Togo : Vote de la diaspora, de la Poudre aux yeux

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Togo : Vote de la diaspora, de la Poudre aux yeux

La problématique a été au menu du conseil des ministres de vendredi dernier et a constitué le menu du troisième projet de loi adopté qui modifie la loi n° 2012-002 du 29 mai 2012 portant code électoral, modifiée par la loi n° 2013-004 du 19 février 2013 et la loi n° 2013-008 du 22 mars 2013.

« La feuille de route adoptée par la conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, le 31 juillet 2018 à Lomé dans le cadre de l’accompagnement du dialogue inter-togolais en vue du règlement de la situation politique qu’a connue notre pays d’août 2017 à juillet 2018, comptait parmi ses recommandations, le point relatif à l’examen, par le gouvernement, de la possibilité de permettre aux Togolais de l’extérieur, de participer au vote en ce qui concerne les élections nationales.

Le présent projet de loi modifie et complète donc des dispositions des titres I et IV du code électoral, en précisant les conditions dans lesquelles les Togolais de l’extérieur peuvent prendre part à des consultations électorales nationales.

Il y a lieu de souligner que certaines dispositions du code électoral en vigueur traitent déjà du vote des Togolais de l’extérieur, mais ces dispositions ne sont pas adaptées et suffisantes.

Les modifications apportées par le présent projet de loi portent, entre autres, sur :

– la création des Commissions Electorales d’Ambassade Indépendantes (CEAI) dans les ambassades comme démembrements de la CENI à l’extérieur ;

– le type d’élections auxquelles les Togolais de l’extérieur peuvent prendre part ;

– le nombre d’électeurs potentiels minimum pour l’ouverture d’une Commission Electorale d’Ambassade Indépendante (CEAI) ; ce nombre est déterminé à partir du nombre des Togolais détenteurs de la carte consulaire en cours de validité depuis au moins six (06) mois à la date de la révision des listes électorales, délivrée par les ambassades togolaises couvertes par les CEAI ;

– la particularité de la composition des démembrements de la CENI (Commission Electorale Ambassade Indépendante (CEAI), Commissions des Listes et Cartes (CLC), Bureaux de vote BV) à l’extérieur ;

– les pièces à fournir pour se faire inscrire sur la liste électorale dans sa Commission

Electorale Ambassade Indépendante et se faire délivrer une carte d’électeur ;

– les conditions d’intervention sur les médias d’Etat tout en résidant à l’étranger ; l’organisation des réunions électorales lors de la campagne ;

– la condition de résidence dans le pays de vote pour pouvoir siéger pour le compte d’un parti politique dans un démembrement de la CENI à l’extérieur », rapporte le compte rendu.

Cette décision prise est présentée par les caisses de résonance du régime comme la mesure du siècle et même du millénaire au Togo et a déclenché un concert de louanges à l’endroit de Faure Gnassingbé, présenté comme le plus grand démocrate de tous les temps et à l’écoute des revendications de ses populations. On s’empresse d’y voir la manifestation du respect des recommandations de la CEDEAO et surtout la satisfaction d’une des revendications principales lors des manifestations d’août 2017 à février 2018. Mais loin d’être vraiment une faveur, ce ne serait en réalité qu’une normalisation d’une anormalité, la Constitution adoptée depuis 1992 n’ayant jamais exclu la diaspora des consultations électorales (article 5). Le vote des Togolais de l’extérieur est d’ailleurs prévu par le Code électoral depuis bien longtemps (article 40 et 41). Mais c’est le régime cinquantenaire RPT/UNIR qui a toujours fait obstruction à son effectivité sur fond de calculs politiciens.

Des réserves légitimes

C’est une lapalissade, lorsque le régime accepte concéder une réclamation contraignante, c’est qu’il a déjà trouvé le moyen pour la contrecarrer. Et s’agissant de cette problématique du vote de la diaspora, il faut être naïf pour croire vraiment à sa bonne foi.

Le pouvoir cinquantenaire craignait depuis longtemps de se faire hara-kiri en concédant ce droit, sachant bien quela plupart de ces compatriotes qui vivent à l’extérieur sont des déçus ou victimes de sa gouvernance « humanicide ». La plus grande vague est constituée de ceuxayant quitté le Togo suite aux événements de la période post-90, fuyant pour échapper à la mort et aux affres du régime en place. L’autre importante est constituée des exilés économiques, qui ont émigré pour aller se chercher sous d’autres cieux plus cléments. Dans l’un comme dans l’autre cas, tout ce beau monde ne saurait adouber le pouvoir en place lors des votes et constitue de fait un vivier électoral pour l’opposition. Ces compatriotes de l’extérieur sont estimés entre deux millions et deux millions et demi d’âmes, et donc d’électeurs potentiels sur une population de sept millions et plus et une masse électorale de trois millions et poussière sur le plan national dont environ deux millions de participants aux votes. C’est assez pour faire basculer le vote en faveur de l’opposition. Et cest pour éviter de se faire hara-kiri que le pouvoir s’est toujours opposé à rendre effectif ce droit constitutionnel aux compatriotes de la diaspora. Il est évident que s’il en vient aujourd’hui à lâcher du lest, c’est qu’il aura trouvé une mesure pour contrecarrer cette menace.

Une chose est certaine, on ne saurait vraiment compter sur la bonne foi des gouvernants dans cette affaire. Il ad’ailleurs donné un avant-goût avec la fameuse élection des délégués pour la mise en place du non fameux Haut conseil des Togolais de l’extérieur (HCTE) cher à Robert Dussey. Les conditions de recensement des électeurs et des candidatures sont assez parlantes. Le manque de confiance a fait que nombre de compatriotes de la diaspora se sont éloignés de cette comédie et le défaut de transparence du processus a fait rebrousser chemin à beaucoup de candidats, non sans l’avoir dénoncé. Au sein de l’opinion, le HCTE est même conçu comme un relais du pouvoir de Lomé dans la diaspora, infesté de ses éléments.

Il est donc évident que le futur recensement annoncé de ces compatriotes pour leur participation aux prochaines élections dites nationales ne saurait être de bonne foi, comme souvent pour les opérations pareilles sur le plan national. Le pouvoir contrôlera tout et fera les choses en tout obscurantisme et selon ses humeurs, sans tenir compte des réelles préoccupations de ces concitoyens. Faut-il rappeler, le collectif Togo Debout Europe avait, dans un document daté du 15 septembre 2018 intitulé « Togo : Un cadre électoral transparent pour le vote de la diaspora », fait des propositions pertinentes sur différentes façons de faire voter la diaspora (extrait reproduit), et pas sûr que le pouvoir en tienne compte. Déjà à en croire des indiscrétions, un recensement clandestin des compatriotes de l’extérieur aurait été réalisé concernant l’Afrique de l’ouest, sur la base d’une fiche à remplir, loin des yeux et des oreilles indiscrètes. Cette stratégie devrait donc être dupliquée, nous revient-on. Le vote de la diaspora chanté ne serait, au demeurant, que de la poudre aux yeux pour gruger certains naïfs.

A quoi servirait d’ailleurs le vote de la diaspora sans amélioration du cadre électoral, donc des conditions d’organisation des élections en termes de transparence, d’équité… ? Cela passe d’abord par la recomposition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), l’organisation d’un nouveau recensement électoral transparent, ou à défaut, d’une révision électorale de bonne foi pour la confection d’un fichier clair, entre autres dispositions. Et c’est justement l’amélioration de ce cadre que la classe politique de l’opposition dans son ensemble réclame, au-delà de la polémique sur la candidature unique. Sans cela, c’est en vain qu’on aura concédé à la diaspora le droit le vote ; les mêmes causes produiront les mêmes effets…

Tino Kossi

Source : Liberté

27Avril.com