Dans la capitale Lomé, ici et là, des portraits géants de Monsieur Faure Gnassingbé vantent la construction de ce qu´ils appellent l’hôpital de référence. J´ai voulu en savoir plus sur l´Hôpital « Saint-Pérégrin » en construction. Quand mes accompagnateurs m´amenèrent sur les lieux au quartier Zongo, quelle ne fut ma surprise de découvrir un grand terrain clôturé tout le long de la grande voie qui mène vers le grand nord. Les petits commerçants, les revendeurs et revendeuses qui gagnaient leur pain quotidien sous des échoppes improvisées le long du terrain vide, avaient, un beau matin, été chassés sans préavis des lieux. Il paraît que les ordres d´éloigner de ces lieux, des citoyens togolais qui se débrouillent pour nourrir leurs familles, venaient de la grande arriviste de la nation Ingrid Awadé qui semble se mêler de tout partout au Togo.
Pour le moment, en dehors de la manière pompeuse dont fut célébrée la pose de la première prière par Faure Gnassingbé le 15 février 2019, rien ne s´est plus passé. « Saint-Pérégrin » peut attendre. Le temps que les initiateurs de cet ènième projet irréfléchi se mettent plein les poches comme d’habitude. Le temps que les dizaines de milliards pour la réalisation du projet prennent des destinations inconnues. De toutes les façons, ne jouissent-ils pas, eux et leur chef, d’une totale impunité?
Il faut se rendre dans la préfecture de Tchaoudjo, plus précisément dans le village de Yèlivo, deux kilomètres à l´est de Kparatao sur la route de Tchamba, pour voir l´un des gros mensonges du régime Faure Gnassingbé. Comme pour le fameux « hôpital de référence Saint-Pérégrin », il fut annoncé l´année dernière la construction et la mise en marche d´une usine de traitement du soja. J´avais voulu aller voir et toucher du doigt l´usine en question. Je m´attendais à une animation propre aux usines en activité: parking surchargé de camions, de voitures et d´autres engins; bruit des machines et va-et-vient des travailleurs. À la sortie du village, venant de Sokodé, à droite, c´est plutôt une grande clôture renfermant au moins 3 grands bâtiments qui m´accueille au milieu des champs dans un silence de cimetière. Où est notre fameuse usine de traitement de soja? Me suis-je demandé. Certes, des bâtiments, apparemment bien construits, tenant lieu d´usine, se tiennent devant moi, et puis rien. Point de soja, point de travailleurs, donc point de traitement de soja tant vanté par la clique à Monsieur Faure Gnassingbé. Le jeune „monarque“ s´y était même rendu à l´époque pour appuyer de sa présence l´amour qu´il aurait pour la jeunesse de Yélivo et partant celle de tout Tchaoudjo en lui donnant du travail. Il paraît qu´au premier essai pour mettre l´usine en marche, la principale machine est tombée en panne, et depuis l´usine de traitement du soja de Yélivo appartient à l´histoire sans avoir jamais vécu.
Combien de dizaines ou centaines de millions ou même de milliards de nos francs ont-ils encore engloutis ici sans résultats, et sans obligation de rendre compte? Combien de millions ou milliards sont allés renflouer leurs comptes privés en toute impunité comme d´habitude? Combien de temps encore notre figurant de président se laissera-t-il miroiter par son entourage véreux des projets bidon qui aboutissent rarement, et qui ne sont en réalité que des alibis pour détourner l´argent public ou de la coopération? Pour le moment les voyageurs venant de Tchamba ou du Bénin sont accueillis par la «grande trompe» du jeune «éléphant blanc» à l´entrée du village de Yèlivo à gauche.
Au Togo le grand contraste qui attire l´attention du voyageur engagé c’est cette richesse insolente, presqu’arrogante d’une minorité face à la grande misère ambiante de la majorité. Si certains de ces voleurs de l´argent public hésitent encore à étaler leur richesse imméritée, il y a longtemps que beaucoup de leurs semblables, assurés d´une totale impunité, roulent dans des 4×4 dernier cri qu´ils ont achetées et payées cash en Europe, érigent des maisons de luxe, des hôtels, des stations d´essence partout sur le territoire. Pendant que des grands cadres comme des professeurs d´université peinent à rouler dans des voitures de fortune, de simples employés de l´état s´en mettent plein les poches, des directeurs de sociétés, inamovibles, sont devenus des princes intouchables qui font de l´argent généré par leurs boîtes ce qu´ils veulent, comme s´ils géraient la fortune de leurs familles. Il paraît que leur chef Faure Gnassingbé n´en est aucunement gêné, pourvu que le gros du butin venant du vol organisé lui revienne.
Ça s´appelle comportement d´un état voyou dans lequel le pillage systématique des ressources du pays est organisé par ceux-là, dont le rôle devrait consister à veiller au respect des biens de la République, et au juste partage des richesses. Quand alors ce mauvais exemple vient d´en haut, les citoyens ne sont plus en sécurité et n´ont plus personne sur qui compter. Victimes donc de leurs dirigeants, les Togolais, comme toute victime, doivent apprendre à s´organiser pour se libérer de l´emprise de leurs bourreaux de dirigeants.
Pour conclure permettez-moi de terminer par cette interrogation, ô combien pertinente, de mon ami Kodjo Épou:
« Le Togo est, au plan mondial, en tête de liste des pays du mal-vivre. Jusqu’à quand le Togolais va-t-il continuer de supporter la tactique de la terre brûlée de ses gouvernants, de regarder, le ventre à moitié vide ou totalement creux, les gens d’en haut couler du champagne au rythme nargueur d’un progrès qui, en réalité, n’en est pas un ? Jusqu’à quand le Togolais va-t-il continuer de débourser des tonnes d’énergies avant de maintenir le cœur en activité dans sa poitrine, avant de se chausser, se vêtir, boire de l’eau fraîche, bref vivre comme un homme normal?… »
Samari Tchadjobo
Lomé en Juillet 2019
27Avril.com