Le rideau n’est pas encore tombé sur la 3ème édition du Festival International des Lettres et des Arts (FESTILARTS) lancé le 10 avril dernier sur le campus de l’Université de Lomé. La cérémonie de clôture est prévue pour le vendredi 3 mai prochain. Toujours dans le cadre du déroulement des activités, l’artiste polyvalent Bernard Akoi-Jackson a effectué le samedi 13 avril dans l’enceinte de l’Université de Lomé et ses environs une démonstration de son savoir-faire. Métamorphosé, l’artiste semble méconnaissable. Que voulait-il communiquer en faisant de lui-même un « objet d’art » ?
Alors qu’il arpentait les rues goudronnées de l’Université de Lomé dans un accoutrement hors du commun, cet artiste venu du Ghana sentait sur lui le regard curieux et parfois interrogateur des spectateurs. Pourtant, il ne se laisse pas perturber. « Pour moi, la curiosité est très importante, c’est par là que tout commence. Les gens peuvent sembler ne pas comprendre, mais je suis convaincu qu’ils ont juste besoin de temps, de patience et d’un peu d’imagination », explique-t-il après la représentation artistique. En effet, sa représentation s’est déroulée dans un silence sacré.
Pour Bernard Akoi-Jackson, « quand on rencontre un spectacle profondément déroutant ou bouleversant, je pense qu’il y a, caché dans cette étrange expérience, le potentiel de commencer à réfléchir à des choses que nous avons tendance à prendre pour acquis. Qu’est-ce que cela pourrait signifier ? Qui cela pourrait-il être ? D’où est-il sorti ? Pourquoi est-il décoré ou orné de telle ou telle manière ? Quelles idées motivent ce qui est devant moi ? ». Autant de questions peuvent se bousculer dans l’esprit du spectateur. Et, c’est à juste titre, pense l’artiste.
« Si nous sommes en mesure de sélectionner une ou deux personnes parmi la foule et de commencer à chercher des réponses à certaines de ces questions, nous pourrions peut-être trouver quelque chose de nouveau sur le monde, voire sur nous-mêmes. Dans nos interactions quotidiennes, nous avons tendance à être consommés dans un tourbillon d’activités incessant. Nous sommes pressés d’obtenir ceci ou cela, nous nous dépêchons d’y aller ou de rester ici. Ainsi encombrés par les choses banales de la vie, nous avons tendance à perdre de vue certaines expériences fondamentales. La brise légère, un sourire sur le visage d’un enfant, ou même l’angoisse lorsqu’on se retrouve au cœur d’un flot d’étranglement … », poursuit-il.
En fait, si aucune explication ni indication n’est donnée dans l’immédiat alors que se déroulait la représentation, c’est un appel de l’artiste à tout spectateur d’entrer en lui-même et de se découvrir ; de faire une pause et de porter sur son environnement un regard nouveau et interrogateur. « (…) il y a ce besoin de ralentir et d’observer plus. Peut-être, accordez-vous un peu plus d’attention à l’espace et aux lieux auxquels nous nous sommes habitués. Le rythme qui est super lent, est délibéré. Mais les ornements et les manières du personnage peuvent être symboliques et délibérés, mais ils ont aussi le potentiel d’être arbitraires, voire totalement absurdes, dans un sens positif. Dans une telle situation, il n’y a personne qui ait l’expertise ou les connaissances d’un expert. Maintenant, tout le monde est également confondu et au même niveau que tous les autres. Voyez-vous ? », explique cet artiste du body-art.
Pour lui, « il est possible que la démocratie soit concrète et pas seulement symbolique. C’est vraiment ce que mon travail cherche à susciter. Il repose sur cette idée commune de partage et de soin de nous-mêmes et de ce qui est commun à tous. Donc, même si la réaction initiale sera celle de l’indignation, c’est finalement une situation qui nous est familière à tous. Notez également que les images du travail empruntent énormément à beaucoup de choses qui appartiennent déjà à notre expérience commune. Mais vous voyez, parfois, même le familier peut présenter un sens sublime de la provocation. C’est le défi que je me pose en tant que créateur et c’est le sens qui, j’espère, résonne avec tous ceux qui participent à la digestion de l’œuvre. Je vois mon travail comme une occasion d’initier une sorte de « dérangement » dans les complaisances qui établissent notre réalité abasourdie. Peut-être que nous aurons besoin d’art et d’imagination pour construire une autre manifestation des réalités futures … »
Interview traduite de l’anglais
Réagissez sur : http://www.africatopforum.fr
TogoTopInfos.com