Union africaine: les cinq grands dossiers du 30e sommet

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Le siège de l’Union africaine à Addis-Abeba s’est mis sur son 31 avec les 55 drapeaux des pays membres flottant au vent, pour accueillir les délégués à son sommet biannuel qui s’est ouvert le 22 janvier dernier. Ce rendez-vous a débuté par des réunions préparatoires en attendant l’arrivée des chefs d’Etat. Réunis en huis clos du 28 au 29 janvier, ceux-ci auront à plancher sur plusieurs dossiers majeurs concernant l’avenir du continent et le bon fonctionnement de ses institutions.

Du 22 au 23 janvier, le Comité des représentants permanents (COREP) composé des ambassadeurs des 55 pays s’est réuni pour faire un premier tri dans les travaux en cours. Puis, du 24 au 25, le Conseil exécutif composé des ministres des Affaires étrangères des pays du continent a pris le relais pour finaliser les dossiers prioritaires, dont celui des réformes institutionnelles et financières de l’UA, coordonné par le chef de l’Etat rwandais Paul Kagame.

C’est justement le président Kagame qui devient pour un an le président de l’Union africaine dans le cadre de la présidence tournante de l’institution continentale. Le passage de témoin entre l’actuel président de l’UA, le Guinéen Alpha Condé, et le nouveau sera l’un des moments forts de ce 30e sommet, même si ce n’est qu’une formalité puisque c’est en juillet dernier que Paul Kagame a été désigné à ce poste par ses pairs.

Les grands dossiers sur lesquels les chefs d’Etat du continent auront à se prononcer sont au nombre de 5 et ils concernent outre la réforme en cours, la lutte contre la corruption, la paix et la sécurité sur le continent, la libre circulation des personnes et la mise en place d’une zone de libre-échange continentale.

Réformes : un dossier qui traîne en longueur

C’est en juillet 2016 que Paul Kagamé a été mandaté par l’Assemblée des Etats de l’UA de leur soumettre ses propositions sur des mesures à prendre pour rendre l’institution panafricaine plus efficace et plus autonome sur le plan budgétaire. La commission mise en place par le président rwandais à cet effet réunissant des experts reconnus comme l’ancien président de la Banque africaine de développement Donald Kaberuka ou Carlos Lopes, anciennement secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, a remis son rapport il y un an.

Leurs propositions vont de la création d’une taxe de 0,2 % sur les produits non africains importés en Afrique à une meilleure division de compétences entre l’UA et les organisations régionales, en passant par un audit du travail des commissions et la suppression d’un sommet sur les deux qu’accueille l’UA aujourd’hui. Ces mesures ont été validées par l’Assemblée des chefs d’Etat au sommet de janvier 2017, mais les Etats traînent les pieds pour les appliquer à cause d’un déficit d’explication et de consultation, comme semble le suggérer la liste des préoccupation préparée par certains pays. Le rapport du bureau du suivi de l’application des réformes qui a été mis en place le président de la Commission de l’UA sera remis ce dimanche aux chefs d’Etat africains réunis en sommet.

« L’approche autoritaire du président Kagamé qui gouverne le Rwanda d’une main de fer, n’est certainement pas étrangère à la fronde, celle notamment des pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qui craignent de voir la tradition collaborative et inclusive de l’UA disparaître au profit d’une relation plus hiérarchique entre la Commission et les Etats membres », explique Liesl Louw-Vaudran du think-tank sud-africain l’Institute for Security Studies. « Et pourtant, poursuit la chercheuse, il est impératif que les mesures proposées par la commission Kagame puissent être mises en œuvre, en particulier son volet financier qui permettra enfin à l’UA de financer ses programmes sans devoir dépendre de ses partenaires occidentaux. » « Aujourd’hui, plus de 80 % des programmes de l’organisation panafricaine sont assurés par ses partenaires occidentaux », ajoute-t-elle.

2018, l’Année africaine de la lutte contre la corruption

La corruption est un fléau qui coûte aux économies africaines, selon certaines études, 50 milliards de dollars par an. Il y a la « petite corruption » et surtout la « grande corruption » qui sévit au sein des élites dirigeantes africaines et dont l’ampleur a « des effets dévastateurs pour le développement économique, corrosifs pour la cohésion sociale et déstabilisateurs pour l’ordre politique », a déclaré le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat. C’est cette prise de conscience qui a conduit ce dernier à proposer dans son message du Nouvel An de faire de 2018 Année africaine de la lutte contre la corruption, avec pour mot d’ordre « gagner la lutte contre la corruption, un chemin durable vers la transformation de l’Afrique ».

Cette thématique sera formellement lancée pendant le sommet par les chefs d’Etat, qui souhaitent que l’UA fasse le point sur les progrès réalisés en matière de corruption depuis l’adoption en 2003, il y a quinze ans, de la Convention sur la prévention et la lutte contre la corruption (AUCPCC). Elle réfléchira aussi aux nouveaux outils qu’il conviendra de développer pour relever les défis de la corruption contemporaine.

Enjeux prioritaires de la paix et la sécurité

La prévention et la résolution des conflits continentaux demeurent des missions essentielles de l’UA, comme le rappelle, s’il en était encore besoin, l’ordre du jour de la réunion des chefs d’Etat à Addis-Abeba. Réunis en plénière, les dirigeants africains auront à examiner trois rapports sur la paix et la sécurité, dont l’un sur la situation en Libye, commis par le président congolais Denis Sassou Nguesso, qui préside le comité de haut niveau sur ce pays.

L’UA est également attendue en République centrafricaine où la crise s’est durcie en 2017 et au Soudan du Sud où le fragile processus de paix a besoin d’être soutenu. Dans son document publié à l’occasion du sommet sur les « sept priorités » de l’UA en 2018, l’International Crisis Group inscrit parmi ces priorités l’accompagnement en amont des Etats s’apprêtant à organiser des scrutins électoraux, « déclencheurs souvent de crises politiques et de violence ».

Vers une Afrique intégrée ?

Les pères fondateurs de l’Union africaine militaient pour une Afrique unie et intégrée. Pourtant, 17 ans après la création de l’organisation panafricaine, la libre circulation des personnes en Afrique demeure encore un rêve. La question est revenue sur le devant de la scène dans le cadre de l’agenda 2063 qui a réactualisé l’idéal de l’Afrique intégrée des pères fondateurs. C’est dans ce contexte qu’est née l’idée d’un passeport continental permettant aux Africains de se déplacer librement, d’un pays du continent à l’autre.

Ce sont les petits pays qui ont donné l’exemple en ouvrant, à partir de 2016, leurs frontières à leurs frères et sœurs du continent. Leurs expériences ont encouragé l’Union africaine à travailler sur un projet de protocole prévoyant la libre circulation des personnes, mais aussi le droit de résidence et le droit d’établissement, avec une feuille de route proposant la pleine application du protocole à partir de 2023. Ce projet de protocole est bel et bien inscrit à l’ordre du jour du 30e Sommet des chefs d’Etats qui s’ouvre ce dimanche 28 janvier.

La validation de ce projet par les dirigeants aura-t-elle un impact sur les tentatives de la jeunesse africaine de se rendre en Europe, souvent dans des conditions périlleuses pour leur vie ? Beaucoup le croient. Toujours est-il que l’émigration et l’intégration des migrants en Afrique est un autre dossier sur lesquels l’Assemblée de l’UA va devoir se positionner, en s’appuyant sur le rapport très attendu sur le sujet que le roi du Maroc Mohammed VI va présenter au sommet, au titre de sa contribution au programme migratoire de l’organisation panafricaine.

Dossiers économiques

A l’ordre du jour des chefs d’Etat, deux dossiers économiques : la création d’une zone de libre-échange et la libéralisation du ciel africain, portés respectivement par le président nigérien Mahamadou Issoufou et le président de la Commission Moussa Faki Mahamat. Ces deux projets ont le potentiel de doper la compétitivité africaine en libéralisant deux secteurs clés de l’économie que sont le transport et les échanges.

Source : www.cameroonweb.com