Arrêtée puis placée sous mandat de dépôt, Reckya Madougou séjourne depuis le 05 mars dernier à la prison de haute sécurité de Missérété, une ville située au sud-est du Bénin. L’ancienne Ministre de la Justice est accusée « d’association de malfaiteur et de terrorisme ». Une affaire qui pourrait avoir des conséquences au-delà des frontières béninoises. Explications.
Le 03 mars dernier, à la sortie d’un meeting à Porto Novo, Reckya Madougou, du parti Les Démocrates dont la candidature à l’élection présidentielle du 11 avril prochain a été rejetée, a été arrêtée et placée sous mandat de dépôt. Le porte-parole du gouvernement béninois et ministre de la Communication, Alain Orounla, a annoncé qu’elle était accusée d’avoir «planifié des exécutions en série de personnalités politiques». «Des compatriotes qui s’apprêtaient à commettre des crimes ont désigné Reckya Madougou comme leur commanditaire», a-t-il précisé. Le ministre a ajouté qu’il s’agissait d’une «infraction très grave de terrorisme prévue et punie par les lois de la République».
Une semaine après l’arrestation de l’opposante, le Togo est pratiquement le seul pays à s’exprimer sur cette affaire délicate.
La posture diplomatique du Togo…
En effet, interrogé sur l’arrestation de celle qui a été conseillère de Faure Gnassingbé, Christian Trimua, porte-parole du gouvernement togolais a d’abord loué les services rendus par Reckya Madougou au Togo. « Reckya Madougou a été conseillère du président de la République togolaise et a apporté une grande contribution au développement de l’inclusion financière au Togo, comme beaucoup d’autres Africains et experts étrangers qui contribuent par leur expertise à l’avancement de notre pays. Le Togo a apprécié cette contribution importante », a-t-il lancé.
Sur la question proprement dite de l’arrestation de l’ancienne ministre de la justice du Bénin dans son pays, voici ce que dit le ministre togolais. « Les questions électorales étant des questions internes au Bénin, le Togo ne saurait s’ingérer dans les préoccupations de politique intérieure d’un pays voisin et ami », a-t-il déclaré. Il s’est donc excusé qu’il ne pourra pas commenter davantage une question qui, dit-il, relève de la politique intérieure du Bénin. Le Togo, soulignera t-il plus loin, se doit de garder les bonnes relations diplomatiques et amicales d’antan avec ce pays voisin.
Si le gouvernement de Faure Gnassingbé pense qu’il ne lui est pas judicieux de se prononcer sur l’affaire Bolloré qui préoccupe tant les togolais, il juge donc l’arrestation de Reckya Madougou intéressante pour communiquer dessus. Une communication qui ne laisse pas indifférent les observateurs avisés.
La crainte des répercussions politiques…
En effet, ce n’est pas pour rien que les autorités togolaises ont décidé de communiquer sur cette affaire. Et pour cause, elle pourrait contribuer à discréditer et affaiblir un peu plus politiquement le régime togolais dos au mur depuis l’élection présidentielle du 22 février 2020 qui a vu Faure Gnassingbé décrocher un quatrième mandat à la tête du pays.
Surtout que les relations entre les deux pays sont à minima depuis l’élection de Patrice Talon. Selon un responsable béninois que nous avions précédemment cité dans l’une de nos récentes parutions, alors que Patrice Talon a montré les signes de sa volonté à renforcer les relations entre les deux voisins, les autorités togolaises n’ont pas montré un réel intérêt. Tout le contraire avec le régime de Yayi Boni avec lequel Faure Gnassingbé semble s’entendre à merveille.
D’ailleurs Reckya Madougou est un pur produit de ce régime Boni sous lequel elle a été nommée à plusieurs postes ministérielles avant d’être désignée en février dernier candidate du parti de l’ancien président. Bien avant sa candidature à la magistrature suprême, elle a donc servi Faure Gnassingbé. Et c’est depuis Lomé qu’elle a dégainé certaines « attaques » contre le régime de Talon.
Et comme par hasard, les forces de défense et de sécurité togolaises ont effectué une opération de ratissage dans la localité de Djéta située non loin de la frontière béninoise. Elles seraient à la recherche de cache d’arme et de munitions. Alors qu’au même moment, une vieille connaissance du Togo est accusée de terrorisme de l’autre côté de la frontière.
Autant d’éléments qui amènent les observateurs des deux côtés du fleuve Mono à craindre de voir le nom du Togo cité dans cette affaire. D’ailleurs, il semble que c’est pourquoi les autorités ont décidé de prendre les devants sur les rumeurs qui ont déjà commencé à se répandre.
Tout compte fait, les conséquences politiques de cette éventualité pourraient être préjudiciables pour le régime de Lomé qui cherche depuis quelques temps à se défaire du rôle clair-obscur à lui attribuer dans certaines crises dans la sous-région.
Source : Fraternité
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Source : 27Avril.com