L’Homo luzonensis, une espèce voisine de l’homme aux caractéristiques à la fois primitives et modernes, vivait il y a plus de 50 000 ans sur l’île de Luçon, aux Philippines. Des chercheurs ont annoncé sa découverte mercredi.
Il s’appelle Homo luzonensis, il était probablement petit et vivait il y a plus de 50 000 ans. Des chercheurs ont annoncé mercredi 10 avril avoir découvert une nouvelle espèce humaine aux caractères morphologiques singuliers, qui vivait sur l’île de Luçon, aux Philippines.
L’analyse de treize restes fossiles (dents, phalanges de pieds et de mains, fragments de fémurs) trouvés dans la grotte de Callao, et appartenant à au moins trois individus dont un enfant, ont conduit ces scientifiques à considérer qu’il s’agissait d’une nouvelle espèce.
Elle présente à la fois « des éléments ou caractères très primitifs ressemblant à ceux des Australopithèques et d’autres, modernes, proches de ceux des Homo sapiens », explique Florent Détroit, paléoanthropologue au musée de l’Homme à Paris, et principal auteur de l’étude parue dans la revue Nature. Cela en fait une espèce « mosaïque », explique-t-il. Cet Homo luzonensis « était probablement petit, si l’on en juge par la taille de ses dents [mais] ce n’est pas un argument suffisant [pour l’affirmer] », indique le chercheur.
Une espèce contemporaine d’Homo sapiens
Homo luzonensis, qui n’est pas un ancêtre direct de l’homme moderne, serait une espèce voisine, contemporaine d’Homo sapiens, mais avec un certain nombre de caractères primitifs. Deux des fossiles analysés ont été datés directement par la méthode des séries de l’uranium, et sont âgés respectivement de 50 000 ans et de 67 000 ans.
Leur analyse morphologique a réservé bien des surprises. D’abord au niveau des dents : les prémolaires d’Homo luzonensis présentent des ressemblances avec celles des Australopithèques (des hominines d’Afrique disparus il y 2 millions d’années) et d’autres espèces anciennes du genre Homo comme Homo habilis ou Homo erectus. Entre autres, ces dents ont deux ou trois racines, alors que celles d’Homo sapiens en ont généralement une, parfois deux, soulignent les chercheurs.
En revanche, les molaires sont très petites et leur morphologie, très simple, ressemble à celle des hommes modernes. « Un individu possédant ces caractéristiques combinées ne peut être classé dans aucune des espèces connues aujourd’hui », relève Florent Détroit.
Les os du pied aussi sont très surprenants : la phalange proximale présente une courbure très marquée et des insertions très développées pour les muscles assurant la flexion du pied. Cela ne ressemble pas à une phalange d’Homo sapiens, mais à celle d’un Australopithèque, hominine qui était probablement à la fois bipède et arboricole.
« L’évolution de l’espèce humaine n’est pas linéaire »
« Nous ne disons pas du tout que Homo luzonensis vivait dans les arbres, car l’évolution du genre Homo montre que ce genre est caractérisé par une stricte bipédie depuis deux millions d’années », souligne Florent Détroit. La « réapparition » de caractéristiques primitives chez Homo luzonensis s’explique peut-être par l’endémisme insulaire, selon lui. Pendant le Quaternaire, l’île de Luçon n’a jamais été accessible à pied sec. Si des hominines se trouvaient là, il faut qu’ils aient trouvé un moyen de traverser la mer.
Aux yeux du chercheur, les résultats de l’étude « montrent très clairement que l’évolution de l’espèce humaine n’est pas linéaire ». « Elle est plus complexe qu’on ne le pensait jusqu’à récemment ».
Florent Détroit s’attend à ce que certains collègues « s’interrogent sur la légitimité à décrire une nouvelle espèce à partir d’un si petit assemblage de fossiles ». À ses yeux, « ce n’est pas grave de créer une nouvelle espèce ». Cela permet d’attirer l’attention sur ces fossiles qui semblent « différents ». « Si dans le futur, des collègues montrent que l’on s’est trompé et que ces restes correspondent à une espèce que l’on connaissait déjà : tant pis, ce n’est pas grave, on oubliera… »
Source : www.cameroonweb.com