Tournée de la Commission de réflexion sur les réformes : Après le passage d’Awa Nana à Elavagnon, le Col. Bitenewe menace des intervenants

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Tournée de la Commission de réflexion sur les réformes : Après le passage d’Awa Nana à Elavagnon, le Col. Bitenewe menace des intervenants

« Parler de liberté n’a véritablement de sens que lorsqu’on a la liberté de dire aux gens ce qu’ils ne veulent pas entendre ». Cette citation de Georges Orwell traduit bien ce que vivent les populations togolaises, surtout celles qui ont décidé de dire leurs quatre vérités à la délégation de la Commission de réflexion sur les réformes, conduite par Mme Awa Nana-Daboya.

La mission de cette commission, dit-on, est de proposer un modèle de réformes au gouvernement après consultation des populations. L’on suppose que celles-ci peuvent donner leur avis sur la gouvernance du pays (surtout dénoncer les travers), faire des propositions et recommandations et surtout exprimer leurs ressentiments ou dire tout ce que la majorité pense bas. Mais visiblement, tout porte à croire qu’Awa Nana, Arthème Ahoomey-Zunu, Adji Otèth Ayassor, Prof Dodji Kokoroko et autres qui composent la délégation ont déjà une idée de ce que va contenir le rapport final de cette tournée. Et donc, pas question pour les populations de sortir des « vérités qui blessent ».

Que ce soit à Dapaong, Mango, Kara, Sokodé ou Atakpamé, la délégation de la Commission de réflexion sur les réformes a dû faire face à la franchise des populations qui ont tenu à dire les choses telles qu’elles les vivent. La situation est telle qu’Awa Nana-Daboya, présidente de Commission a fini par lâcher à Atakpamé lundi dernier qu’elle est en train de redécouvrir le peuple togolais. Vraiment, le peuple togolais n’est plus ce qu’il était en 1998 où, au lieu de proclamer les vrais résultats sortis des urnes lors de la présidentielle de cette année, cette dame a préféré s’enfuir. D’ailleurs à plusieurs endroits où la délégation est passée, les populations n’ont pas manqué de rappeler cette triste histoire à l’ancienne présidente de la Commission électorale nationale (CEN) de l’époque. « Au lieu de proclamer les résultats de la présidentielle en 1998, vous avez préféré fuir. Pourquoi ? C’est à cause de vous, Madame, que nous continuons dans cette situation aujourd’hui », lui a-t-on lancé à Atakpamé. En plus de ce rappel, les populations, à divers endroits, ont été claires avec la délégation en ce qui concerne les réformes politiques. La limitation des mandats présidentiels, le scrutin à deux tours, bref, le retour à la Constitution de 1992 restent leur exigence.

Mais cette liberté que prennent les populations à dire ce qu’elles pensent n’est pas du goût de la présidente de la commission et sa suite. Visiblement, ce n’est pas ce qu’ils veulent entendre. Ils se croient encore à l’autre époque où il faut encenser le régime en place. Awa Nana a raison d’affirmer qu’elle est en train de redécouvrir le peuple togolais. La présidente, Adji Otèth Ayassor, Ahoomey-Zunu et autres ont, à plusieurs reprises, tenté de convaincre les populations du contraire de ce que tout le monde entier sait déjà. Mais la stratégie n’a pas marché. Ils sont soutenus dans leurs manigances par des autorités locales, surtout les préfets qui, ne pouvant plus contenir la détermination de ces populations, versent dans des menaces et intimidations. Après le départ de la délégation, on procède donc à une chasse à l’homme, parce que des gens avaient dit des choses que certains ne voulaient pas entendre. C’est ainsi qu’à Elavagnon, dans la préfecture de l’Est-Mono, un jeune homme, Akaba Démagna, se retrouve dans le viseur du préfet et des tenants de l’ordre ancien dans la localité.

Elavagnon, la comédie au grand jour

Redoutant les réactions de la population d’Elavagnon devant la Commission, eu égard à ce qui s’est passé dans les autres villes, le préfet de l’Est-Mono et certains cadres du parti au pouvoir ont pris des dispositions, en organisant des parodies d’interventions de la population. Selon nos investigations, des gens ont été entraînés la veille de l’arrivée de la délégation, pour dire à Awa Nana et sa suite ce qu’ils aimeraient entendre. Ce chef-d’œuvre du Colonel Kouma Biténéwé (Préfet de la localité) a été surpris par Akaba Démagna et deux autres jeunes qui ont eu l’audace de ne pas regarder dans la même direction que les instigateurs de la parodie. Ainsi, des 21 personnes qui ont intervenu devant la délégation, 18 ont toutes chanté le même refrain (qui a réjoui la commission). Le préfet jubilait presque pour un travail bien accompli. Mais cette victoire ne sera que de courte durée, puisque Démagna et les deux autres ont décidé de crever l’abcès, en étalant au grand jour les problèmes qui minent la localité et exposant ce qu’ils pensent à propos des réformes constitutionnelles et institutionnelles.

Dans son intervention, Akaba Démagna, ingénieur vivant à Lomé, mais qui a fait le déplacement d’Elavagnon, a dénoncé d’abord la manière dont le Togo est dirigé, avec une minorité qui pille le pays. En tant qu’ingénieur, il ne comprend pas pourquoi les gens prennent des marchés (les entreprises BTP surtout), mais laissent finalement les routes dans un état piteux. Il est plus irrité contre cette gestion qui consiste à promouvoir l’impunité, en laissant dans la nature ceux qui commettent des malversations et des détournements.

S’agissant particulièrement d’Elavagnon, le jeune homme (comme ses autres camarades qui ont décidé de ne pas s’associer à la supercherie) a fustigé les tentatives du régime RPT/UNIR à faire de la localité son fief. Et à en croire les informations, les Ifè (autochtones) ne sont visiblement plus les bienvenus chez eux. « Dans l’Est-Mono, surtout à Elavagnon, l’autochtone n’a plus de voix. L’allogène est venu tout confisquer. L’Ifè est devenu minoritaire, parce que beaucoup de nos frères, ne pouvant plus supporter la situation, sont partis au Bénin et au Nigeria. A Elavagnon, l’étranger peut devenir roi, chef, préfet… », avait-il déclaré devant la délégation. Et ce n’est pas tout. Le terrain réquisitionné depuis des années par Feu Gnassingbé Eyadéma et portant l’inscription « faune », où le régime a exploité des planches et des grumes, est interdit d’accès à la population de cette préfecture. Elle n’a même pas le droit de faire une culture vivrière sur le terrain.

A Elavagnon, Amédéka est le quartier qui a connu l’arrivée et l’installation des premiers Ifè. Et donc le chef de cette communauté vient toujours de là. Mais le régime s’est arrangé pour confier la chefferie traditionnelle à une communauté «étrangère». Aujourd’hui, c’est une régence (assurée par un allogène) qui gère le trône. Les Ifè se sont toujours offusqués de ne pas pouvoir gérer leurs affaires eux-mêmes. Pire, le quartier Amédéka est mis en quarantaine à Elavagnon par les autorités locales. Il ne bénéficie d’aucun projet de développement, notamment l’eau potable, l’électricité et autres. « Ils font tout pour que la localité soit dite acquise à UNIR-RPT. Aux rencontres des fils et filles de la localité, seuls les partisans du parti sont invités. Les Ifè vivent sous pression et ont peur de réclamer. Il y a tout un système pour les empêcher de s’exprimer », a indiqué un autre fils de la localité. Il faut être militant d’UNIR ou ne pas être Ifè pour bénéficier des avantages dans la localité. « Tout récemment, les agents de «Peace Corp» qui devaient séjourner à Elavagnon avaient choisi le quartier Amédéka pour leur lieu de résidence. Une maison a été mise à leur disposition. Des aménagements express ont été faits pour faciliter l’installation. Mais, tout a été mis au point pour les ramener à la zone allogène », a-t-il ajouté.

Toutes ces interventions n’ont pas plu au préfet de l’Est-Mono qui avait tout tramé en amont pour que ces genres de propos ne soient pas tenus devant la Sommission d’Awa Nana. Selon nos informations, tour à tour, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Adji Otèth Ayassor et Arthème Ahoomey-Zunu, ancien Premier ministre, membres de cette commission, ont pris la parole en s’attaquant aux jeunes qui se sont démarqués des autres intervenants. Ils n’ont pas visiblement aimé leur franchise. Akaba Démagna était pointé particulièrement du doigt.

Les menaces et intimidations du préfet-Colonel Kouma Biténéwé

A peine la rencontre terminée qu’un député suppléant de la localité, Batanissi a interpellé violemment l’un des jeunes hommes. « Il est venu me saisir violemment par la main, en me demandant où se trouve l’Ifè qui venait d’intervenir dans la salle. Je savais que c’est moi qu’il cherchait. Mais ayant eu peur, j’ai dû lui dire qu’il est encore dans la salle. Il est reparti et je me suis sauvé », a confié Akaba Démagna. Ce député n’est pas le seul qui en veut à ce dernier. Le préfet tristement célèbre Colonel Kouma Biténéwé a donné l’ordre de ramener Démagna à Elavagnon pour qu’il s’explique. Il est allé jusqu’à déclarer qu’il portera l’affaire au plus haut point si le jeune homme ne s’exécute pas. « Ceux sur qui il fait pression pour me ramener à Elavagnon m’ont dit qu’il voulait seulement discuter avec moi. Mais quand je l’ai appelé, il m’a menacé au téléphone, en m’intimant l’ordre de venir le voir », a ajouté Démagna.

Le préfet continue jusqu’alors ses menaces. Mais à en croire le jeune homme, la présidente de la Commission, Awa Nana l’a rassuré. « Mme Awa Nana m’a appelé et m’a demandé de rentrer à Lomé. Pendant ce temps, elle va parler au préfet et le ramener à l’ordre. Elle m’a demandé de ne pas répondre à la convocation du préfet en me rendant à l’Est-Mono », a-t-il souligné. Cependant, le Colonel Kouma Biténéwé continue de faire pression sur des gens pour avoir le jeune homme.

Il apparaît clairement que les suppôts du régime RPT/UNIR refusent de faire avec l’évolution du monde. Ils se battent comme de beaux diables pour préserver les méthodes archaïques de conservation du pouvoir. Ils donnent l’impression de s’enfermer dans l’époque où des populations louangaient le régime avec des motions et autres manifestations, malgré la situation précaire dans laquelle elles vivaient. Aujourd’hui les données ont changé. Même Awa Nana ne reconnaît pas le peuple togolais qui est prêt à dire la vérité quitte à mourir. C’est fini donc, l’époque où on remettait des papiers aux gens pour aller lire. Le préfet-Colonel Biténéwé et sa clique l’apprennent à leurs dépens. Le peuple togolais est désolé. Le régime Faure Gnassingbé est pris dans son propre piège, avec cette commission qui se rend compte de la détermination des populations. Awa Nana et compagnie feront peut-être attention quant au rapport qu’ils auront à produire sur leur mission. L’on ose croire que ce n’est pas elle-même qui sera surprise de la réaction des Togolais lorsque ce rapport ne reflètera pas leur volonté

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