« Yolim », le crédit numérique à taux zéro destiné aux petits exploitants agricoles lancé le 28 juillet 2020 suscite des réserves chez certains. Et pas des moindres.
Florilège des atouts du nouveau produit
« Ce n’est pas de l’argent cash qu’on pourra aller retirer. Le crédit est sous la forme de bon à faire valoir à des lieux précis. Aujourd’hui, nous avons 210 fournisseurs partenaires sur l’ensemble du territoire où les achats pourront exclusivement être faits », a indiqué Cina Lawson, ministre de l’Economie numérique et des innovations technologiques lors du lancement de « Yolim ». Elle a ajouté que la nouvelle innovation « est un projet d’accompagnement aux couches vulnérables durement frappées par la pandémie de la Covid-19 ».
De son côté Noel Koutera Bataka, ministre de l’Agriculture, de la production animale et halieutique (MAPAH), a renchéri. « Le gouvernement veut également réguler le prix de labour d’hectare sur le territoire au regard des fortes disparités observées dans les différentes régions ». Selon toujours Cina Lawson, « Yolim est une solution tournée vers les réalités agricoles du pays et est un exemple concret de l’accompagnement que nous apportons depuis quelques années aux différents ministères ». Sauf que cela n’emballe pas à la Direction des statistiques agricoles, de l’informatique et de la documentation (DSID). Là-bas, on émet de sérieux doutes.
Yolim, ce nouveau-né avec des dents
Selon les chiffres, 210 magasins sont partenaires de l’opération et environ 60.000 agriculteurs ont été déjà enregistrés dès le lancement de Yolim. A la DSID, on reste prudent. Faut-il le préciser, elle est une banque de données agricoles. Le Système d’alerte précoce, le Système permanent d’enquête (SPE), sont entre autres ses outils. Aussi les enquêteurs agricoles sont-ils des agents de la DSID. En contact régulier avec les réalités agricoles, ils connaissent la vie rurale du Togo profond. Et c’est pourquoi leur perception de Yolim est intéressante sur l’efficacité du programme qui à peine lancé, collectionne déjà des lauriers ! Le programme semble avancer à pas de géant devrait-on dire. Seulement…
Selon une source de la DSID, qui cumule des expériences sur le terrain, les agriculteurs qui disposent des smartphones sont à compter sur le doigt d’un lépreux. Pris sous cet angle, cette réalité disqualifie beaucoup d’agriculteurs. A cela s’ajoutent des problèmes d’électricité pour charger les téléphones. Il est un fait que beaucoup de zones rurales du Togo n’en disposent pas. Selon toujours la même source, il y a des pesanteurs socioculturelles qui entourent l’utilisation des smartphones par les masses paysannes.
« Dans les contrées où j’ai l’habitude d’aller lors de mes enquêtes, les téléphones ne sont utilisés pas que pour recevoir ou émettre des appels. Les agriculteurs, les rares qui en possèdent, les mignotent. Ils en font un luxe et non une nécessité dans l’exercice de leurs pratiques culturales », fait observer un technicien agricole. « Il existe une couche non négligeable de paysans qui sont réfractaires à l’utilisation des smartphones », ajoute le technicien agricole qui pense que Yolim n’est pas véritablement porteur d’aide à la couche vulnérable à laquelle il est destiné. « Le programme exclue une bonne partie des agriculteurs dits vulnérables parmi lesquels les analphabètes », martèle-t-il.
« Nous faisons une fuite en avant avec des technologies pour respecter les financements des bailleurs », dénonce un autre technicien de la Direction des statistiques agricoles, de l’informatique et de la documentation. Pour cet enquêteur agricole, le « paysan veut le concret ». « On fait de trop de bonds en avant. Chaque informaticien veut créer sans tenir compte de certaines réalités sociales et culturales propres à chaque communauté ».
Thibaut Mawunyigan
Source : La Lettre Agricole [lalettreagricole .info]
Source : 27Avril.com