Vincent Bolloré, Comme un colon

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Vincent Bolloré, Comme un colon

Après plusieurs siècles d’esclavage, des dizaines d’années de colonialisme et plus d’un demi-siècle d’indépendance, les relations de maitre à esclave qui lient les pays occidentaux à certains dirigeants africains n’ont fondamentalement pas changé. Elles ont juste pris une autre forme avec des méthodes plus pernicieuses, mais toujours avec le même objectif.

En revisitant le Code Noir de Colbert, ce célèbre ouvrage qui définit les règles et les pratiques devant permettre la soumission des peuples noirs au maitre blanc, on comprend aisément la comédie qui continue encore aujourd’hui sous les tropiques. Il y a plus de 5 siècles, il suffisait qu’un bateau négrier accoste sur les côtes africains avec dans ses cales quelques boissons alcoolisées, du tabac, des miroirs et quelques gadgets, pour que les chefs ou monarques africains livrent leurs frères aux négriers après des razzias meurtrières. L’esclavage, le colonialisme et le néocolonialisme font partie d’un continuum idéologique dont le seul objectif est de reléguer au statut de dominé le continent africain dans ses rapports à l’occident. Les règles du jeu depuis des lustres n’ont guère évolué, elles tendent d’ailleurs à se renforcer par le jeu des multinationales qui sont de plus en plus la face visible de la continuité de cette entreprise de prédation de richesses sous le couvert des investisseurs.

Le Togo sous les bottes de la famille Gnassingbé depuis 50 ans est un pays atypique dont les dirigeants sont dénués de toute fibre patriotique, prêts à brader toutes les richesses du pays en contrepartie d’un soutien pour un règne à vie. Naturellement, quand Vincent Bolloré qui fait la pluie et le beau temps dans les ports africains et depuis quelques années dans les transports et la communication débarque en personne dans un pays pour inaugurer un hangar badigeonné et décoré en salle de cinéma pompeusement appelé « Olympia », c’est toute la République qui se met au garde à vous, en commençant par le premier magistrat. C’est ce piteux spectacle qui a été offert aux Togolais dans la journée de mardi à Hanopukopé, un quartier de Lomé.

Dans un pays où après plus de 50 ans de règne, on n’a pas été capable de construire la moindre salle de spectacle, un palais de la culture, un théâtre national, un musée digne de ce nom ou un centre artisanal en bonne et due forme, comme on peut le voir au Burkina Faso, au Benin, au Ghana, au Mali, en Côte d’Ivoire, etc. lorsque dans ce désert d’infrastructures culturelles, celui-là même à qui vous avez bradé vos richesses vous balance à la figure une pseudo-salle de cinéma de 300 places ( sic) de quelques centaines de millions dans un des quartiers les plus sale et pollués de la capitale, il apparait comme un dieu. Oui, Vincent Bolloré est un dieu qui fait courir des chefs d’Etat africains, surtout les mal élus en quête de reconnaissance auprès de Paris. Comment peut-on expliquer qu’après 57 ans d’indépendance, pour l’inauguration d’un hangar de quelques centaines de millions de FCFA, on puisse bloquer toute une rue depuis le matin jusqu’au soir, mettre au soleil des populations, des groupes d’accueil durant des heures? Comment peut-on admettre qu’un président de la République se déplace pour inaugurer une salle de cinéma de 300 places dans un pays où les particuliers disposent des salles de plus de 1000 places? Qu’a-t-on fait de la culture au Togo en terme d’investissement depuis 57 ans, à part transformer les artistes en griots et des individus en militants politiques?

Oui, Vincent Bolloré est un dieu qui fait courir un président de la République et tout un gouvernement pour l’inauguration des pacotilles. Que ferait alors dans notre pays un maire, un ministre de la culture si le président lui-même se déplace pour inaugurer ces genres de choses? Vincent Bolloré, le colon des temps modernes est en territoire conquis. Ses désirs sont des ordres. Il n’est d’ailleurs pas à son premier coup. Les fameuses Blues Zones et Blues « Lines », parlons-en. La blue zone, voilà la première trouvaille du colon pour mystifier les dirigeants togolais. Erigé à Cacaveli sur un site inondé en permanence pendant la saison des pluies, cet ouvrage communément appelé Blue Zone ne ressemble à rien d’autre qu’un alignement de paillottes autour d’une salle.

Le site en lui-même ressemble à un endroit piteux. Et pour l’inauguration de ce machin, on en fait tout un évènement dans la République. Tout comme la fameuse « Blue Line ». Au rond-point du monument au mort, se dresse un immeuble rénové appelé « gare principale » avec les inscriptions départ et arrivée. Sauf qu’aucun train, depuis plus de deux ans, n’a jamais démarré à cette gare. Il y a deux ans, le premier essai que Vincent Bolloré a voulu faire sur cette ligne ferroviaire qui remonte au temps des Allemands, a tourné à un fiasco. Le train dans lequel il a embarqué son ami Faure Gnassingbé et qui devrait rejoindre la Blue zone à Cacaveli, soit à peine 5 km de parcours, est tombé en panne en chemin. Le Prince a dû descendre précipitamment pour reprendre son cortège en direction de la présidence. Voilà comment des soi-disant investisseurs se moquent de la République et de ses dirigeants.

Certains chefs d’Etat africains, surtout ceux en manque de légitimité, sont devenus des gestionnaires de comptoirs pour le compte des multinationales. Docteur Cheik Diabaté, Enseignant chercheur à l’Université de Colorado, n’a-t-il pas raison lorsque, dans une tribune, il déclarait : « Sans une riposte intellectuelle appropriée, l’Afrique noire vivra les pages les plus sombres de son histoire. Dans une économie dite mondialisée, à l’exception de quelques « affranchis », les Africains seront dépouillés de tout et parqués dans des camps de réfugiés sans même pouvoir bénéficier de ces fameux «deux pots et demi de poudre de manioc»».

Revenons à la fameuse salle de cinéma et à l’environnement dans lequel il est érigé. A quelques dizaines de mètres de cette salle, se situe le quartier le plus sale de la ville de Lomé. La jonction Hanoukopé-Gbadago est ce qu il y a de plus exécrable à Lomé et qui fait la honte de la capitale. Un bidonville sans aucun aménagement, sans assainissement. Les rares caniveaux qui existent remontent à la période des indépendances et sont toujours remplis de déchets et d’eaux usées dégageant des odeurs pestilentielles. Dans cette zone, l’espérance de vie doit être largement à la baisse par rapport aux autres quartiers de la capitale. Bolloré, avec les milliards qu’il ramasse au port de Lomé, n’a pas jugé utile d’investir quelques centaines de millions dans l’assainissement de ce quartier et sauver par-là des vies humaines. Il n’a pas jugé non plus d’investir dans la réfection d’une école, construire un amphithéâtre à l’Université de Lomé ou aider à réparer un scanner au CHU. Il a préféré ériger à la lisière de ce bidonville invivable une salle de cinéma. Si la Justice béninoise a pu débouter Vincent Bolloré dans l’affaire qui l’opposait à Samuel Dossou, c’est clair qu’ailleurs, en Afrique, on peut mettre fin à la main mise de l’empire de ce monsieur sur les richesses.

Il est temps de mettre un coup de projecteur sur les différentes activités des sociétés de ce colon au Togo, surtout le fameux contrat qui lui concède une partie du port de Lomé pour une durée de 35 ans dont personne ne connait les termes à part lui et ses amis de Lomé qui sont dans une vaste entreprise de corruption, de distribution mensuelle de prébendes à des personnages au sein du pouvoir ou proches du pouvoir. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à dire à qui veut les entendre ce que Bolloré leur donne par mois pour service rendu alors qu’ils n’occupent aucun poste dans l’organigramme de la société. Bon à suivre !

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