Les appels se multipliaient mercredi au Nigeria pour inviter le président Muhammadu Buhari à rétablir l’ordre ou à démissionner, après la mort de plus de 200 personnes au cours du week-end dans des violences entre éleveurs peuls musulmans et agriculteurs chrétiens dans le centre du Nigeria.
Muhammadu Buhari a été élu en 2015 sur sa promesse de lutter contre l’insécurité, en particulier contre les jihadistes de Boko Haram, dont l’insurrection a fait plus de 20.000 morts et près de 2,3 millions de déplacés depuis 2009 dans le nord-est du pays.
Il a déclaré mardi que son “administration avait eu des succès notables dans le secteur de la sécurité”. Mais force est de constater que le Nigeria, géant de 180 millions d’habitants, est en proie à de nombreux conflits et que la situation sécuritaire s’est aggravée au cours des trois dernières années, en particulier avec l’explosion des violences intercommunautaires dans le centre, qui pourrait même éclipser celles de Boko Haram.
Si le président ne peut garantir la sécurité à ses citoyens (…), il devrait quitter ses fonctions (…) Dans une telle situation, il ne devrait même pas aborder le sujet de sa réélection
Dans un discours publié mercredi, et adressé au président Muhammadu Buhari, le gouverneur de l’Etat du Plateau (centre) Simon Lalong a dit regretter la “perte douloureuse de plus de 200 personnes”, tuées par des membres présumés de l’ethnie peule: un chiffre bien supérieur aux 86 morts précédemment avancé par les forces de police locales.
Ces attaques auraient été menées en représailles à la mort de cinq Peuls, tués par des jeunes de l’ethnie Berom, des agriculteurs chrétiens.
Historiquement l’Etat du Plateau, central, est l’une des zones explosives entre chrétiens et musulmans, qui représentent environ chacun la moitié de la population nigériane. Le gouverneur, au pouvoir depuis trois ans, était parvenu jusqu‘à présent à maintenir une paix relative.
“Invasion terroriste”
Il s’inquiète désormais “des attaques répétées qui donnent l’occasion à des éléments criminels engagés dans le vol de bétail, le pillage, le banditisme ou la contre-bande d’armes de commettre ces crimes parmi les citoyens” du Plateau.
De pareils groupes ont fait des dizaines de morts, et ont kidnappé des dizaines de personnes en échange de rançons dans les Etats de Kaduna ou Zamfara: des milliers de personnes vivent terrées chez elles depuis des semaines, ou ont du quitter leur foyer craignant ces groupes meurtriers.
Selon M. Lalong, qui a évoqué une “invasion terroriste”, les dernières attaques ont été menées avec “des armes sophistiquées”: “Cela nécessite une réponse digne de celle dont nous usons dans le conflit contre Boko Haram”, a-t-il déclaré.
M. Buhari, 75 ans, ancien général originaire du Nord du pays, a rejeté comme “injustes” toutes les accusations selon lesquelles il n’agissait pas face à la crise qui cristallise toutes les tensions dans le pays parce qu’il soutenait la communauté peule et musulmane, et il a déployé l’armée et des forces de sécurité supplémentaires dans la zone.
“Ces tueries sont allées trop loin”, a mis en garde mercredi le journal local Business Day, appelant le chef de l’Etat à démissionner : “Si le président ne peut garantir la sécurité à ses citoyens (…), il devrait quitter ses fonctions”, a écrit le quotidien d’influence nigérian. “Dans une telle situation, il ne devrait même pas aborder le sujet de sa réélection”.
Des parlementaires avaient laissé plané en juin la menace d’une destitution de Buhari.
Plusieurs centaines de personnes ont défilé mardi dans les rues de Jos, capitale de l’Etat du Plateau, demandant l’arrestation des responsables des violences.
Les prochaines élections générales et présidentielle se tiendront en février 2019, et beaucoup s’inquiètent des récupérations de groupes criminels à des fins politiques mais aussi de la tournure ethnique et religieuse que prend ce conflit dont le premier enjeu est l’accès aux terres fertiles.
La rapide croissance démographique du pays, qui compte aujourd’hui 180 millions d’habitants et devrait devenir le troisième pays le plus peuplé au monde d’ici à 2050, a aggravé la situation.
Les éleveurs Peuls sont accusés d‘être responsables de la mort de quelques 1.000 personnes depuis le début de l’année 2018, selon une organisation américaine spécialisée dans les conflits armés, Armed Conflict Location and Event Data Project.
Attaques et représailles menées par des milices des deux bords ont aussi fait plus de 2.500 morts en 2016, selon un rapport récent de l’International Crisis Group, ce qui en fait le conflit le plus meurtrier du pays, devant l’insurrection jihadiste de Boko Haram.
Source : www.cameroonweb.com