Après avoir snobé ses concitoyens sans rien leur dire à l’occasion du nouvel an 2019, le chef de l’Etat togolais est réapparu pour la commémoration du 59ème anniversaire de l’accession à la souveraineté internationale.
Contrairement à son discours télévisé habituel le 26 avril, la veille de la fête de l’indépendance, cette année, Faure Gnassingbé s’est rendu à l’Assemblée Nationale pour dit-on faire l’état de la nation. Ce qui devait être le respect de l’article 74 de la Constitution qui l’y oblige chaque année pour faire l’état de la nation à ses concitoyens, a été plutôt un folklore malodorant dans un décor d’animation politique qui replonge les Togolais dans les années sombres de la dictature de Eyadèma Gnassingbé.
Après 14 ans de gestion anarchique et hasardeuse, M. Gnassingbé n’a pas varié dans le choix de ses mots.
Un discours soporifique de campagne
Devant des députés nommés du 20 décembre 2018, il était en territoire conquis et plus à l’aise que jamais dans un long verbiage entrecoupé d’applaudissements à se faire déchirer les phalanges. Comme de coutume, Faure Gnassingbé a rendu hommage aux devanciers, artisans de l’émancipation et bâtisseurs du progrès il y a bientôt six décennies. « Il nous revient aujourd’hui de payer à ces valeureux prédécesseurs le tribut de la reconnaissance et de l’hommage, en restant fidèles à leur vision d’une grande nation ».
Il a ensuite rendu hommage au président de l’Union des Forces de Changement (UFC) Gilchrist Olympio pour son engagement républicain. « Je salue à cet égard, M. Gilchrist Olympio, chef de file de l’opposition, dont la présence en ces lieux nous rappelle que les acteurs politiques peuvent et doivent transcender l’approche antagoniste pour se retrouver -dans la complémentarité- au service de la patrie. Je voudrais lui rendre hommage pour son engagement républicain et son sens élevé de la patrie. En ces circonstances pleines de symboles, je veux voir là les meilleurs présages de notre capacité commune à nous retrouver autour de l’essentiel lorsqu’il est question de cette terre chère à nos cœurs, le Togo ». Sur le volet social, des promesses ont été faites. « Nous restons attachés à la recherche de l’amélioration des conditions de vie des citoyens. J’ai instruit, dans ce sens, le gouvernement de prendre en compte -dans le cadre du prochain budget- les préoccupations visant à améliorer le pouvoir d’achat, à travers la revalorisation -dès janvier 2020- de la valeur indiciaire. Dans la même dynamique, le gouvernement intensifiera les consultations et engagera les études actuarielles nécessaires pour la reprise -toujours dès janvier 2020- de l’allocation de départ à la retraite, d’une façon soutenable et compatible avec la poursuite des efforts d’assainissement de nos finances publiques. De plus, les dispositions sont d’ores et déjà prises pour la construction de deux locaux qui seront mis à la disposition des associations pour servir de maisons des retraités. Outre les considérations liées à la place des aînés dans notre société, ces mesures se fondent sur notre engagement à faire de la justice sociale une réalité vécue par tous, à travers la redistribution effective des fruits de la croissance nationale».
Malgré des questionnements touchant aux conditions de vie, à la persistance des difficultés économiques, il annonce des lendemains enchanteurs. « C’est la raison pour laquelle la dimension sociale est intégrée comme une priorité absolue à l’action de mon gouvernement. Par essence, la République se tient aux côtés des plus vulnérables ; Pour leur offrir l’appui nécessaire à leur subsistance, mais surtout pour les conduire -progressivement- à se libérer de l’emprise de la pauvreté et à devenir eux-mêmes des acteurs de développement. Plusieurs programmes sont ainsi mis en œuvre, comme celui des filets sociaux et services de base que nous avons étendu il y a quelques jours à de nombreux ménages issus des cantons les plus défavorisés du Togo », a-t-il indiqué. Il invite l’administration publique a être à la hauteur du professionnalisme et de l’efficacité. « Parallèlement, l’administration publique doit s’imposer une profonde mutation pour répondre aux exigences de l’heure car d’elle dépend largement la perception de l’acteur public par les opérateurs et les investisseurs privés. J’insiste sur la vocation première du service public qui est d’être entièrement dédié aux usagers. Avec compétence, professionnalisme et diligence, notre administration devra sans délai se réinventer -dans sa conception et dans son action- pour se consacrer entièrement à cette mission. Efficacité, efficience, poursuite des objectifs et atteinte des résultats seront les fondements de cette transformation qui exige une prise de conscience individuelle et collective.
C’est uniquement ainsi que la fonction publique pourra apporter sa nécessaire contribution à la réussite du PND et plus généralement au développement du pays. Le gouvernement est déterminé à poursuivre l’amélioration de la gouvernance, notamment en mettant, dans les mois qui viennent, un accent particulier sur la lutte contre la corruption. Un projet de loi organique sera soumis à l’Assemblée nationale pour déterminer les conditions de mise en œuvre de la déclaration des biens et avoirs prévue par la constitution ».
Il est revenu sur la jeunesse à laquelle il décide d’octroyer 25% de la part des marchés publics. « Le Togo, mes chers compatriotes, se construira par le mérite du travail de ses enfants. Près de 4000 entrepreneurs, jeunes et femmes ont saisi les opportunités offertes par la mesure du quota de 20% de la commande publique qui leur a été réservé. Je salue leur dynamisme et leur engagement. Pour l’année 2018, des marchés ont ainsi pu leur être octroyés pour un montant de 12 milliards 638 millions de FCFA. Cette performance est très appréciable et dénote de la vitalité de l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes dans notre pays.
Mais il est en deçà de nos attentes car seule la moitié environ des montants considérés ont pu être consommés. Il est donc possible de faire beaucoup mieux. J’encourage ceux qui ne l’ont pas encore fait à s’y intéresser, à en faire usage et à contribuer à son amélioration en partageant leurs retours d’expériences avec les services compétents ».
Le chef de l’Etat a aussi félicité les députés du 20 décembre. « Au plan institutionnel, je me réjouis de la mise en place de la présente législature et adresse mes félicitations à chacune et à chacun d’entre vous, pour avoir pris part au dernier scrutin législatif, et recueilli les suffrages de nos concitoyens. Je salue particulièrement, Madame la Présidente de l’Assemblée nationale, votre élection à cette position». Il a exhorté la Commission Electorale Nationale Indépendance (CENI) à prendre des dispositions idoines pour inscrire les élections locales dans une brève échéance car pour lui « avec les élections locales à venir, nous franchirons une étape importante pour la participation citoyenne et la représentativité démocratique à la base.
Nous devons saisir l’occasion de ce rendez-vous très attendu pour effectuer un saut qualitatif dans la gestion des affaires publiques, en imprimant aux collectivités territoriales une dynamique nouvelle, au plus près des réalités de chaque milieu. J’invite l’ensemble de la classe politique à un sursaut patriotique en prenant une part active à ces consultations ». Il a aussi annoncé dans le courant de cette année, la mise en place du Conseil Economique et Social qui apportera un appui important au processus de décentralisation par le suivi des Programmes de développement économique de l’Etat et des collectivités locales. Quant aux réformes politiques, Faure Gnassingbé dit avoir « noté avec satisfaction que vous [députés} avez fait des réformes institutionnelles et constitutionnelles une des priorités de votre 1ère session ordinaire de l’année. L’une des vertus de la République réside justement en sa capacité à pouvoir évoluer et s’adapter à la volonté populaire, tout en restant attentive à la préservation de ses principes cardinaux et au maintien du lien social».
Il a aussi souligné le contexte sécuritaire régional marqué par des attaques terroristes, d’une forte pression du radicalisme et de l’extrémisme au sein des communautés.
« J’exprime à cet égard la reconnaissance de la nation aux forces de défense et de sécurité qui se trouvent en première ligne pour épargner à notre pays les affres de cette violence aveugle. Avec maîtrise et professionnalisme, elles ont mené avec succès, au cours des derniers mois, plusieurs opérations de démantèlement de cellules terroristes sur notre territoire. En prenant conscience de cet état de choses, nous devons être sensibilisés à la montée ambiante des menaces, en restant toutefois rassurés que l’État s’attachera toujours à garantir la sécurité de chacun et la quiétude de tous. Dans le respect des libertés individuelles et collectives, la protection des citoyens restera une priorité. Aussi, toutes les dispositions permettant à nos compatriotes de vivre en paix et de vaquer librement à leurs occupations seront-elles prises ».
Pour le chef de l’Etat au pouvoir depuis 2005, des efforts constants doivent être faits dans l’exercice des libertés publiques. « J’en veux pour illustration les nombreuses dérives observées dans le fonctionnement des cultes dans notre pays. Ces excès culminent souvent avec des pratiques peu orthodoxes et des atteintes récurrentes à la quiétude des riverains.
Je souhaite appeler les uns et les autres à prendre la juste mesure de cette situation et à s’engager dans un processus de retour aux principes fondateurs de la spiritualité, des usages cultuels et religieux. La liberté de culte reconnue dans notre pays a pour pendant le respect de l’ordre public, de la morale et des droits fondamentaux d’autrui. Les services compétents seront requis d’y veiller». Il a fini son adresse par « Je demeurerai, avec le gouvernement, à l’écoute de tous ; Accueillant sans parti pris les contributions allant dans le sens du progrès de notre pays et de l’épanouissement de ses enfants».
Faure consacre sa ménopause politique
De toute sa déclamation d’une trentaine de minutes, rien de nouveau. Un long et ennuyeux discours de campagne pour 2020. S’il est vraiment dans la vision de ses devanciers qui se sont sacrifiés pour arracher l’indépendance du Togo, il y a longtemps qu’il allait libérer ce pays qu’il malmène et torture au quotidien dans tous les sens.
Lorsque Faure Gnassingbé se met à louanger Gilchrist Olympio juste parce qu’il a accepté saborder la lutte politique de l’opposition pour être de son côté, lui grand oppresseur du peuple, cela se comprend. Mais il ne doit aucunement perdre de vue qu’aucun opposant sérieux ne peut se retrouver dans la mission de godillot comme l’incarne le président de l’UFC aujourd’hui.
Ensuite, après 14 ans de gestion autocratique, de violences meurtrières infantiles, c’est aujourd’hui qu’il annonce la revalorisation de la valeur indiciaire et l’allocation de départ à la retraite à partir de 2020, c’est bien regrettable. On a souvenance des élèves Anselme Sinandaré et Douti Sinalengue tués à Dapaong dans la lutte syndicale de la Synergie des Travailleurs du Togo (STT) pour ses revendications en 2013. Encore que c’est qu’une promesse.
Pour qui connaît Faure Gnassingbé et ses promesses d’ivrogne, on ne doit aucunement y croire. Les multiples programmes sociaux n’ont rien apporté au quotidien si ce n’est l’enrichissement insolent de leurs gestionnaires.
Par ailleurs, lorsque Faure invite l’administration publique à se réinviter, on se demande s’il est vraiment sérieux envers lui-même. Comment l’administration publique peut être efficace si les recrutements se font à l’aune de militantisme, de népotisme et de tribalisme ambiant ? Il en est de même pour la lutte contre la corruption à travers la déclaration des biens et avoirs.
Les plus grands voleurs de la république sont avec lui. Les plus gros scandales et crimes économiques sont connus de lui. Et lui-même avec ses châteaux partout dans le pays n’est aucunement un exemple de ce pays.
Si c’est après 14 ans qu’il se rappelle qu’il faut prendre une loi pour exiger la déclaration des biens et avoirs, c’est bien de la pagaille. Ensuite, la jeunesse reste le grand laissé pour compte. Ce machin de 20% de la part des marchés publics pour les jeunes entrepreneurs n’a jamais été une réalité. Les prédateurs de l’économie nationale ont dévoré ces marchés entre eux et y persister aujourd’hui pour la porter à 25% après l’échec des 20% est un doux mensonge.
S’agissant de la 6ème législature qui constitue une honte pour le Togo, Faure lui s’en contente, une preuve de plus qu’il ne fait que sa propre volonté.
Concernant les locales, les conditions de leur préparation montrent que Faure n’a jamais été à l’aise avec des élections transparentes et démocratiques. Il ne sert à rien de vouloir tromper la masse en appelant à un scrutin inclusif après avoir tout bâclé.
Le plus étonnant, il a abordé la question des réformes de la manière la plus désinvolte possible en insistant plutôt sur le terrorisme. Or, dans un pays où les frustrations, les rancœurs, les injustices sociales sont légion comme au Togo, cette lutte sécuritaire est un leurre.
Même la question des libertés publiques est très mal posée. Beaucoup ont trouvé dans la création des églises leur gagne-pain vu le chômage ambiant qui caractérise le pays. La fermeture de ces églises n’est point la solution.
La liberté publique c’est aussi les manifestations publiques qui se répriment dans le sang aujourd’hui.
A tout point de vue, Faure a attendu une Assemblée monocolore pour se présenter et faire son show insipide. Et en lieu et place de l’état de la nation, il a plutôt présenté son programme de campagne de 2020 pour son 4ème mandat après avoir grandement échoué dans les trois premiers.
Le Togo et les Togolais sont bien malheureux entre les mains des gens très peu sincères, égoïstes, insouciants pour le devenir de leur pays. On dirait que Faure méconnaît tout de la fonction présidentielle.
En ce moment marqué par la lassitude généralisée doublée de frustrations prononcées, comment Faure ne peut-il pas faire des annonces phares notamment la libération des prisonniers politiques, les réformes politiques, sa position sur la présidentielle de 2020.
Il n’est même pas arrivé à faire son propre bilan ce une fois qu’il a jugé utile de se présenter devant ses députés. Le Togo, un pays mal barré sous les Gnassingbé.
Source : Le Correcteur No.871 du 29 Avril 2019
27Avril.com