S’il ne tenait qu’aux militaires et policiers affectés aux frontières terrestres au Togo, la pandémie du Covid-19 serait inscrite dans la constitution ; ceci, afin de légaliser les rackets qui prospèrent le long des frontières. Que ce soit à Hillacondji ou Aflao, les agents affectés à la surveillance et au contrôle se sont mués en collecteurs ou en surveillants des passeurs.
Le 4 juillet 2021, le gouvernement sortait un énième communiqué, après le constat du nombre de cas de Covid-19 qui repartirait à la hausse. Pour éviter la propagation de la maladie, le gouvernement a de nouveau insisté sur les mesures barrières : port correct du masque, distanciation physique et sociale, lavage des mains à l’eau et au savon, ou à défaut avec une solution hydroalcoolique, éviter de se toucher les yeux, le nez et la bouche ; se couvrir le nez et la bouche avec le pli du coude ou avec un mouchoir en cas de toux ou d’éternuement, nettoyer et désinfecter fréquemment les surfaces, en particulier celles qui sont régulièrement touchées, se faire vacciner après enrôlement au *844#.
Dans le cadre de l’état d’urgence « permanent », il est rappelé le maintien de l’interdiction des regroupements et attroupements de personnes, dont le nombre ne doit pas excéder 15, l’interdiction des fêtes traditionnelles ou de réjouissances populaires, l’organisation des funérailles dans l’intimité familiale, la fermeture des discothèques.
Comme constaté, nulle part, il n’est rappelé le maintien de la fermeture des frontières. Comment en serait-il autrement, étant donné que les frontières aériennes sont rouvertes depuis août 2020 ? Et sur le plan terrestre, Aflao et Hillacondji n’ont plus grand-chose à envier à une passoire. De jour comme de nuit, des populations traversent ces lieux pour se retrouver de l’autre côté du Togo, côté est et ouest. Mais ces traversées ne sont pas autorisées par les forces de l’ordre préposées aux frontières.
Aflao. A ce niveau, il y a au moins deux lieux de traversée qui génèrent des sous, bien que des militaires y soient postés. Distants d’à peine 100mètres, ces deux endroits sont reconnaissables à la couleur des postes de contrôle peints en vert. Les militaires y sont agglutinés et semblent plus préoccupés par le nombre qui franchit la frontière que par sa surveillance. Sous leurs yeux, des passeurs « parquent » les candidats à la traversée, et quand le quota est atteint, ce sont ces passeurs qui font le travail, sous le regard satisfaisant des militaires qui font semblant de regarder ailleurs. Chaque candidat débourse avant de passer. Et les tarifs varient, selon qu’on porte des bagages ou non.
Les autorités sont-elles au courant de cette situation ? Certainement. Nous avons appris qu’il y a quelques années, des caméras avaient été placées pour contrôler le travail des militaires chargés de la surveillance. Mais comme on pouvait le prévoir, l’existence de ces caméras ne faisait pas les affaires des militaires. Un jour, ces caméras n’ont plus fonctionné. Bizarrement. Et la hiérarchie ne s’est plus gênée pour demander qu’un autre système de surveillance soit installé. « Vous pensez que nous sommes seuls à bénéficier du business ? » s’est permis un militaire autour d’un pot.
A Hillacondji, il est arrivé que les policiers et militaires extorquent 2000 FCFA à chaque candidat à la traversée, avec ou sans les pièces d’identité. Et l’insensibilité y est à son comble. Sous la pluie, des forces de l’ordre ont eu à soutirer des sous à de pauvres femmes portant enfant au dos et dont l’état de dénuement était visible. Lorsque ces femmes demandent des faveurs, il leur est répondu : « Vous voyez que la frontière est fermée non ? Alors retournez d’où vous venez ». Et donc pour ne pas rebrousser chemin, tous les passants sans exception mettent la main à la poche.
Un système qui mouille les supérieurs chargés des frontières
Il n’y a pas que les populations civiles qui font du mal au trésor public. Militaires et policiers sont aussi concernés.
Lorsque nous avons cherché à comprendre pourquoi cet état de chose, il nous a été rapporté que n’est pas affecté aux frontières qui veut, mais plutôt qui peut être reconnaissant envers sa hiérarchie en charge de la surveillance des frontières. Et dans cette rubrique, ils sont nombreux à être candidats aux affectations aux frontières.
Militaires, gendarmes ou policiers, ils sont nombreux à désirer travailler aux frontières. Pour quelle raison ? La pandémie du Covid-19 a étalé au grand jour la rapacité de bien d’agents des forces de l’ordre, de défense et de sécurité.
Des sources estiment que la majorité des hommes en uniforme auraient changé leur véhicule. D’autres disent qu’après 6 mois de travail, ils pensent à acheter des terrains et à construire très rapidement.
Ces constats veulent tout simplement dire que la plus grande partie des recettes aux frontières prennent d’autres chemins et non celui du trésor public. Une situation qui affecte le budget de l’Etat, mais fait la part belle à la hiérarchie militaire et policière.
En matière de lutte contre la corruption, tout le monde est concerné : forces de l’ordre et de défense plus que tout le reste. Mais le constat est là. Sous le regard des citoyens, policiers et militaires détournent de petits montants dont la somme n’est plus négligeable.
En effet, un ancien responsable ayant travaillé à Hillacondjia laissé entendre qu’en moyenne, ce sont entre 1200 et 1500 personnes qui franchissent chaque jour la frontière du côté est du Togo.Et autour de 3000 du côté ouest. Ainsi, en considérant qu’un minimum de 1000FCFA par passage est perçu à Hillacondji et 500FCFA à Aflao, il est facile à chacun d’avoir une idée de ce que perçoivent les hommes en tenue. Sans jamais savoir combien sont reversés au trésor public.
Et pourtant, tous ceux qui sont chargés de la surveillance des frontières perçoivent régulièrement leurs salaires mensuels, avec le moins de retard possible. Et sous d’autres cieux, ce sont les hommes en tenue qui sont les plus patriotes et les moins corruptibles.
Si on argue la fermeture des frontières pour soutirer de l’argent aux populations avant de les laisser traverser, ces frontières sont-elles alors effectivement fermées ? Ou bien ne sont-elles fermées qu’à ceux qui n’ont pas les moyens de payer les militaires et policiers ?
Abbé Faria
Source : Liberté N°3423 du Lundi 12 Juillet 2021
Source : icilome.com