S’il y a un prix particulier à décerner à un acteur dans la crise politique qui secoue le Togo depuis plus d’un an, il irait bien au ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général de Brigade Yark Damehame. L’homme s’est tellement révélé dans cette crise par ses déclarations aussi controversées les unes que les autres, à telle enseigne que sa « célébrité » commence par se faire sentir au-delà de nos frontières.
On se rappelle les réactions de Monsieur le ministre en août 2017, au moment où le Parti national panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam programmait les manifestations du 19 août. Yark Damehame interdisait la manifestation en stigmatisant le PNP. « Si le gouvernement dit on vous laisse faire et demain d’autres partis décident, on fait quoi, ça nous amène où ? C’est quoi PNP ? Il y avait des partis avant PNP », avait-il déclaré. La suite, on la connaît avec la répression qui a pour bilan des blessés, des morts et des refugiés.
« C’est quoi PNP ? », avait minimisé le ministre. Mais c’est grâce aux manifestations lancées par ce parti, appuyés plus tard par 13 autres formations politiques de l’opposition (aujourd’hui la Coalition des 14), que le régime auquel appartient le Général Yark Damehame éprouve aujourd’hui des difficultés à opérer ses coups de force comme il en a l’habitude, surtout avec l’ingérence dans la crise politique par la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Aussi, ce parti a-t-il réussi à faire braquer les caméras du monde entier sur le Togo, avec les Togolais qui se révoltent partout où ils se trouvent. Nombreux sont les observateurs qui estiment que les choses ne seront plus comme avant au Togo.
Cependant, malgré les injonctions de la CEDEAO, avec une feuille de route élaborée par les chefs d’Etat et de gouvernement pour une sortie de crise et la mise en place d’un Comité de suivi, le régime en place continue d’user de subterfuges pour se maintenir au pouvoir. L’application ou la mise en œuvre de cette feuille de route devient une arête dans la gorge de ceux qui sont au pouvoir. Depuis deux semaines, un des leaders de la Coalition des 14, Nicodème Habia observe une grève illimitée de la faim pour demander la libération des détenus politiques et de la société civile (recommandation faite par la CEDEAO et les facilitateurs) et la mise en œuvre rapide de la feuille de route. Mais cet acte pacifique posé par l’opposant, irrite Yark Damehame qui, comme toujours, ne l’a pas raté lors d’une intervention chez nos confrères de la radio Victoire FM ce matin.
« Qu’est-ce que Habia fait ? C’est quoi son problème ? Il demande la libération des prisonniers en tant que qui ? Qu’il laisse la justice faire son travail », a laissé entendre Yark Damehame pour qui la grève de la faim de Nicodème Habia est une « comédie ».
Ce sont-là des propos teintés de mépris qu’a tenu le ministre qui se justifie par rapport à l’affaire d’un avion qu’a envoyé le Ghana pour évacuer le président du parti Les Démocrates dont la santé se dégrade à cause de cette grève de la faim. Les autorités togolaises ont tout simplement renvoyé l’avion.
Il est regrettable que des autorités togolaises puissent tenir des propos aussi désobligeants publiquement. Pas plus tard que dimanche dernier, Gilbert Bawara, porte-parole du gouvernement, a aussi traité de « comédie » l’acte que pose Nicodème Habia. Aujourd’hui, Yark Damehame revient à la charge. Le bon sens voudrait que lorsqu’on ne peut se rendre utile à quelqu’un dans une situation, on reste tranquille et on se tait.
Ces propos n’honorent pas le Togo, surtout que la grève de la faim de Nicodème Habia est suivie de près dans le monde entier. Visiblement, cette « comédie » préoccupe tant le Ghana, l’un des facilitateurs dans la crise politique togolaise, au point d’affréter un avion pour évacuer le gréviste. Encore une leçon de démocratie qui pourrait produire des conséquences au même titre que les manifestations organisées par le PNP au début de la crise, mais qui ont été stigmatisées par le Général Yark.
Dans tous les cas, on constate avec stupéfaction qu’après « c’est quoi PNP ? », « Habia c’est qui ? » est sorti. On se demande qui est le prochain sur la liste de notre respectable ministre.
I.K
Source : www.icilome.com