Togo, UTB / Détournement de plus de 500 millions de la société TMI : Des manœuvres dilatoires pour empêcher le verdict de la Cour d’Appel…

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C’est une affaire de détournement déguisé de plus d’un demi-milliard de FCFA d’un client, la société TELE MOBIL INTERNATIONAL (TMI), à l’Union togolaise de banque (UTB), par le biais des déblocages automatiques courant année 2018. Condamnée le 17 mars 2021 par le Tribunal de commerce alors que c’est elle-même qui a assigné la société en justice, la banque a interjeté appel le même jour. Mais tout est manifestement tramé pour empêcher le prononcé du verdict et l’affaire est pendante devant la Cour d’Appel depuis un an et quatre mois. Pendant ce temps, les affaires de la société sont à l’arrêt. Un mauvais signal pour les investisseurs.

« Scandale à l’UTB (Acte 1) : Fausses écritures comptables et ponction de plus de 500 millions FCFA sur le compte d’un client », titrions-nous dans la parution N°976 du 08 octobre 2021. Il s’agit d’un détournement déguisé à travers le système des déblocages automatiques effectués, sept (07) en tout, courant 2018, par l’UTB sur le compte de TELE MOBIL INTERNATIONAL (TMI), une société de vente de véhicules et autres prestations ayant ouvert un compte courant dans ses livres depuis 2008. Le hic, ces déblocages dont le cumul fait six cent cinquante et un millions quatre cent soixante mille (651 460 000) FCFA ont été faits à l’insu du client, pour un pseudo-financement de ses marchés alors qu’il n’en a pas formulé la demande. Il s’agit en fait des opérations, entre autres manœuvres dont des reports d’échéances, des crédits novateurs, des remboursements multiples de marchés, destinées à/ayant eu pour effets de vider le compte courant du client qui était avant le début de ces pratiques louches créditeur de cinq cent quarante-deux millions (542 000 000) FCFA.

Dans les faits, ce sont des déblocages fictifs, de simples écritures passées sur le compte et qui seront grevé(e)s d’intérêts. Les montants et cumuls de ces déblocages violent même la convention liant TMI et l’UTB fixant le plafond de la ligne d’avance à 100 millions FCFA et celui de découvert à 50 millions FCFA sur le compte d’ailleurs assorti de caution. En prélude à la rédaction du premier article, nous avions requis à l’UTB un rendez-vous afin d’avoir sa version des faits et assorti notre demande d’un questionnaire bien élaboré transmis. Mais nous n’avions eu aucune suite. Retour dans les lignes à suivre sur les autres pans de ce dossier dans le processus judiciaire ayant malgré tout abouti à la condamnation de la banque par le Tribunal de commerce de Lomé, notamment les contradictions lors des auditions du gestionnaire de compte, de l’expert-comptable commis, le verdict même et les dernières manœuvres dilatoires tous azimuts pour repousser aux calendes grecques ldélibéré devant la Cour d’Appel.

Les demandes précises de l’UTB

C’était déjà curieux, au regard de la loucherie des opérations effectuées sur le compte du client à son insu et sans son consentement, des desseins obscurantistes et frauduleux, que ce soit l’UTB qui saisisse la justice et réclame le remboursement du cumul de ces déblocages automatiques transformé en dette de la société à son égard. Introduite le 8 juillet 2020 pour court-circuiter en fait TMI qui avait engagé des actions et était sur le point d’assigner l’UTB devant les tribunaux, la plainte a commencé à être connue par la justice le 15 juillet, soit une semaine plus tard. La banque d’Etat avait formulé une kyrielle de demandes dont la reconnaissance de la créance alléguée et la condamnation de la société TMI aux dépens. .

« (…) Constater qu’elle est créancière de la requise de la somme de cinq cent soixante-quatre millions sept cent soixante-huit mille sept cent cinquante-trois (564 768 753) FCFA sous réserve des frais de poursuite ; Condamner cette dernière à payer ladite somme ; En avant-dire-droit, ordonner une expertise des comptes de TELE MOBIL INTERNATIONAL SARL U dans ses livres pour ressortir un arrêté contradictoire des comptes de la requise, non contesté des parties et désigner pour ce faire tel expert qu’il plaira au Tribunal ; Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur minute, avant enregistrement nonobstant toutes voies de recours et sans caution ; Condamner TELE MOBIL INTERNATIONAL SARL U prise en la personne de son gérant, aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Afoh KATAKITI, Avocat à la Cour, aux offres de droit ».

Ce sont là les requêtes précises formulées par l’UTB dans son assignation. L’affaire inscrite au rôle général sous le N°000439/2020/1101 fut appelée à l’audience du 28 juillet 2020, renvoyée successivement aux 19 et 26 août 2020 pour les conseils des deux parties. Le dossier fut retenu à l’audience du 26 août 2020. Suivirent deux décisions avant-dire-droit le 9 septembre 2020 (n°0440/2020) et le 25 janvier 2021 (n°0034/2021). L’affaire subit trois (03) autres renvois successifs jusqu’à l’audience du 15 février 2021. Après les réquisitions du Ministère public, le Tribunal de commerce a mis le dossier en délibéré pour le 10 mars 2021, prorogé ensuite au 17 mars 2021. Et ce fut à cette dernière séance que le verdict a été rendu.

Le parti pris et les contradictions de l’expert…

Suivant jugement avant-dire-droit n°0440 du 09 septembre 2020, le Tribunal de commerce de Lomé a ordonné une expertise comptable du « compte de TMI ouvert dans les livres de l’UTB » et commis le sieur Yao AWOUTEY, expert-comptable pour ce faire. « Faire l’état des marchés financés par l’UTB sur demande de TMI, les chèques et virements concernant ces marchés, la date de paiement des cautions et garanties, les intérêts perçus sur ces cautions et garanties et déterminer le solde du compte au 31 juillet 2019 », telle était la mission exacte à lui confiée. L’expert-comptable a déposé son rapport le 10 décembre 2020.

Si les conclusions dans son rapport sur les deux premiers points de sa mission ne souffrent d’aucune contestation, il aura pris fait et cause pour l’UTB à bien des égards. Pour déterminer par exemple le solde du compte courant de TMI à la date du 31 juillet 2019, il l’a fondé sur le compte crédit ou compte des avances sur marchés, interne à l’UTB et auquel le client n’a pas accès, pour justifier les créances de 564 768 753 FCFA alléguées. Toutes choses ayant fait dire à l’avocat de TMI, Me Mawulikplim GBETOGBE, qu’il s’est mis « dans la peau de comptable-défenseur de l’UTB » et son travail ne visait qu’à «dissimuler le caractère créditeur du compte de TMI à hauteur de cinq cent millions (500 000 000) FCFA ».

Sur beaucoup de points sensibles devant permettre la manifestation de la vérité, l’expert censé être au-dessus de la mêlée a cautionné des énormités blâmables de l’UTB et brillé par des contradictions diverses cautionnant des pratiques contraires à la déontologie du métier d’expert-comptable.

… du gestionnaire de compte, de l’UTB…

Aux fins de célérité et de manifestation de la vérité, le juge Sétowu Mawulikplimi EDOH du Tribunal de commerce de Lomé a procédé à des auditions, en cabinet, des différents acteurs de cette affaire. Et au cours de ces séances, le gestionnaire du compte, un certain Firmin WOUYENGA a brillé négativement. Il s’est fait coincer à différentes questions et s’est illustré dans des contradictions incroyables entre ses déclarations suite aux questions du juge et les pratiques de l’UTB sur les différents marchés financés. A l’en croire, un report d’échéance – de remboursement d’un financement – signifie déblocage automatique et donc calcul d’intérêts , entre autres énormités déclarées. Il s’est planté sur presque toutes les questions du juge.

Il est apparu clair que les autorités contractantes ont payé la presque totalité des marchés allégués par l’UTB comme non-remboursés et figurant au calcul de la somme réclamée à TMI ; mais curieusement, la banque fait des déblocages automatiques pour les payer de nouveau. Des montants avancés sont fictifs et ne correspondant à aucun marché réellement financé. Ceux de 36 240 000 FCFA mis en place le 18 septembre 2018, 32 000 000 FCFA le 8 octobre 2018, deux fois 200 000 000 FCFA mis en place le 22 mai 2018 et le 31 mai 2018 sont visiblement de fausses écritures comptables prises en compte.

Il est apparu évident que l’UTB ne reportait pas les remboursements effectués par les autorités contractantes et TMI sur le fameux compte crédit. Tantôt elle accepte que le marché a été entièrement payé par le client ou les autorités contractantes, tantôt elle fait un déblocage automatique soi-disant pour payer (à nouveau) ce marché…Toutes les avances sur marchés concédées à la société ont été payées par virements ou remises de chèques soit par les autorités contractantes, soit par TMI elle-même. Autre loucherie, sur l’une des pièces présentées, TELE MOBIL INTERNATIONAL est devenue TELECOM MOBIL INTERNATIONNAL.

La mauvaise foi du gestionnaire et de l’UTB est apparue évidente et le pot-aux-roses très vite découvert. Quand on annule ces fausses écritures comptables, on retrouve le caractère créditeur du compte courant de TMI. C’est suite à ces multiples contradictions et irrégularités que le juge n’a plus trouvé nécessaire de poursuivre les auditions en cabinet.

L’UTB condamnée!

Le verdict a été rendu le 17 mars 2021 par le juge Sétowu Mawulikplimi EDOH, après plusieurs mois de manœuvres. Et c’est l’UTB qui a été condamnée. Ci-dessous un extrait substantiel de ce jugement n°190/2021 du Tribunal de commerce.

« …Déclare, en conséquence, irrégulière cette pratique de déblocages automatiques dont les montants ont été pris en compte pour le calcul du solde du compte de TMI et dit que TMI n’a pas à les supporter dès lors qu’il est établi que les avances sur les marchés dont report de paiement a été sollicité, ont été effectivement payées par TMI ou les autorités contractantes…

Dit que le solde du compte de TMI, après comparaison des montants inscrits à son débit et à son crédit et après soustraction des irréguliers déblocages automatiques, est plutôt créditeur de la somme de cinq cent trente-sept millions huit cent trente-sept mille huit cent douze (537 837 812) FCFA.

Rejette, en conséquence, la demande principale de l’UTB aux fins de condamnation de TMI à lui payer la somme de cinq cent quarante-six millions cent trente-deux mille deux cent trente-cinq (546 132 235) FCFA en principal et celle de quatre-vingt-seize millions sept cent vingt mille quatre cent cinq virgule cinquante-neuf (96 720 405,59) FCFA au titre des frais de poursuite et d’exécution forcée;

Condamne, par contre, l’UTB à payer à TMI la somme de cinq cent trente-sept millions huit cent trente-sept mille huit cent douze (537 837 812) FCFA ;

Lui enjoint de créditer le compte de TMI dudit montant dès le prononcé du présent jugement sous astreintes de deux millions (2 000 000) FCFA par jour de résistance ;

Juge que dans l’exécution de la convention de compte courant liant les parties, l’UTB a manqué à ses obligations de bonne foi et de loyauté au préjudice de TMI ;

Condamne, en conséquence, l’UTB à payer à TMI la somme d’un milliard deux cent millions (1 200 000 000) FCFA à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices économique et moral subis par cette dernière ».

La fraude est apparue flagrante et le bon sens aurait voulu que l’UTB exécute ce verdict et paie les montants dus à TMI et ainsi le dossier serait clos. Mais, curieusement, le même jour du prononcé de la sentence du Tribunal de commerce de Lomé, l’UTB interjette appel.

Les manœuvres à la Cour d’Appel

Suite à cette action de l’UTB, la Cour d’Appel, par ordonnance de sursis à exécution n°0474/2021 du 17/03/2021, a donc suspendu la mise en œuvre de la condamnation, l’assortissant plus d’une assignation en référé de son client. Qu’à cela ne tienne, TELE MOBIL INTERNATIONAL pénalisée par cette affaire s’attendait à ce que cette juridiction planche très vite sur l’affaire et confirme la décision de la première instance. Mais depuis le 17 mars 2021 où l’appel a été interjeté et le 16 avril 2022 courant où la première audience a eu lieu, la Cour d’Appel ne s’est pas encore prononcée. Pour cause, des manœuvres diverses pour ne pas devoir se prononcer vite et ainsi repousser le délibéré aux calendes grecques.

Selon les informations, le dossier a été connu à plusieurs reprises, et suite à de multiples reports consécutifs aux manœuvres dilatoires de l’UTB par le biais de son conseil, le délibéré fut mis sur le 23 février 2022. Mais curieusement, le Président de la Cour d’Appel et Président de l’audience, le juge Amegboh Kokou WOTTOR prétextera (sic) entre-temps la non signature du procès-verbal d’audition en cabinet pour ne pas rendre le verdict. Le fameux PV finira par être signé, mais d’autres manœuvres ont pris le relais. Il s’agit principalement d’une prétendue contre-expertise sur les déblocages automatiques et leur conformité avec la loi bancaire.

En effet, et comme si les choses n’étaient pas suffisamment claires, le Président de la Cour d’Appel et juge, lors de l’audience extraordinaire du jeudi 21 avril 2021, par ordonnance N°078/2022, a sursis à statuer au fond et, en avant dire-droit, ordonné une contre-expertise. « L’expert aura pour mission d’éclairer la Cour sur les déblocages automatiques ou crédits novateurs placés sur le compte de la société TELE MOBIL ouvert dans les livres de l’UTB, leur conformité aux règles bancaires et tous autres aspects contentieux de la relation des parties ».

C’est l’expert-comptable Yawo DJIDOTOR qui a été commis dans un premier temps pour ce faire. Et il avait trente (30) jours, soit jusqu’au 21 mai, pour déposer son rapport au greffe de la Cour de céans. Mais il a finalement démissionné. Démission stratégique ou effets de pressions tous azimuts pour l’empêcher de faire son travail ? Difficile à dire avec exactitude. Il nous revient qu’un second expert-comptable a été désigné il y a à peine trois (03) semaines en son remplacement, en la personne de Kossi ADJIGNON. Mais selon les indiscrétions, ce dernier aussi subirait des pressions et serait également sur le point de rendre le tablier. Pendant ce temps, le délibéré attend et les affaires de TMI sont à l’arrêt depuis deux (02) ans.

Saisines vaines des autorités, mauvais signal pour les investisseurs

Il apparait clairement aux yeux des responsables de TMI, depuis les premières manœuvres à la Cour d’Appel, que cette attente interminable est savamment orchestrée pour retarder au maximum la condamnation de l’UTB, dans cette affaire qui leur porte préjudice. Et ils ont cru devoir trouver oreilles attentives auprès des autorités administratives en les saisissant sur le dossier. Sans succès.

En effet, le Directeur Général de TMI, Sam Mazna AGUEM a saisi en date du 21 avril 2021 le ministre de l’Economie et des Finances Sani Yaya. Après l’exposé de l’affaire avec toutes les étapes dans ce courrier accompagné de la documentation nécessaire, la société invitait le ministre à « tourner [ses] regards avec beaucoup d’attention sur ce dossier ». Le même jour, M. AGUEM a saisi le Garde des Sceaux, ministre de la Justice Pius AGBETOMEY et l’a relancé à travers un autre courrier le 25 août, afin qu’il fasse accélérer la procédure et le prononcé du verdict. Il est monté en gamme et a également adressé une saisine au Premier ministre Victoire TOMEGAH-DOGBE en date du 24 août 2021. De même qu’au chef de l’Etat Faure GNASSINGBE qu’il avait déjà saisi le 21 avril et relancé le 25 août 2021. Mais toutes ces correspondances n’ont pas eu d’effets. Il n’a même pas reçu de courriers réponses de la part de ces différents interlocuteurs.

Un an quatre mois, c’est le temps que fait ce dossier devant la Cour d’Appel. . Le verdict est attendu depuis lors et notamment le 23 février 2022 qu’il a été mis en délibéré, soit depuis plus de cinq (05) mois. Et pourtant, le Togo a ratifié un accord portant règlement des litiges commerciaux en Afrique fixant à seulement cent (100) jours la durée maximale pour rendre le verdict dans ces genres d’affaires. Il s’agit notamment de l’accord portant création de la zone de libre-échange continentale africaine et de ses protocoles sur le commerce des marchandises, le commerce des services et sur les règles et procédures relatives au règlement des différends, adoptés à Kigali au Rwanda le 21 mars 2018. « En aucun cas, la procédure devant le Tribunal de commerce ne peut dépasser cent (100) jours à compter de l’évocation de l’affaire. En cas de petit litige, ce délai est ramené à soixante-cinq (65) jours», stipule l’article 23 nouveau de la loi N°2018-027 du 10 décembre 2018 adoptée au Togo autorisant la ratification dudit accord.

Ce traitement infligé à TMI est un très mauvais signal adressé aux opérateurs économiques étrangers, pendant que le pouvoir en place multiplie les appels du pied à l’endroit des investisseurs de tous ordres. Si des nationaux peuvent subir de tels sorts, cela ne saurait encourager ceux internationaux à s’aventurer au Togo. Ce comportement consistant à protéger les indélicatesses est une véritable menace pour les investisseurs étrangers, dans un pays où la justice n’arrive pas à trancher une affaire aussi claire et simple…

Source : L’Alternative / presse-alternative.info

Source : 27Avril.com