Depuis ce triste jour du 13 janvier 1963 où Sylvanius Olympio fut assassiné, tous ceux qui ont essayé d’affronter la dictature en se mettant sur son chemin, furent impitoyablement éliminés. La liste de tous ces martyrs, assassinés d’une façon ou d’une autre, est longue. Les nombreuses tentatives depuis le début des années’ 90 pour humaniser le pouvoir d’état et le rendre aux Togolais, n’ont pas pu résister à la terreur militaire, seule légitimité de la dictature du père en fils. D’innocents citoyens du pays et certains de la diaspora, qui vaquaient paisiblement à leurs occupations pour pouvoir se nourrir et nourrir leurs familles, furent arrêtés et jetés en prison. Leur tort: avoir eu le courage de dire non à la dictature; avoir décidé, en toute liberté d’appartenir aux partis politiques de leur choix pour mener le combat les mains nues comme il est de coutume dans tout pays civilisé. L’instrumentalisation ethnique et tribale, l’arme des lâches, est devenue depuis, l’une de leurs exécrables méthodes pour ne pas quitter le pouvoir. On pourchasse, on arrête, on torture et on assassine à tout va une certaine catégorie de Togolais, comme si créer un parti politique ou y militer était un crime. Un responsable politique, le Secrétaire Général du Parti National Panafricain (PNP) Section Kpalimé, torturé et rendu malade en prison, vient de mourir en allongeant la longue liste des victimes de la dictature Gnassingbé.
Ceux qui, autour de Faure Gnassingbé, avaient décidé que Yacoubou Moutawakilou fût arrêté ce fatidique 25 janvier 2020, parce qu’il était l’un de ceux qui, à leurs yeux, constituaient un danger pour leur pouvoir, peuvent aujourd’hui jubiler et se frotter les mains. Et la raison est toute simple: l’un des empêcheurs de dormir tranquille au RPT-UNIR, cet opposant qui n’avait que le verbe pour demander un peu plus de justice, un peu plus d’humanité pour ces millions de Togolais de la part de ceux qui prétendent nous gouverner, est mort et enterré. Oui, Yacoubou Moutawakilou nous a quittés jeudi 26 août 2021 aux alentours de 16 H GMT en pensant certainement à son pays pour lequel il s’est engagé, et dont il ne verra pas la libération. Encore un martyr de la lutte qui dure depuis 1963. Arrêté pour des raisons politiques, détenu dans des conditions inhumaines et torturé, libéré le 16 juillet 2021 lorsqu’ils le savaient irrémédiablement malade, le Secrétaire Général du PNP Section Kpalimé se sera battu pendant plus d´un mois, et perdu la bataille contre le mal qui le rongeait.
Tout juste après son kidnapping, Yacoubou Moutawakilou sera détenu et torturé au Camp GP d’Agoè-Logopé; un camp reconnu justement comme un lieu par excellence de torture et d’autres traitements inhumains contre d’innocents paisibles citoyens. Au moins cinq de nos concitoyens y ont déjà trouvé la mort sous la torture. Il s´agit de:
- Mourane TAIROU, arrêté dans l’affaire « Tigre Révolution » à Soudou, décédé sans avoir été jugé ni condamné le 6 octobre 2020, le lendemain de son évacuation au service de réanimation du pavillon militaire du CHU Sylvanus Olympio;
- Alassani ISSAKA, arrêté le 26 janvier 2020 dans l’affaire « Tigre Révolution », décédé sans avoir été jugé ni condamné en octobre 2020 au Cabanon du CHU Sylvanus Olympio;
- Saïbou MOUSSA, arrêté 26 janvier 2020 à Lomé dans l’affaire « Tigre Révolution », décédé sans avoir été jugé ni condamné en octobre 2020 au Cabanon du CHU Sylvanus Olympio;
- Seybou ALILOU, arrêté le 26 janvier 2020 dans l’affaire « Tigre Révolution », décédé sans avoir été jugé ni condamné en octobre 2020 dans sa cellule à la Prison civile de Lomé; et de
- SOULEMANE Djalilou, arrêté dans l’affaire « Tigre Révolution », décédé sans avoir été jugé ni condamné en octobre 2020 au Cabanon du CHU Sylvanus Olympio.
Transféré le 16 août 2020 à la prison civile de Lomé, l’infortuné SG du PNP-Kpalimé tombe gravement malade; ils se résoudront alors à le conduire en urgence le 22 juin 2021 au cabanon du CHU-Sylvanius Olympio, où, à l’instar d’autres prisonniers politiques, il fut menotté à son lit d’hôpital; des conditions inacceptables et inhumaines qui eurent forcément un impact négatif sur son moral et son organisme déjà affectés.
Yacoubou Moutawakilou était atteint par une forme de cancer abdominal, dénommé en langage scientifique lymphome non hodgkinien (LNH), une affection généralement connue comme étant la conséquence d’un fort stress, ou encore d’une exposition à des produits toxiques. Une maladie grave qui peut à tout moment conduire au pire. Sous la pression du Comité pour la libération de tous les prisonniers politiques du Togo, entre autres, l’infortuné bénéficiera d’une mise en liberté provisoire le 16 juillet 2021 et sera transféré du cabanon à la clinique médicale du même CHU-Sylvanius Olympio. Son état s’améliore et beaucoup avaient cru que le miracle aura lieu et qu’il s’en sortirait. Mais le 24 août il fut victime d’une hémorragie qui ne voulait pas s’arrêter. Dans la nuit du 24 au 25 août 2021 il tombe dans un coma; jeudi 26 août 2021 il rend l’âme aux alentours de 16 H GMT au CHU-Sylvanius Olympio, où la veille il fut précipitamment reconduit. Enseignant de son état, Yacoubou Moutawakilou jouissait d’une très bonne santé avant d’être arrêté, ou plutôt kidnappé. Un an et demi après, atteint d’une maladie grave, il meurt après avoir passé par un camp de torture et un séjour dans une prison civile dans des conditions inhumaines. À 56 ans Yacoubou Moutawakilou s’en va en laissant derrière un pays politiquement et socialement en lambeaux, et surtout une épouse et une fille. Que son âme repose en paix!
Le 19 août 2017 les avait surpris et effrayés. Certains d’entre eux avaient juré qu’il n’y aurait plus jamais une telle date au Togo. Tout était mis en oeuvre pour clouer le bec à ce parti politique pas comme les autres, surtout à ses dirigeants, surtout à Tikpi Atchadam qui leur filera entre les doigts in extremis. À défaut du chef, parti en exil, on s’acharnera sur ses lieutenants, dont beaucoup, comme le Secrétaire Général Kossi Samah ou Yacoubou Moutawakilou, ne manquent pas d’idées, ni de talent. Si certains comme Kossi Samah et d’autres avaient eu plus de chance d’être libérés sans grands dégâts sur leur santé, les geôliers et tortionnaires de Yacoubou Moutawakilou ne lui auront laissé aucune chance de survie; hélas!
Pour que les dizaines de Togolais encore injustement incarcérés et dont beaucoup, comme Aziz Goma, ou Kpatcha Gnassingbé…, sont sérieusement malades, ne connaissent pas un jour ce sort dramatique, le pouvoir a obligation de libérer tous les prisonniers politiques sans exception aucune; comme le réclament depuis longtemps les associations des droits de l’homme, les associations de la société civile et le comité pour la libération de tous les prisonniers politiques au Togo. Sans oublier de penser à leur dédommagement, et à celui des familles des disparus; et surtout sans oublier de situer les responsabilités dans la chaîne de prise de décision autour du pouvoir de Faure Gnassingbé en identifiant les donneurs d’ordre pour que d’innocents paisibles citoyens soient ainsi arbitrairement arrêtés, sauvagement torturés, voire assassinés. L’impunité doit prendre fin et tous les Togolais qui croient avoir le droit de vie et de mort sur d’autres Togolais devraient répondre de leurs actes devant la justice.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com