Togo : Yakoubou Moutawakilou du PNP, une libération qui suscite plus d’interrogations qu’elle n’en résout…

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Yacoubou A. Moutawakilou

Un ami nous informe depuis Lomé avoir visité le SG du PNP section Kpalimé, Monsieur Yakouboubou Moutawakilou au pavillon militaire du CHU Sylvanius Olympio. Il n’avait pas de bonnes nouvelles pour nous quant à l’état de santé de l’intéressé. Arrêté le 25 janvier 2020, nous le savions malade et hospitalisé depuis quelques semaines. Mais que son état serait assez dégradé et nécessiterait beaucoup de moyens financiers pour le sortir d’affaire, nous est nouveau. Deux jours plus tard, après cette mauvaise nouvelle du pays, nous apprenons que Yakoubou Moutawakilou est libéré. Faut-il s’en inquiéter ou s’en réjouir? Pour les moins renseignés sur les conditions de détention et surtout sur le mauvais état de santé du responsable local du PNP, c’est une bonne nouvelle. Les efforts des uns et des autres pour la libération des prisonniers politiques auraient commencé à porter leurs fruits, et qu’après Yakoubou, la libération des autres suivrait; avaient cru beaucoup de Togolais.

Malade depuis plusieurs mois, mais ils avaient préféré que son état se détériore à son lieu de détention avant de se résoudre à le conduire à l’hôpital. Gravement malade, laissé à la charge de sa famille, sa détention et aujourd’hui sa libération provisoire, dit-on, posent le problème de ces détentions arbitraires, fantaisistes, à coloration tribale, qui renvoient plus à la formule de la loi du plus fort. Ces arrestations ou plutôt ces enlèvements sauvages de militants de partis politiques, qui ne reposent sur aucune raison valable, posent la question de la prise en charge des prisonniers malades, en détention et après leur libération. Ces prisonniers rendus malades pendant leur détention, et qu’on laisse parfois mourir, pose le problème de l’impunité avec laquelle les tortionnaires et leurs commanditaires continuent à détruire des vies d’innocents citoyens en ces tristes lieux . Pour Yakoubou Moutawakilou, qui est toujours hospitalisé et souffrant d’après les dernières nouvelles en notre possession, nous espérons que ce ne soit pas trop tard comme pour Taïrou Mourane, Moussa Saïbou, Issaka Alassani, Soulémane Djalilou Grand… arrêtés le 26 janvier 2020; tous sauvagement torturés au camp GINP d’Agoé-Logopé dans l’affaire sans tête ni queue dite «Tigre Révolution». Tous morts en détention sans jamais avoir été jugés et condamnés. Une liste malheureusement incomplète de prisonniers dont les familles ne recevront que les corps sans vie.

Ils sont encore très nombreux, ces citoyens et citoyennes togolais à végéter en prison sans savoir le sort qui les attend.

  • Nambea Mehiouwa Leyla, c’est la jeune femme enlevée chez elle à la maison le 18 décembre 2019. Mère de trois filles, âgées respectivement de 17, 5 et 2 ans à la date de son kidnapping, elle croupit depuis à la prison civile de Lomé. son seul délit: avoir connu certains des jeunes arrêtés dans l’affaire dite « Tigre-Révolution ». Le dossier vide et la condition de mère de famille de l’infortunée ne les ont pas décidés à la libérer.
  • Aboubakar Tchatikpi dit Janvion, 52 ans, père de famille, transitaire de son état, et membre influent du PNP (Parti National Panafricain). La nuit du 25 janvier 2020, il s’apprêtait à aller au lit quand des gendarmes entrent chez lui par effraction, le molestent avec son épouse, lui mettent les menottes et l’embarquent sans oublier d’emporter sa voiture qu’ils gardent jusqu’à ce jour avec eux. Tantôt accusé d’être en contact avec Tikpi Atchadam dont il connaîtrait la cachette, tantôt il est accusé de connaître le fameux Taïga dont il serait un complice. Un dossier complètement vide qu’on cherche désespérément à alimenter. L’état de santé de Aboubakar Tchatikpi n’est pas au point.
  • Abdoul-Aziz Goma, presque 52 ans aujourd’hui. Irlandais d’origine togolaise, il est arrêté le 21 décembre 2018 à Lomé en compagnie d’amis. Pour avoir hébergé et aidé financièrement des ressortissants togolais venus du Ghana, il est accusé de convoyer des jeunes au Togo pour semer des troubles. Bien que la perquisition de sa voiture, de son domicile et de sa cargaison au port, convoyée depuis Manchester, ne livre aucun élément de preuve; ayant subi des tortures de toutes sortes à son arrestation et au début de sa détention, Monsieur Goma souffre aujourd’hui des conséquences liées à ces traitements inhumains. Il est incapable de marcher correctement; il ressent régulièrement des douleurs articulaires, des crampes continues aux membres inférieurs, une extrême sensibilité des pieds. L’odorat, le toucher et la vue sont extrêmement affectés; ce que les médecins désignent par des symptômes sensoriels. Voilà le lot des souffrances quotidiennes dont fait l’objet Abdoul-Aziz Goma. Le malheureux présente également des signes de déshydratation et d’émaciation. Le 30 juin dernier il s’est effondré à la suite d’un accès de vomissements. Malgré son mauvais état de santé il est toujours gardé avec beaucoup d’autres dans cette villa exigüe dans l’enceinte de l’ancienne gendarmerie face à la BTCI.
  • Amidou Idrissou dit Kinéou, 71 ans, militaire, commando-parachutiste à la retraite, arrêté en décembre 2019 et incarcéré. Comme pour les autres, ne sachant pas de quel délit l’habiller, la fameuse affaire „ Tigre Révolution“ lui est collée au cou. Sous le poids de l’âge et surtout de l’isolement, ceux qui l’ont vu tout dernièrement décrivent un homme à l’état de santé chancelant.
  • KondooufiaTcha-Sama dit Djibo, 39 ans, arrêté dans la même période que Aziz Goma le 19 décembre 2018 et détenu depuis lors, sans rien comprendre à la fameuse affaire „Tigre Révolution“ à laquelle on tente de le mêler.
  • Alles Affo Atti, Kpadja Moutadiou, Ouro-Gouni Mourtala, Ali Amédjoa Aboukérim, Traoré Fousséni dit Alfa Soudou, Agokpa Ézi, Alassani Awali, Djimon Massaoudou, Fadel Ouattara. Cette liste, malheureusement non exhaustive, qui décrit le drame de Togolais et de Togolaises fait froid dans le dos. Tout observateur neutre, ayant été mis au courant du sort des uns et des autres ainsi détaillé, se demanderait quel est donc ce pays qui se dit république, où des lois sont votées, et où le citoyen, pour la conservation du pouvoir d’une minorité, ne peut pas se sentir en sécurité pour sa liberté, voire pour sa vie. On invente une tentative d’insurrection armée qui n’a jamais existé pour embastiller des pères et mères de famille. On kidnappe des militants et responsables d’un parti politique légalement constitué et dont on pourchasse le leader comme du gibier à abattre. Comme c’est le cas du PNP (Parti National Panfricain) et de son chef Salifou Tikpi Atchadam; de la la DMK et de ses leaders Agbéyomé Kodjo, et de Mgr Fanoko Kpodzro. Seuls les deux citoyens suivants sont jugés à la Togolaise, c’est-à-dire, par une justice aux ordres, et arbitrairement condamnés.
  • Adadé Henri, chargé de la sécurité au sein du parti politique UDS. Il est arrêté en décembre 2018 dans la foulée des manifestations de la C14; Il est arbirairement condamné à 48 mois de prison ferme.
  • Charles Anoumou, militant du PNP: Condamné, il purge sa peine à la prison civile de Lomé.

Quel est donc ce régime qui parle de démocratie et d’élections, et en même temps engage une chasse à l’homme tous azimuts contre les vrais opposants à son système de gouvernement décrié par tous? Comme Yakoubou Moutawakilou, il y a encore beaucoup de citoyens et citoyennes togolais, comme nous venons de le démontrer, arbitrairement arrêtés et détenus dans des conditions inhumaines. Et ce qui saute aux yeux en parcourant la longue liste des incarcérés, c’est le caractère éthnico-tribal de l’acharnement du régime de Faure Gnassingbé contre certains Togolais. Plus de 99% des citoyens brutalement arrachés à la liberté sont, soit de Tchaoudjo, d’Assoli ou de Tchamba. Est-ce la bonne voie, selon ce régime d’un autre âge, pour arriver à la fameuse réconciliation dont on nous parle dans les discours officiels? Nous ne croyons pas. Pour terminer, nous voudrions joindre notre modeste voix à celle des associations de défense des droits de l’homme, et des leaders de la société civile engagés pour la même cause, pour demander la libération sans conditions de tous les détenus politiques, dont Kpatcha Gnassingbé et ses co-détenus. Et après leur libération que l’état togolais pense à leur dédommagement, ainsi qu’à celui des familles de tous ceux qui sont morts en détention.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com