dans deux ans aux élections générales, le nouveau chef de l’ANC veut régler rapidement le cas Zuma.

« Compte tenu de l’image négative du président et de l’échéance des élections de 2019, il va être obligé de s’en séparer », résume Victor Magnani, spécialiste de l’Afrique australe à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Ecarter Zuma

Elu en 2009, Jacob Zuma doit quitter la présidence de l’Afrique du Sud à la mi-2019.

La Constitution prévoit que le mandat du chef de l’Etat, élu par les députés, ne peut s’achever avant son terme que par le vote d’une motion de défiance ou sa démission. Malgré toutes ses casseroles judiciaires, M. Zuma a jusque-là toujours échappé à la censure, soutenu par sa majorité parlementaire ANC.
Reste donc la démission. Le précédent existe. En 2008, M. Zuma avait contraint Thabo Mbeki à écourter son mandat de président huit mois après lui avoir raflé la direction de l’ANC.

Ce scénario a agité ces derniers jours les rangs de l’ANC. Ses délégués se sont penchés sur les frictions que pourraient causer « deux centres de pouvoir », en clair le parti et le gouvernement.

L’actuel ministre de la Police et partisan de Mme Dlamini Zuma, Fikile Mbalula, a assuré à la presse que ce conflit serait tranché par le comité exécutif national (NEC) du parti.

« L’ANC prend les décisions et ceux qu’il envoie au gouvernement doivent obéir », a-t-il tranché.

Problème, le NEC renouvelé mercredi est partagé à quasi-égalité entre le camp Ramaphosa et celui de Mme Dlamini Zuma, favorable à M. Zuma. La bataille s’y annonce serrée avant une éventuelle décision de « rappeler » le chef de l’Etat.

Guerre de tranchées

Avant même la fin de la conférence, les partisans du nouveau chef de l’ANC ont commencé à fourbir leur armes pour pousser en douceur Jacob Zuma vers la sortie.

Dans sa résolution finale, le parti s’est prononcé pour « la mise en place dans les meilleurs délais d’une commission judiciaire d’investigation » sur la corruption à la tête de l’Etat.

Un camouflet pour le président, qui retarde depuis des mois l’ouverture de toute enquête sur ses liens avec la sulfureuse fratrie Gupta, accusée de trafic d’influence et de détournements de fonds publics avec la complicité active de M. Zuma.

Trois jours avant la conférence, la justice lui a ordonné de mettre en place cette commission d’enquête d’ici un mois.

M. Zuma a suggéré qu’il pourrait faire appel de ce jugement, ce que l’ANC pourrait considérer comme un geste de défiance suffisant pour le forcer à la démission.

« Zuma est peut-être en difficulté, mais il va user de tous les moyens de son arsenal pour se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible », a toutefois noté Augustine Booth-Clibborn, du cabinet ARC Risk. « La bataille pour l’avenir de l’Afrique du Sud va se jouer entre l’ANC et le gouvernement ».

Une perspective qui a vite douché l’enthousiasme des marchés, qui espéraient que la victoire de M. Ramaphosa allait mettre un terme à l’instabilité récurrente à la tête du pays.

« La cohabitation (Zuma-Ramaphosa) pourrait causer une période d’incertitude politique », a redouté l’analyste John Ashbourne, de Capital Economics Africa.

Source : www.cameroonweb.com