Le guide touristique Juste Agogoitcha qui officie à Ouidah nous le confirme, la fête de Vodoun bat son plein, encore cette année. Depuis le 1er janvier, en passant par le 10 jusqu’au 31, le mois de janvier est très particulier au Bénin ou anciennement le Dahomey (Danxomé). C’est la fête du Vodoun, mais pas que… Kpassè (là où se trouve la forêt sacrée du nom d’un des rois qui siégea sur le trône de la ville) ou Ouidah nommée encore Gléhoué par les Fons, Abomey, Grand-Popo, Porto-Novo : toutes ces villes se souviennent de la déchirure que fut l’esclavage.
L’origine du vodoun
Célébrer cette journée a été un pas décisif pour réhabiliter le culte vodoun au Bénin. Cette religion, qui répond aux quatre éléments du cosmos – l’eau, la terre, l’air et le feu –, serait née de la rencontre des cultes traditionnels des dieux yoruba et des divinités « fon » et « éwé », lors de la création puis de l’expansion du royaume fon d’Abomey aux XVIIe et XVIIIe siècles. Si elle est bâtie autour des forces « invisibles ou surnaturelles, et les procédés qui permettent de communiquer et de rester en harmonie avec elles », selon Marcus Boni Teiga, ancien directeur de l’hebdomadaire Le Bénin Aujourd’hui, elle trouve aussi sa source dans le culte des ancêtres. Le vodoun, comme l’explique Marcus Boni Teiga, « à l’origine, n’a rien à voir avec la sorcellerie ou la magie noire. Dans la cosmogonie de l’aire culturelle Adja-Tado au sud (Adja, Fon, Goun Ewe…), c’est une pratique religieuse qui consiste au culte d’un dieu créateur (Mahou) au-dessous duquel se trouvent d’autres dieux inférieurs (Sakpata : dieu de la variole ; Ogoun : dieu du fer ; Mami Wata : déesse de l’eau, etc.) qui servent d’intercesseurs à l’homme pour atteindre Dieu tout-puissant ».
Mais il a fallu longtemps au pays pour se défaire de cette image négative. Une sorte de catharsis a été entamée dans les années 90 sous l’impulsion de l’ancien président béninois Nicéphore Soglo, au lendemain de la chute du régime communiste béninois. Mais ce jour sera déclaré férié par celui qui fut à la fois son prédécesseur et son successeur, Mathieu Kérékou.
Le vodoun a résisté à l’esclavage
Cette thérapie pour réhabiliter les civilisations vodoun se fera aussi à travers le lancement de la « La Route de l’esclave » : projet né au Bénin sur l’initiative de Haïti et de plusieurs pays africains, et lancé par le colloque international qui a rassemblé, en septembre 1994, des chercheurs et des observateurs venus du monde entier. Chaque année, donc, en janvier, des milliers d’initiés béninois du culte vodoun, des centaines de touristes et des dizaines de descendants d’esclaves remontent la grande piste de sable qui mène à la plage d’Ouidah.
L’itinéraire va de la place Chacha ou « place du marché aux esclaves » – c’était la première étape de la route des esclaves de Ouidah où, au XVIe siècle, étaient venus en masse les Français, les Portugais, les Hollandais, etc. – jusqu’à la « porte du non-retour », en passant par l’arbre de l’oubli, puis la case de Zomaï – ce qui veut dire l’endroit où le feu, ou la lumière, n’entre pas, en langue fon –, puis la côte, où l’embarquement se faisait en deux temps, car il n’y avait pas de port à l’époque. Et ce que beaucoup de touristes vont apprendre, c’est qu’il est indissociable du mysticisme vodoun ou plutôt du syncrétisme religieux alors instrumentalisé à l’époque pour accompagner les esclaves vers le Nouveau Monde.
L’objectif étant de les convaincre que leur avenir vers cet inconnu était forcément meilleur. Il est dit que « les esclaves étaient amenés à l’arbre du retour lorsque le navire était annoncé et qu’ils étaient sortis de la case Zomaï pour être amenés sur la plage. C’est, malgré tout, un arbre de l’espérance, un point d’adieu final, mais la garantie, leur disait-on, que, quoi qu’il arrive, leur âme reviendrait au pays de leurs ancêtres. »
Pendant près de six siècles – quatre officiellement –, des millions d’esclaves ont emprunté cette route, qui traverse la lagune en direction de Gorée au Sénégal, les îles du Cap-Vert et, de là, vers le Brésil, les Caraïbes ou l’Amérique du Nord… Cinq millions, selon certains. Dix millions, affirment les autres. Personne ne sait véritablement.
Alors, qu’en est-il vraiment aujourd’hui du vodoun au Bénin ?
Une chose est sûre, c’est que la petite ville de Ouidah, dans le sud du Bénin, était le point de rassemblement de la traite négrière de la côte sud de l’Afrique de l’Ouest. Le vodoun n’est pas précisément né à Ouidah. Mais c’est de là que ce culte de l’invisible et des esprits de la nature s’est exporté en Louisiane, au Brésil, en Haïti, pour compter aujourd’hui deux cents millions de membres à travers le monde. Juste Agogoitcha explique : « Le vodoun est une manière de vivre. Tout être humain a son “Fa” intérieur (divinité vaudoue), son autre soi. Et nous sommes tous à la recherche de notre autre moi. » Mais il ne faut pas oublier les autres villes comme Porto-Novo, où les cultes vodoun sont très vivaces.
Trois sites symboliques sont prévus pour abriter les manifestations du festival où sont visibles les « Egou-goun », « zangbéto » ou « guèlèdè » : le « stade Charles de Gaulle » (le plus grand de la capitale), le musée Honmè (musée érigé sur le site du palais des rois de Porto-Novo) et le Jardin des plantes naturelles de Porto-Novo (où subsistent des plantes rares dans d’autres contrées et des arbres centenaires). Selon les organisateurs, ce festival vise à révéler au monde entier les potentialités culturelles de Porto-Novo, communément appelée « la ville aux trois noms ».
La capitale politique du Bénin est appelée « Hogbonou » par les Goun, « Adjatchè » par les Yoruba, et « Porto-Novo » (de Porto-Nuevo) par les Portugais). Ces noms rappellent chacun un pan de l’histoire du grand « royaume de Hogbonou ». Ce festival, selon Emmanuel Zossoun, maire de Porto-Novo, cité par l’agence Xinhua, vise à faire de cette ville le carrefour des arts et des cultures du vodoun par la construction du musée des arts vodoun à travers l’arène des masques cultuels. « Porto-Novo, ville de nature, de culture, et ville de savoir, et désignée cette année ville créative de l’Unesco, s’affirme comme un lieu de rassemblement des Béninois autour de leur culture partagée… » a-t-il poursuivi, invitant à la découverte de Porto-Novo avec son riche patrimoine culturel, architectural et historique.
Source : www.cameroonweb.com