Travail Domestique au Togo : Le visage de l’injustice sociale

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Travail Domestique au Togo : Le visage de l’injustice sociale

Malgré la volonté affichée des pouvoirs publics, des agences de placement et des syndicats, les conditions de travail des employés domestiques au Togo restent exécrables pour la majorité. Tour d’horizon !

Ils sont souvent désignés par le terme péjoratif de bonnes ou de boys, parce que le travail qu’ils ont choisi de faire est très peu considéré dans notre pays. Salaire dérisoire, conditions de vie et de travail misérables, les travailleuses et travailleurs domestiques sont de véritables laissés-pour-compte de la société togolaise.

Le secteur est caractérisé par une forte présence féminine. Souvent issues de familles pauvres, ces jeunes filles viennent pour la plupart des villages de l’intérieur du pays à la quête du minimum vital et d’un peu d’épargne, soit pour réaliser un projet de formation professionnelle ou réunir des fonds, afin de satisfaire un besoin crucial dans la famille (une maman ou un frère sérieusement malade et nécessitant une intervention coûteuse).

Pourtant, le secteur est un véritable pourvoyeur d’emplois. Des gardes enfants en passant par les majordomes au personnel de ménage, la demande est forte, avec l’apparition d’une véritable classe moyenne. Cependant, il n’existe pas de statistiques officielles sur le nombre de travailleurs domestiques. Malgré la ratification par l’Etat togolais de la convention 189 de l’OIT attend toujours depuis 2011, leur situation ne s’améliore pas. Néanmoins le tableau n’est pas tout noir. Il existe des ONG, des associations qui militent en leur faveur, et même un syndicat qui tant bien que mal essaie de les rassembler pour mieux porter leur voix.

A Lomé, les agences de recrutement et de placement des travailleurs domestiques n’ont pas évolué avec les besoins et les exigences du temps. Très souvent mêlées à des scandales de trafic humain et de complicité de traitement dégradant des travailleurs, elles n’ont aucune capacité de suivi et de protection des droits des travailleurs dans les ménages d’accueil. Aujourd’hui, les traitements inhumains et dégradants que subissent les travailleurs domestiques ont découragé de nouvelles aventures dans le métier. Trouver une digne domestique à Lomé relève d’un parcours de combattant.

Personne à tout-faire

Bien que par définition, le lieu de travail du travailleur domestique soit exclusivement au sein d’un ménage, celui-ci est souvent amené à sortir, soit pour faire des achats, soit pour vendre, ceci au profit de son employeur. Il y a donc une mauvaise connaissance des limites du travail domestique, ce qui amène les employeurs à transformer ces hommes et femmes en des personnes à tout faire alors qu’il ne devrait pas en être ainsi. Selon l’article 1er de la convention 189 de l’OIT, « travail domestique désigne le travail effectué au sein de ou pour un ou plusieurs ménages » et « travailleur domestique désigne toute personne de genre féminin ou masculin exécutant un travail domestique dans le cadre d’une relation de travail ».

Une définition imprécise quant aux limites du travail domestique même dans les textes de la plus haute instance mondiale de travail. Consciente de cette situation qui est en leur faveur, les employeurs ne se font pas prier. Les travailleurs domestiques doivent très souvent tout faire. Nettoyer la maison, cuisiner, faire la lessive de toute la maisonnée du plus petit aux grands parents, prendre soin de ces derniers et aussi des malades de la famille s’il y en a, faire le repassage des habits, servir de jardinier, de gardien, et même de chauffeur si le travailleur a la qualification requise. C’est un fourretout qui ne permet pas au travailleur généralement sans instructions élémentaire, ou avec un niveau scolaire assez bas, de mener une existence digne. Avec tout ce qu’il doit faire, le travailleur domestique se retrouve très souvent avec des horaires inhumains : plus de quinze heures de travail ardu chaque jour et presque sans repos, à peine certains ont le temps de manger pour ceux qui en ont, et d’autres se contentent des miettes et des restes pour se garder en forme.

Et pire, il est exposé à des abus physiques, sexuels et mentaux et complètement désarmé parce qu’ignorant ses droits pour la plupart. Face à cette situation, dont les pouvoirs publics se font complices surtout avec la ratification de la convention 189 de l’OIT qui traine depuis 2011. Néanmoins le Ministère de l’action sociale de la promotion de la femme et de l’alphabétisation (MASPFA) soutient les associations et ONG qui militent pour l’épanouissement de ces hommes et femmes.

Une absence de législation

Malgré les beaux discours et toute la volonté affichée pour améliorer le cadre réglementaire de l’exercice du travail domestique au Togo, l’un des principaux freins à l’amélioration est l’absence d’un cade juridique précis concernant le travail domestique au Togo.

« Les travailleurs domestiques, c’est des gens qui n’ont pas de SMIG, c’est des gens dont la vie est carrément hypothéquée, il y a aucune règle qui les protège par rapport au travail qu’ils sont en train de faire, ils sont donc employés à des employeurs qui, pour la plupart, ne regardent même pas que c’est des êtres humains et qu’ils ont besoin de certains droits ». Voici la condition de vie des travailleurs domestiques telle que dressée par l’Office de Développement et des Œuvres Sociales (ODOS) de l’Eglise des Assemblées de Dieu du Togo.

Pour corriger ce mal, plusieurs actions doivent être menées, dont la signature par l’Etat togolais de la Convention 189 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ; une convention qui donne des droits de protection sociale à ces derniers. Pour y arriver, les organisations de la société civile (OSC) actives dans la défense et protection des droits de l’homme, particulièrement ceux des travailleurs domestiques, doivent mener des plaidoyers auprès des autorités compétentes.

« Le Togo n’a pas encore signé cette convention et nous voulons vraiment faire ce plaidoyer pour amener les décideurs togolais à signer cette convention pour donner un bien être sociale aux travailleurs et travailleuses domestiques », a souligné Roger GOEHAKUE, Coordonnateur National de ODOS de l’Eglise des Assemblées de Dieu du Togo. Selon lui, cette signature est capitale au point où elle devra permettre de « continuer notre bataille et atteindre l’objectif général qui est de voir les travailleurs et travailleuses domestiques jouir de leur milieu professionnel ».

Au delà de la signature de la convention 189, les autorités doivent aller plus loin. L’Agence Welcome, une agence de placement de travailleurs domestiques, à travers le Syndicat des Travailleurs Domestiques du Togo (SYNTRADTOGO) et en partenariat avec le Comité National des Défenseurs des Droits des Travailleurs Domestiques (CNDtrad) annonce avoir soumis un cahier de charges au gouvernement, fin juillet dernier.

Un cahier de doléances qui se résume en sept points essentiels portant sur la réglementation du travail domestique au Togo, la ratification de la convention 189 de l’OIT, la reconnaissance du Comité National des Défenseurs des droits des Travailleurs Domestiques. L’Agence Welcome, le Syndicat des Travailleurs Domestiques du Togo (SYNTRADTOGO) et le CNDtrad plaident aussi pour l’établissement de pièces de naissance et de cartes nationales d’identité aux domestiques dont 72% sont sans-papiers, l’élaboration de projets d’alphabétisation et la mise en place d’une protection sociale.

Fin juillet dernier, le gouvernement à travers le ministère de la fonction publique en charge du travail a organisé un atelier qui devrait définir les distinctions relatives à la protection de la maternité et aux conditions décentes de travail des travailleurs domestiques. Les rapports d’étude sur l’analyse comparative de la législation Nationale et de la pratique en rapport avec les conventions N°183 et 189 de l’OIT etaient au menu de la rencontre.

Le Togo est appuyée dans cette démarche par une équipe d’appui technique du travail de l’OIT basé à Dakar.

Cette mission de l’OIT vient appuyer la volonté du gouvernement d’adopter une législation conforme aux recommandations de l’organisme international par rapport à la couverture sociale des travailleurs domestiques qui représentent plus de la moitié de la main-d’œuvre mondiale dans le secteur informel. En effet, cette catégorie de travailleurs, en dépit du fait qu’ils jouent un rôle essentiel dans le développement d’un pays, est souvent laissé-pour-compte et ne bénéficie aucunement des droits légaux.

La formation, la solution ?

Pour mieux défendre ses droits, il faut d’abord les connaitre et avoir les moyens nécessaires. Le travailleur domestique au-delà des conditions difficiles dans lesquelles il travaille doit être formé et sensibilisé à ses droits et devoirs, seule voie pour le mettre à l’abri des abus et mauvais traitements. Qui pour les former et les sensibiliser, qui pour leur venir en aide quand ils sont en difficulté ? Qui d’abord pour les placer et leur éviter un contrat de travail inique et sans nom ? Elles sont nombreuses ces associations et ONG qui font de leur mieux pour leur venir en aide. Même si plusieurs sont là juste pour la forme, ce qui est un autre débat, certaines ayant ou non l’agrément de l’autorité, ont choisi de focaliser leurs efforts sur le bien-être des travailleurs domestiques.

Les organisations de défense des droits humains sont unanimes. Toute personne qui part sans une formation minimale sur ses droits est une victime facile et est prédisposée à être abusée sans pouvoir réclamer ses droits. Les travailleurs domestiques sont exploités abusivement d’abord parce qu’ils sont pour la plupart mal préparés à faire ce travail. Aucune formation préalable alors que, quel que soit le travail à faire, un minimum de formation est exigé.
Ensuite, puisqu’ils sont sans formation ils ne connaissent pas l’importance du contrat de travail ce qui les amène à accepter de travailler sans au préalable signer un contrat. Sans contrat de travail, même tacite, les employeurs se sentent en position de force et font ce qui leur passe par la tête enfin. C’est donc plus qu’une nécessité pour les candidats au travail domestique de se faire former et de connaitre leurs droits.

Pour la protection de ces travailleurs, le Togo regorge de plusieurs ONG et associations. Mais ces ONG et associations ont une portée limitée car la législation en vigueur ne protège pas suffisamment les droits des travailleurs domestiques. Même si le travail des enfants est interdit dans notre pays, même si l’esclavage est aboli depuis, pour une efficacité plus accrue du combat des ONG et associations qui sont en première ligne, il urge pour le Togo de ratifier la convention 189 de l’OIT qui non seulement protège plus les travailleurs domestiques, elle leur accorde des droits qui sont acquis pour les travailleurs d’autres secteurs depuis des lustres.

WAO Afrique pour la protection et la défense des droits des enfants mène sur le terrain une activité de sensibilisation qui l’amène à faire des portes à portes pour discuter avec les employeurs d’enfants travailleurs domestiques sur la nécessité de les protéger contre les abus. L’ONG Solidarité action pour le développement durable(SADD) active depuis 2003 milite pour de meilleures conditions de travail des travailleurs domestiques et une reconnaissance entière de leur travail qui doit être plus encadré par les pouvoirs publics, et amener ces derniers à revoir la législation en vigueur.

Il existe également très peu d’agences agréées en placement de travailleurs domestiques. La plupart opèrent sans autorisation et souffrent d’un manque manifeste de professionnalisme. Elles sont soit des ONG, soit des associations qui ont diversifié leurs activités vers le placement de travailleurs domestiques.

D’ailleurs il n’est pas rare de suivre des annonces de recherche de travailleur domestique sur les médias, ce qui est une incongruité au regard de la loi qui réglemente le secteur. Malgré leur rareté, certaines agences de placement arrivent tant bien que mal à faire un travail de qualité et à donner satisfaction aussi bien aux employeurs qu’aux employés. Parmi celles-ci il y a l’ONG Action humanitaire pour un développement intégral (AHDI) qui bien que n’ayant pas encore été agréée pour le placement des travailleurs domestiques a à son actif plus de cinq cents agents placés et qui sont régulièrement suivis.

Jusqu’aujourd’hui, c’est la seule agence de placement qui forme, outille réellement et signe des contrats aussi bien avec les employeurs que les employés dans le domaine. Créée en 1997 et agréée comme agence de placement de travailleurs domestiques en 2016, l’agence Welcome dont Sylvestre ASSIAH est le directeur est de loin l’une des plus actives sur le terrain. Organisant chaque année des événements pour célébrer les travailleurs domestiques et faire des plaidoyers à l’endroit des pouvoirs publics pour mieux revoir la condition de ces travailleurs, l’agence Welcome bénéficie du soutien du MASPFA pour la formation des candidats au travail domestique.

Loin d’être considéré comme un travail à faire toute sa vie, nombre de ceux qui le font sont conscients de la nécessité de mettre de côté de l’argent pour pouvoir apprendre un métier et se prendre en charge.

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