Avec 24 heures d’avance sur l’agenda initialement annoncé, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a publié ce dimanche tard dans la nuit, les résultats provisoires du 1re tour de l’élection présidentielle du 20 février dernier.
Ils donnent Faure Gnassingbé vainqueur avec 72,36% des suffrages exprimés, laissant son poursuivant immédiat, Agbéyomé Kodjo, à près de 55%. Celui-ci rejette les résultats et s’est autoproclamé président élu.
C’est la première surprise des résultats de cette élection présidentielle. Si beaucoup d’observateurs estimaient que le pari des partisans du président sortant de le voir vainqueur dès le 1er tour était tenable, personne en revanche n’avait pronostiqué une si large victoire.
En effet, avec 72,36%, Faure Gnassingbé relègue le second sur le podium à plus de 55 points, faisant largement mieux que ses trois précédents scores de 2005, 2010 et 2015. Une véritable prouesse électorale et un incontestable plébiscite pour le candidat de l’Union pour la République (UNIR) qui vient tout de même de boucler 3 mandats et faisait face à 6 concurrents.
L’analyse des résultats confirme le maillage méthodique du parti au pouvoir du territoire national. Elle révèle que la formation bleue consolide et renforce ses bastions traditionnels (Savanes, Kara, Centrale) avec des scores de 80% en moyenne, tout en enregistrant de fortes poussées dans des zones considérées jusqu’alors comme favorables à l’opposition comme Avé, Vo, Zio, Bas-Mono…qui l’ont porté en tête. De fait, le président-candidat l’emporte dans toutes les préfectures et circonscriptions du pays, de la région des Savanes jusqu’aux Plateaux, ne cédant que Golfe, Yoto et Lacs (d’une très courte tête avec 0,26%) dans la région Maritime à son poursuivant.
L’issue de ce scrutin est d’abord le fruit du bilan socioéconomique plutôt positif de Faure Gnassingbé et sur lequel il a su avec réussite surfer. Mais aussi le choix du président candidat d’une campagne décentralisée, animée avant tout sur le terrain par des équipes locales autour de thématiques liées aux préoccupations des communautés, identifiées en amont par des enquêtes diligentées plusieurs mois avant l’élection.
Elle est ensuite la conséquence de la division et des errements d’une opposition en perte de repères, avec des choix pas toujours compris de ses partisans. L’affaire des 30 millions reçus d’Alassane Ouattara, ses engagements non suivis d’effets et ses volte-face ont fini par lasser les électeurs de Jean-Pierre Fabre qui l’ont lâché en rase campagne.
L’absence d’un vrai projet alternatif en face du parti au pouvoir, autre que les sempiternels refrains sur l’alternance et le régime cinquantenaire, qui ne parlent pas nécessairement à l’électorat jeune, la génération du concret et des TICs, a enfin constitué un véritable handicap à l’heure des comptes.
Sur les traces de Fabre
Il constitue la deuxième surprise du scrutin de dimanche. La deuxième place d’Agbéyomé Kodjo, le leader du MPDD et candidat désigné par Mgr Philippe Kpodzro, était inattendue même si ses partisans pronostiquaient, évidemment, sa victoire.
Profitant de l’autorité morale de l’ancien archevêque et de l’affaiblissement de Jean-Pierre Fabre, il a su parfaitement fait passer l’idée dans l’électorat de l’opposition qu’il avait les moyens (parce qu’ayant été un des barons du système, disposant de supposés relais dans l’armée et de solides réseaux dans les milieux diplomatiques et économiques internationaux), de gagner les élections et de prendre le pouvoir.
« Voter pour moi le matin, et le soir je serai au Palais présidentiel » assurait-il. Las, plusieurs électeurs habituellement acquis à Fabre l’ont suivi. Il a ainsi siphonné les voix du candidat de l’ANC pour une large part ; le reste se portant sur Faure Gnassingbé.
L’ancien Premier ministre aurait pu concéder sa défaite patente et désormais consommée, prendre date pour l’avenir, lancer une restructuration de l’opposition autour de sa personne. Et avoir comme perspectives les échéances de 2023 (législatives) et 2025 (présidentielle) en construisant une vraie équipe et en bâtissant un projet alternatif. Mais il a opté pour la voie sans issue de la défiance des institutions en s’autoproclamant président élu, annonçant pour les prochains jours, la constitution d’un gouvernement (sic).
Pendant ce temps, alors que son directeur de campagne Fulbert Attisso appelle au soulèvement populaire pour la défense d’une prétendue vérité des urnes, d’autres membres de son équipe indiquent le déclenchement d’une « guérilla politique » et la saisine du Vatican (resic), enlevant ainsi immanquablement au candidat malheureux le peu de crédit sur lequel il aurait pu capitaliser pour l’avenir.
Soulèvement, défense de la vérité des urnes, guérilla politique, marches, meetings …..Un remake des scénarios de 2010 et 2015, mis en œuvre par Jean-Pierre Fabre. On sait depuis dimanche, ce qu’il est advenu de lui.
Focus Infos
Source : Togoweb.net