Tous les scientifiques le reconnaissent : la partie du corps humain la plus difficile à appréhender est le cerveau. Ils nous apprennent que notre cerveau a d’immenses capacités mais que, dans notre quotidien, nous n’en usons que 10%. Nous n’avons pas besoin des savants pour savoir que même les 10%, nous avons de la peine à les exploiter convenablement pour saisir et comprendre le monde qui nous entoure.
Qu’est-ce qui autorise le maître à déclarer que tous les élèves de sa classe sont présents ? C’est l’appel. Qu’est-ce qui autorise François à penser que « les filles guinéennes sont belles » ? Simplement pour avoir fait la connaissance d’une femme guinéenne belle, à son goût. Pourtant si on réunissait toutes les Guinéennes du monde, il est fort possible qu’à l’aune du goût de François, le taux des « laides » serait supérieur à celui des « belles ». Partir d’un élément pour qualifier l’ensemble est ce qui s’appelle la généralisation abusive. Notre 10% procède à ce genre qualification par paresse. C’est pour palier cette paresse et dans l’impossibilité de compter toutes les Guinéennes qu’on procède au sondage à l’aide d’échantillons. Mais l’actualité dominée par l’élection américaine montre que le sondage n’est pas une science exacte, qu’il se trompe souvent.
Quand notre 10% est paresseux, son sondage est la généralisation abusive. Quand celle-ci porte sur une qualité : « les Guinéens sont travailleurs », « les Mauritaniens ne sont pas des coureurs de jupon », il n’y a pas de danger. Mais la situation se gâte quand il s’agit d’un défaut ou, pire, d’une une accusation, qu’elle soit fondée ou non. Le risque des dégâts sociaux est grand.
Il y a quelques années, à Bamako, la rumeur d’un assassinat qui aurait été perpétré par un Camerounais a couru dans un quartier de la ville. Sans un mot d’ordre, les gens sont sortis, qui avec une machette, qui avec un gourdin, à la recherche de tous les Camerounais du quartier. En quoi la ménagère camerounaise en train de préparer le repas de midi, en quoi son mari qui tient un cybercafé dans le quartier sont-ils comptables d’un supposé meurtre commis par un prétendu Camerounais ? La foule qui crie à la vengeance est un conglomérat de 10% paresseux.
Il y a quelques mois, sur les réseaux sociaux, un cybernaute togolais, se disant fatigué de la dictature du régime de son pays, a appelé les Togolais à « tuer » tous les Kabiyè. S’il est vrai que le président togolais et une dizaine d’officiers supérieurs, tous Kabiyè comme lui, maintiennent, grâce au pouvoir des armes, le peuple togolais dans la souffrance depuis plus de 50 ans, en quoi les autres Kabiyè qui sont victimes comme lui, sont-ils comptables de la clique au pouvoir. L’internaute est un 10% paresseux.
Il y a quelques jours, une internaute qui se dit ivoirienne raconte l’histoire suivante. Une fille habitant à Bonoua, une ville voisine de Grand-Bassam, aurait raconté à qui veut l’entendre qu’elle a vu un parent togolais en tenue militaire ivoirienne. L’ayant interrogé sur ce qu’il fait dans cette tenue, le parent lui aurait dit qu’il était en mission. Forte de cette information l’internaute ivoirienne demande que sa vidéo soit partagée à tous les Togolais vivant en Côte d’Ivoire. L’objectif de la dame est de faire croire que le Gouvernement ivoirien recourt à des mercenaires pour effectuer les sales besognes et que ces mercenaires, pour le cas de Bonoua, seraient des soldats togolais. Si l’information était avérée, en quoi la communauté togolaise vivant en Côte d’Ivoire est-elle comptable des accords qu’il pourrait y avoir entre les gouvernements togolais et ivoirien ? A coup sûr la dame est un 10% paresseux.
Heureusement la paresse intellectuelle est un défaut qu’on peut prévenir grâce à l’éducation civique en classe quand on est enfant ou soigner quand elle est déjà installée grâce à la sensibilisation, tâche des organisations de la société civile ou des partis politiques qui regroupent leurs militants autour des valeurs positives.
Zakari Tchagbalé
Source : 27Avril.com