«…notre ambition stratégique est d’être un état fort, visionnaire et protecteur. Le renforcement de la bonne gouvernance de nos institutions publiques est évidemment une clé pour mettre en oeuvre cette stratégie. Pourquoi? Parce que la bonne gouvernance des institutions publiques contribue à inspirer confiance et légitimité à la population. Elle est le fondement de la stabilité politique et de la cohésion sociale. La réforme institutionnelle majeure qui est en cours au Togo transforme notre régime présidentiel en régime parlementaire. Celle-ci vise à mieux équilibrer les pouvoirs exécutif et législatif, il en va de même pour la création d’un sénat. Nous garantissons ainsi que nos institutions politiques sont inclusives et représentatives. Et nous renforçons aussi la démocratie, la transparence électorale et la redevabilité des gouvernants vis-à-vis de leurs populations…» (Faure Gnassingbé, au Forum économique sino-africain, à Pékin)
Un véritable cours magistral sur la démocratie, la bonne gouvernance et les institutions fortes, voilà ce que le «Professeur» Faure Gnassingbé du Togo a brillamment délivré lors du sommet Chine-Afrique à Pékin. Un discours au contenu controversé s’agissant du comportement du délivreur du message dans son propre pays, le Togo, par rapport aux vertus démocratiques qu’il professe. Si c’était le chef de l’état sénégalais, ou béninois, ou ghanéen qui avait tenu un tel discours, personne n’aurait grand’chose à redire, car la démocratie est en marche dans ces trois pays d’Afrique de l’ouest, même si nous savons que tout n’y est pas encore parfait. Mais notre pays vit depuis un demi-siècle une crise politique dont le dramatique développement en 2024 est tel que personne ne sait ce que les Togolais doivent faire ou ne doivent pas faire pour espérer voir le bout du tunnel.
C’est pourquoi Faure Gnassingbé, en lisant son discours et en appuyant sur les vertus qui font une bonne gouvernance, donc un bon développement et une satisfaction des populations concernées, savait en son for intérieur que son message sur la situation politique dans son pays, le Togo, n’était pas vrai. Le président de fait de notre pays savait que son discours était destiné à améliorer son image et celle de son régime décrié. Faure Gnassingbé savait que beaucoup de ceux qui l’écoutaient dans cette assemblée n’étaient pas forcément au parfum des dramatiques réalités politiques togolaises. Le chef de l’état togolais qui règne d’une main de fer sur son pays n’était pas authentique en martelant un tel discours, totalement aux antipodes de ce qu’il fait subir à ses compatriotes depuis bientôt vingt (20) ans qu’il est au pouvoir. Il n’y a eu, par exemple, rien de démocratique, dans le changement de la constitution dont il vante les mérites dans son discours et qui fait passer désormais notre pays du régime présidentiel au régime parlementaire et à la 5e république. Tout a été fait en catimini par une assemblée nationale, dont le caractère démocratique laissait déjà à désirer, et qui était de surcroît en fin de mandat. Dans les pays normaux où les dirigeants respectent leurs concitoyens, un tel chamboulement qui impacte la vie d’un pays pour longtemps devrait faire l’objet d’un referendum pour avoir l’avis du peuple. Non seulement on n’a pas demandé aux Togolais leur avis, mais pour montrer encore plus que les citoyens ne comptent pas, le pouvoir de dictature fait jouer la triste comédie qui avait consisté en la soi-disant consultation des chefs traditionnels. Faure Gnassingbé, en se comportant de la sorte, continue à envoyer un message aux Togolais pour leur rappeler qu’il est là et qu’il n’a aucunement l’intention de libérer le plancher de sitôt. Plus grave, la légitimité du peuple togolais qu’il n’a pas, semble ne pas le gêner pour son maintien vaille que vaille au pouvoir.
Le fameux panafricanisme qui est devenu la mode aujourd’hui semble servir d’aubaine et en même temps d’alibi à Faure Gnassingbé pour se faire passer pour le grand panafricain, le grand démocrate et le grand médiateur dans la sous-région, alors qu’il s’est montré incapable de résoudre les grands problèmes domestiques au Togo dont il est, pour la plupart, responsable. Un président de fait qui bloque volontairement l’avènement de la vraie démocratie dans son pays, qui fait tout pour ne jamais partir, en mettant en place des institutions fantoches et en refusant de libérer les prisonniers politiques qui meurent un à un en détention. Il veut être une personnalité au-dessus de la mêlée, alors qu’il est justement la cause de la dramatique mêlée politique dans son pays; et c’est cette envie d’être la personne qu’il n’est pas, qui explique son comportement dans les crises en Afrique de l’ouest, notamment dans les trois pays du Sahel, le Burkina, le Mali et le Niger, où il se dit médiateur. Son jeu trouble qui consiste à être avec les trois pays de l’AES et à critiquer en même temps le fonctionnement de la CEDEAO, organisation sous-régionale à laquelle nos trois «panafricanistes» ont tourné le dos, et dont il propose aujourd’hui dans son discours une réforme, participe de cette volonté de sa part de rechercher à tout prix une reconnaissance, une légitimité qu’il n’a pas chez lui au Togo. Faure Gnassingbé est-il président du Togo ou de l’étranger où il joue à la vedette, alors qu’il refuse de résoudre les nombreux problèmes politiques et autres auxquels notre pays est confronté?
«…Je concluerai en disant qu’il n’ya pas de développement économique, social et politique sans institutions solides. Mais il n’y a pas non plus d’institutions solides sans bonne gouvernance. À l’intérieur de nos états une meilleure gouvernance est essentielle pour favoriser le développement et la démocratie.» Un tel discours de Faure Gnassingbé ne lui ressemble en rien. Tout ce qu’il débite ici comme conditions sine qua non pour un développement économique, social et politique est justement ce qui manque à notre pays; et c’est pourquoi les Togolais et l’opposition lui demandent depuis plusieurs années de mettre de l’eau dans son vin pour que toutes les couches vives, sans exception aucune, puissent se retrouver ensemble, pour chercher les voies et moyens pour créer les conditions qui permettraient d’asseoir une nation digne de ce nom dans tous les domaines: politique, économique et social. Il ne suffit pas de rester au pouvoir par la force, en comptant sur une armée presque familiale, en persécutant toute opposition, en commettant toutes sortes de violations des droits de l’homme, en pillant l’argent du pays avec ses proches, en toute impunité, et tenir des discours comme si le Togo était un paradis démocratique, pour prétendre donner des leçons aux autres. Ce n’est pas sérieux, ce n’est pas responsable. Ou il y a une démocratie dans un pays, ou il n’y en a pas. Il n’y a pas de démocratie personnelle, taillée sur mesure. Le Togo reste un pays sous le joug d’une dictature terrible à laquelle il faudrait mettre fin.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com