A Lomé, le calvaire des femmes rondes

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Si depuis l’obésité a été médicalisé, aujourd’hui il est de plus en plus considéré comme un problème moral. On est passé de la lutte contre ce phénomène au nom des risques médicaux que courent les obèses eux-mêmes à la condamnation morale que ces derniers subissent venant de l’entourage.

Plusieurs étiquètes sont collées à ces personnes qui ne correspondent pas aux standards corporels. Et ils en ont marre.

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Un calvaire qui commence tôt

Les souffrances que vivent les personnes obèses vont bien audelà des complexes que peuvent éprouver celles dont les courbes sont un peu trop prononcées par rapport aux standards de beauté de notre époque. En effet selon les critères fixés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), être obèse c’est quand l’indice de masse corporelle (IMC), calculé en divisant le poids en kilos par la taille en mètre au carré, est de 30 ou plus.

D’abord on leur colle des surnoms comme « le gros, la patate, le grossophobie », qui sont des étiquettes moqueurs ne valorisant pas leur personnalité. Esthétiquement les personnes en surpoids sont mal vues. Il est vrai que l’embonpoint, voire l’obésité sont considérés comme signes de richesses et de succès dans nos société. Mais avec l’avènement du modèle de minceur qui s’est imposé avec force depuis plusieurs années, être obèse maintenant n’est plus vu d’un bon œil. Le surpoids est synonyme de laideur. Ce qui fait que les jeunes obèses subissent les affres de la stigmatisation dès l’école primaire.

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Ils sont souvent exclus des tables à la cafétéria, des jeux dans la cour de récréation, des équipes en classe, des fêtes d’amis. Se font ridiculiser tous les jours par d’autres enfants, parfois même être agressé physiquement. « Je me fait insulter chaque jours par mes camarades et les enseignants qui me surnomment la maman de la classe à cause de ma forme. Pour éviter ces regards de dédain j’aime rester souvent au fond de la classe » témoigne la petite Pamela  de 15 ans encore en classe de cinquième.

Ces railleries ne viennent ne viennent pas que des camarades des classes, les professeurs, directeurs et infirmiers font aussi des commentaires négatives. Ces préjugés se reflètent dans la qualité de l’enseignement prodigué. Et les profs ont des attentes moins élevées envers des élèves obèses, tant sur le plan des compétences scolaires que sociales et physiques, et sont moins portés à leur fournir des explications.

Une souffrance accentuée plus chez le genre féminin

Loin d’être anecdotique, la discrimination fondée sur le poids est aussi présente que le sont le racisme et le sexisme dans la société. Elle touche plus durement les femmes que les hommes et croît avec le poids c’est-à-dire, plus les gens sont gros, plus ils sont susceptibles d’être discriminés.

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C’est vrai qu’à ce jour, aucune étude n’a mesuré l’ampleur de la stigmatisation lié au poids ici au Togo mais il suffit d’écouter pendant quelques heures les filles tout comme les femmes pour saisir à quel point la société est cruelle à l’égard de celles dont le corps déborde du moule.

« La semaine passée, je faisais quelques pas dans mon quartier vers 18h et des gars ont proposé de me faire la faveur de m’enculer, puisque personne ne devait jamais vouloir de moi », raconte Akouvi qui est dans la vingtaine.

Et ce comportement vis-à-vis des femmes obèses et répétitif car beaucoup d’entre elles se plaignent d’être la cible de fétichistes qui rêvent juste d’« essayer une grosse », comme si elles étaient un « manège », et de recevoir des demandes sexuelles dégradantes qu’elles devraient pourtant s’estimer chanceuses de recevoir, étant donné leur poids.

A cela s’ajoutent les regards dédaigneux et les remarques insidieuses. « Surtout quand je mange, cela sollicite beaucoup plus de regard que si je suis debout à attendre quelqu’un. Il y a les collègues qui s’étonnent de te voir manger une salade, les amis minces qui trouvent donc « courageux » de te mettre en maillots de bain, les membres de ta famille qui surveillent tes portions en public. Sans compter les inconnus au gym qui te félicitent de te prendre en main » énumère Akouvi. Derrière ces regards, les obèses sont traités de tout : les gros sont gros parce qu’ils sont lâches, fainéants, gloutons, dépourvus de maîtrise de soi et incompétents. Une présomption profondément ancrée dans la psyché collective.

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Cette présomption se fait ressentir sur le plan professionnel dans la mesure où certains postes de travail sont refusés aux personnes en surpoids soit disant qu’ils manquent de compétence or c’est juste à cause de leur physique. De la même manière, elles ont des difficultés à obtenir des promotions. « Moi je suis sûr que ma situation professionnelle actuelle est due à mon poids. En tout cas personne n’ose me le dire en plein face. Mais une fois ma patronne a évoqué ma corpulence de manière détournée » dit Akouvi.

Un manque de confiance en soi

Toutes ces discriminations ne sont pas sans conséquences. En effet, l’attitude des enseignants et le rejet des pairs contribuent sans doute au fait que les jeunes obèses s’absentent de l’école plus souvent et ont plus de difficulté à réussir. Ils ont aussi davantage tendance à se sentir nuls, à s’isoler et à souffrir de troubles alimentaires. Des situations qui peuvent réduire la portée de leurs ambitions, voire les inciter à décrocher. C’est l’exemple de Pamela qui à 15 ans est encore en cinquième du fait de son isolement et de ses absences répétées à l’école.

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Des travaux montrent que les médecins de première ligne passent en moyenne 28 % moins de temps avec leurs patients obèses. Ils sont aussi portés à attribuer tous les maux de ceux-ci à leur embonpoint sans mener une enquête plus approfondie ni considérer des traitements autres que la perte de poids. Ces attitudes condescendantes ont pour effet de stresser les patients obèses, à tel point que certains évitent comme la peste de consulter, mettant ainsi leur santé en péril.

C’est aussi très dur de se faire toiser de la tête aux pieds quand on va déposer des CV. « Il faut vraiment être forte pour affronter ça. Il y a des moments où ça ne me dérange pas. Mais ces temps-ci je vais moins bien » reconnait une obèse.

« Être gros témoigne de l’échec de ta personnalité. Le pire, c’est que tu en viens toi-même à penser que tu es un échec, avec le sentiment que tu es inférieur, et que maigrir fera de toi une meilleure personne» dit Akouvi avec un air de tristesse.

L’action des femmes rondes Amazones du 228

C’est pour venir en aide aux femmes discriminées à cause de leurs formes que l’Association des femmes rondes amazones du 228 fut créé. Avec sa tête tata Josée, ce groupe composé de 30 femmes obèses, a pour objectif de lutter pour la valorisation des femmes rondes.

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Pour cela elles organisent des activités de regroupement accompagnées de sport dansantes, des journées d’échanges afin de permettre à chaque femme de se sentir fière de sa forme.

« Nos activités d’enjallement consiste consistent à amener nous les femmes obèses à être sans complexe. Surtout amener celles qui ont perdu l’estime de soi à se ressaisir et avoir confiance en soi car la plupart d’entre nous sommes victimes de ces regards dédaigneux et ces discrimination » affirme la présidente Josée. Elle ajoute « on hésite à faire appel à un psychologue quand on sent qu’il est nécessaire pour l’une des nôtres ».

Focus Infos No 265

Source : Togoweb.net