C’est un secret de polichinelle. Le Togo ne cache pas son ambition de se positionner en première ligne de la lutte contre le terrorisme dans la sous-région. Surtout au Sahel.
Une envie nourrie et bonifiée, entre autres, par la récente visite de Faure, début avril, à Paris où le sujet était posé sur la table des discussions. S’en suivront d’autres indices plus illustrateurs qui amènent à des questions évidentes sur l’audace de Lomé.
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Au commencement…
Tout est partie d’une déclaration de Faure GNASSINGBE. Le président saluait, dans une de ses adresses à la nation, à la veille de l’indépendance, le «professionnalisme» des forces de défense et de sécurité togolaises pour avoir démantelé des «cellules terroristes» dans le pays. « Avec maîtrise et professionnalisme, elles ont mené avec succès, au cours des derniers mois, plusieurs opérations de démantèlement de cellules terroristes sur notre territoire », a déclaré Faure Gnassingbé, dans une intervention devant les députés à l’occasion du 59e anniversaire d’accession à l’indépendance. Le 26 avril 2019 donc.
Des faits et gestes qui parlent
Dans le sillage, s’opèrent des réformes au plan militaire. Deux régions militaires sont érigées dans le pays. Comme cerise sur le gâteau, l’on notera l’adoption, par l’Assemblée nationale, le 8 décembre 2020, de la loi portant sur la programmation militaire.
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Telle que stipulée, cette programmation militaire, qui s’étale sur la période 2021-2025, a globalement pour objet, selon le gouvernement, de donner au Togo, les moyens nécessaires à la défense de son intégrité nationale, à la sécurité de sa population et au libre exercice de sa souveraineté à l’horizon 2030. Par ailleurs, elle fixe les objectifs de l’effort de défense et la programmation financière qui lui est associée pour la période 2021-2025, de même que les conditions de leur évaluation par le Parlement.
L’idée, selon l’Exécutif national, est d’adapter l’outil de défense nationale aux mutations sécuritaires sous-régionales et nationales et aux contingences nouvelles entre autres, anthropiques, les ressources humaines, les infrastructures et matériels majeurs et la protection du patrimoine foncier militaire.
Ainsi, entre autres défis, le Togo parviendra, d’une part, à maintenir une disponibilité opérationnelle. Et d’autre part, au niveau financier, cela permettra au budget quinquennal de connaitre une hausse de 40% pour un objectif à terme de près de 750 milliards. Ceci, afin de mieux faire face aux missions régaliennes, avec notamment l’acquisition de nouveaux matériels et équipements, et d’assurer la maintenance des équipements majeurs,etc.
Dans la foulée, on crée un nouveau camp qui regroupe des Forces Spéciales. Leur camp sera installé à Sotouboua dans le centre du pays et elles seront affectées à des missions exceptionnelles.
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À la survenue, courant août 2020, du putsch au Mali contre le régime du Président Ibrahim Boubacar Keïta, Lomé dont les troupes ne font pas défaut-, quelques 1500 hommes pour le maintien de la paix sur le continent-, n’a pas hésité d’afficher son penchant pour les nouvelles autorités militaires à la tête de ce pays en proie au terrorisme. Les intentions de Lomé se dévoilent ainsi clairement, au fil des jours.
Début avril de cette année, à sa visite à l’Élysée, une certaine presse française a informé de la demande explicite de Faure à Macron d’une part de jouer au médiateur et pacificateur entre les islamistes radicaux du Nord Mali qui sont entrain d’installer déjà un khalifa et la France. Une offre que les confrères de «Canard enchaîné» ont qualifie ironiquement de «variant togolais», pour traduire le mou avec lequel les propensions du jeune doyen ont été accueillies à l’Elysée.
D’autre part, la délégation togolaise aurait également sorti de sa valise la possibilité pour Lomé d’appuyer fortement, sinon faire substituer les contingents français de la Force Barkane par les contingents togolais. Déjà les futurs interlocuturs du pouvoir togolais sont en train d’appliquer la loi de la sharia dans leur espace de contrôle l’axe Ansogo-Menaka selon une information du site rfi.fr du 04 mai dernier.
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En l’absence d’une confirmation ou infirmation, aussi bien de Paris que de Lomé, les spéculations étaient assez nourries jusqu’à l’annonce du décès, quelques jours après, du Président Idriss Deby Itno du Tchad. Curieusement, comme pour attester les indiscrétions, la place stratégique occupée par Faure à Ndjamena, dans le protocole d’État, au premier rang des invités de marque, à côté de Macron, lors des obsèques du Président tchadien, en dit long. Elle vient ajouter une nouvelle couche à cette appréhension qu’ont nombre d’observateurs.
Le jeu avec le feu
Comme pour envoyer des signaux clairs à qui de droit, le pouvoir de Lomé a décidé de célébrer de façon particulière, le mardi 27 avril dernier, le 61e anniversaire de son accession à l’indépendance. Ceci, avec un programme exceptionnellement résumé au défilé militaire. Ainsi, Lomé a exhibé, aux yeux du monde, son arsenal militaire qui, somme toute, sonne comme un message fort qu’envoie Faure aussi bien à la France, pour avoir ses faveurs qu’aux islamistes qu’on entend intimider, que le pays du fils d’Eyadema est bien sur ses gardes. Sinon, bien prêt pour l’aventure de la lutte contre le terrorisme dans la sous-région.
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À l’analyse, l’on en vient au constat d’une diplomatie togolaise qui se veut le vent en poupe. Un sentiment certes de satisfaction. Mais alors, cela se veut aussi une audace bien risquée de la part de Faure sur fonds de repositionnement stratégique du Togo qui pourrait désormais le placer dans l’oeil du cyclone.
Le Compaoré bis ?
En effet, il est évident que le fils d’Eyadema veut aujourd’hui se positionner comme ce que Blaise Compaoré, l’ex dictateur burkinabé, était dans la sous-région. Ce dernier qui s’était alors hissé comme l’intermédiaire ou le médiateur stratégique entre les djihadistes et les pays et autres puissantes occidentales menacées. Comparé était alors le négociateur pour la libération des otages des djihadistes, de qui, il percevait de colossaux bakchichs. Une affaire de diplomatie active et stratégique sur laquelle l’ex doyen des chefs d’État de la sous-région se la coulait douce. Mettant ainsi son pays à l’abri des violents islamistes.
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Mais aujourd’hui, on se demande si le manège sera aussi facile pour le jeune nouveau doyen. Même si pour la cause, on voit régulièrement l’ombre de Compaoré à Lomé, les donnes ont tant évolué.
Surtout avec le décès du maréchal du Tchad.
Nous y reviendrons.
Fraternité
Source : Togoweb.net