Togo-USA : Les promesses non tenues de David Gilmour 20 février 2019

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Togo-USA : Les promesses non tenues de David Gilmour                                                                             20 février 2019
David Gilmour

Travailler pour renforcer les institutions démocratiques, aider le Togo à améliorer le climat des affaires afin de créer des emplois, redoubler les efforts contre la criminalité et maintenir la paix en Afrique de l’Ouest. Telles étaient les promesses faites par l’ambassadeur David Gilmour à son arrivée en décembre 2015. Il a vécu l’une des périodes les plus mouvementées de l’histoire du Togo. Seulement, le pays a fait du surplace. Pire, le Togo a fait un bond en arrière depuis le 20 décembre 2018.

« Relations diplomatiques entre les USA et le Togo : Le rôle du nouvel ambassadeur David Gilmour en question ». C’est le titre, très évocateur, d’un article publié dans notre parution N°2093 du 16 décembre 2015, à l’arrivée au Togo de l’ambassadeur David Gilmour.

Dans l’article en question, nous avons présenté l’homme à travers son parcours dans l’administration diplomatique des Etats-Unis. Plus important, nous avons rappelé les enjeux sociopolitiques du Togo et le rôle que le représentant de l’administration américaine devra jouer. Dans une déclaration à l’issue de la cérémonie de présentation de ses lettres de créances, David Gilmour promet de travailler au renforcement des institutions démocratiques au Togo. « Je travaillerai avec les Togolais pour renforcer les institutions démocratiques, aider le Togo à améliorer le climat des affaires afin de créer des emplois, et de redoubler nos efforts contre la criminalité et maintenir la paix en Afrique de l’Ouest», a-t-il dit.

Pour notre part, nous avions rappelé que sur le plan démocratique, le Togo est un chantier complet à entreprendre. « La gouvernance politique est assez problématique. Parlant d’enracinement de la démocratie, cet idéal est au stade primaire. L’alternance au pouvoir est un rêve dans le ventre du chien. Les élections qui sont le mode par excellence de changement de régime n’existent que de forme au 228. Elles sont verrouillées par le pouvoir à coups de décisions obscurantistes, la vérité des urnes détournée grâce aux fraudes électorales. Le scrutin du 25 avril 2015 l’a encore suffisamment prouvé. Les libertés sont conférées par les textes, mais leur jouissance est confisquée par le pouvoir. La justice qui est l’autre baromètre de la démocratie est instrumentalisée à outrance et ne sert qu’aux règlements de comptes. Au Togo, les corps habillés ont le droit de tirer sur des citoyens et les tuer comme ça leur chante sans jamais craindre de devoir répondre de leurs actes; l’impunité leur est garantie. Le dossier des tueries de Mango est assez illustratif. Il y a aussi la question des élections locales qui est plus qu’urgente, celle des réformes constitutionnelles et institutionnelles qui ne l’est pas moins… », avions-nous écrit.

Aujourd’hui sur le départ, l’ambassadeur David Gilmour effectue une tournée d’adieux dans les institutions togolaises. Reçu hier par le premier ministre, l’ambassadeur a déclaré : « Le Togo va me manquer beaucoup. Je serai toujours l’ami du pays et son défenseur ». Comme nous l’avions dit à son arrivée fin 2015, David Gilmour a joué sa partition dans la situation qui prévaut actuellement au Togo. A-t-il agi pour ou contre les intérêts des Togolais ? Nous nous faisons le devoir de rappeler certains événements qui ont marqué son passage au Togo.

Depuis 2006 et la signature de l’Accord politique global (APG), la question des réformes a été au centre des divergences politiques. Le front social a toujours été en ébullition. David Gilmour n’a pas attendu longtemps pour découvrir le vrai visage du régime des Gnassingbé. Le 28 février 2016, soit deux mois après son arrivée, les Togolais ont été surpris par une hausse des prix du carburant. Il s’en est suivi des manifestations populaires à travers tout le pays. La réaction du gouvernement n’a pas tardé. La répression des manifestations a fait un mort dans la banlieue nord de Lomé.

En juin 2016, le CAP 2015 a organisé des manifestations populaires. Cette mobilisation faisait partie d’une série de marches pacifiques suivies de meetings organisées par l’opposition togolaise en vue de réclamer l’adoption des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales ainsi que l’organisation des élections locales.

En octobre 2016, le gouvernement togolais a organisé, à coût de milliards de francs CFA, un sommet sur la sécurité maritime et le développement en Afrique. Pour cet événement dont les retombées promises peinent à se manifester, la rentrée scolaire a été repoussée de plusieurs semaines, le gouvernement craignant la grève des enseignants et les manifestations des élèves. En cette même année comme celles qui ont suivi jusqu’en 2019, les cours ont été perturbés par les multiples grèves des enseignants.

En juin 2017, Faure Gnassingbé est élu président de la Cédéao à l’issue du 51 ème sommet de l’organisation. Beaucoup avait pensé que le fils d’Eyadéma allait changer son mode de gouvernance. Il en était autre. Quelques mois après, soit le 19 août 2017, le Parti national panafricain (PNP) a lancé de grandes manifestations qui devraient durer 2 jours. La répression a été sanglante avec des morts, des blessés et de nombreuses arrestations. Ce fut la reprise de la longue marche des Togolais vers la démocratie.

Jusqu’en décembre 2018, l’opposition a multiplié les manifestations. Le pourvoir a aussi, de son côté, ressuscité ses milices et multiplié les assassinats des manifestants et non manifestants. Une vingtaine de Togolais ont perdu la vie dans cette quête du mieux-être. Des centaines ont expérimenté la privation de liberté et les actes de torture. Certains ont également fui le pays pour sauver leur vie.

Avant décembre 2018, les protagonistes de la crise togolaise étaient dans un processus de discussions. Des facilitateurs avaient été désignés par la Cédéao. Le G5 dont fait partie les Etats-Unis représenté au Togo par David Gilmour a suivi ce processus abandonné après les élections législatives qui ont abouti à la « nomination » des députés.

Tous ces événements ont eu lieu durant le séjour de monsieur l’ambassadeur David Gilmour au Togo. Certes, il n’est pas celui à qui revient la tâche de construire le Togo, mais nous savons aussi l’influence qu’exercent les diplomates occidentaux sur les tenants du pouvoir. David Gilmour a-t-il réellement travaillé pour le renforcement des institutions ? A-t-il aidé à lutter contre la corruption et à créer des emplois ? A-t-il aidé le pays à redoubler ses efforts dans la lutte contre la criminalité ? Nous estimons que les promesses qu’il a faites à son arrivée au Togo sont restées à l’étape de promesses.

G.A.

Source : Journal Liberté N°2862 du Mardi 19 Février 2019

Togo-Online.co.uk