« La puissance ne se montre pas si l’on en use avec injustice ». Dans Le Bal du Comte d’Orgel, Raymond RADIGUET fait le bilan des fausses intelligences et de la mauvaise conscience des hommes qui utilisent la force, la brutalité du haut de leur statut pour exhiber leur volonté de puissance sans la noblesse de l’autorité que leur confèrent le droit, l’éthique politique, la morale publique qui font la boussole de l’action.
Que des députés togolais utilisent leur titre de représentation du peuple pour travestir des lois dans leur plénitude juste pour déclasser la nationalité togolaise, la diviser avec l’intention affichée de reléguer des nationaux qui nourrissent ce pays, qui le tiennent debout par leur travail, leur sang, leur sueur, leurs sacrifices de tous les jours, il faut en inférer que ce parlement est un isoloir rempli des gens qui n’ont rien à y faire.
Une Assemblée nationale de la cruelle trahison du peuple n’est qu’une fabrication des nullités et des monstruosités pour créer des heurts qui balancent tout le pays dans la caverne de l’auto-suppression et du suicide collectif. La manipulation de la nationalité à des fins politiques est une effraction autoritaire qui, çà et là, nous a livré l’hécatombe inattendue des rebellions. Une identité divisée par l’ambition politique tout à fait plate est un crime qui appelle à des cascades de ruptures de digues sociales et des fractures les plus insensées, les plus folles.
La lettre et l’esprit de la nationalité sont entiers en matière de jouissance des droits civiques et des devoirs. Ce serait une délinquance juridique et une nausée de bassesse de croire qu’il est possible d’éventrer le titre de nationalité, de l’éviscérer, pour en laisser la carapace entre les mains de certaines catégories sociales exploitées, usées par de fausses promesses, trahies par une moquerie administrative de la petite manipulation au fleuve des ignorances barbares.
La charte des partis politiques distordue, chiffonnée et ravaler au niveau du sectarisme primaire de la citoyenneté ne fait-elle pas l’apologie de la « sous-nationalité » pour s’en servir comme un déchet par la barbarie du droit ?
Que faire d’une Assemblée nationale qui déconstruit la nationalité, crée l’asocialité pour édifier des parcs de relégation à des citoyens tout à fait patriotes ?
1) Une Assemblée nationale en souffrance de légitimité
La voix de l’opposition dans ce pays est plus massive et plus forte que ce qu’on appelle abusivement la majorité de l’hémicycle qui ne tient que par un sabotage crapuleux des conditions d’organisation des élections qui ont poussé les forces unies de la contestation à se retirer du remplissage électoral d’accompagnement des vainqueurs sans mérite.
Dans tous les pays où l’Assemblée nationale s’octroie le privilège de sérier les citoyens, de les classer en typologie pour construire des parcs d’apartheid pour les uns et pour les autres, les artifices de la gouvernance sont énormes et illustrent les insalubrités sur lesquelles sont assis ceux qui apparaissent comme des gouvernants. L’aval d’une représentation nationale à la division de la nationalité est l’expression d’une faillite de la représentation de toutes les forces significatives de l’échiquier national à l’Assemblée. Les fausses élections accouchent toujours des avortons conceptuels, des choix vaseux et des prouesses ténébreuses. Se tailler des privilèges exorbitants pour des récompenses électorales dans le but de priver des concitoyens tout à fait honnêtes de l’égalité des chances et des droits élémentaires que leur confère la citoyenneté n’est qu’une faiblesse immonde. Si la majorité est si populaire avec toutes ses prétentions de mérite, qu’elle ouvre le jeu démocratique et électoral à tous. L’avenir d’un pays se lit dans son ouverture qui intègre toutes les compétences sûres. Etre de la double nationalité avec des compétences sûres et une expérience indéniable n’est ni une faute, ni un crime qui doit valoir une condamnation d’exclusion de participation active à la vie politique du pays d’origine.
Que cherchait la majorité en organisant un sommet de la diaspora après avoir parcouru le monde entier pour aller à la rencontre de nos concitoyens de l’étranger ?
Si vous mobilisez la diaspora togolaise pour qu’elle s’implique davantage dans la vie de la nation pour bénéficier de son savoir-faire, de ses compétences, au nom de quel principe pouvez-vous la priver des droits politiques ?
Le visage de ce régime est proprement hideux, ignominieux parce qu’il ne connaît pas la honte et les civilités républicaines. Il y a un grand défaut de l’esprit et une vacuité morale dans une décision de priver les grands contributeurs de la solidarité nationale des droits civiques, politiques et électoraux. Dans la diaspora togolaise, les trois cinquième sont des binationaux pour des raisons de facilité de résidence tout en étant très actifs dans leur contribution pour la vitalité de nos banques, de notre économie, de notre développement, de la santé des familles et des ménages. Plus de deux millions de Togolais sont à l’extérieur de nos frontières, dans le combat de survie sans perdre de vue, pour la plupart, la reconnaissance à la terre mère, à la patrie.
La trahison est énorme, la bassesse incommensurable, le dégoût fâcheux dans le parjure des gouvernants qui donnent la main à la diaspora pour la tirer vers eux et la trancher de sang-froid. L’esprit de cette exclusion est trop petit, minable et n’augure pas des lendemains meilleurs pour notre pays. LA ROUCHEFOUCAULD a vu juste quand il écrit dans ses Maximes : « Ceux qui s’applaudissent trop aux petites choses sont ordinairement incapables de grandes ».
La finalité d’un parti politique n’est rien d’autre que la quête du pouvoir. Priver les binationaux de l’animation d’un parti politique revient à leur interdire de lorgner le fauteuil présidentiel, parce qu’il serait exclusivement réservé à un type de togolais de virginité nationale. A quoi sert une virginité improductive au profil médiocre ou sans compétence ?
Tous les anciens qui appartenaient à l’empire français étaient des binationaux. Après les indépendances, il suffit d’adresser une lettre de réintégration pour que la nationalité française soit accordée aux Africains qui le souhaitent. Pourtant, ils ont donné leurs sueurs, leur sang à nos pays. Il n’y a pas d’intelligence ni d’ethnique politique dans des dispositions d’exclusion des Togolais de la vie politique au prétexte de la double nationalité.
Nous faisons au Togo ce qui a coûté aux pays des effusions de sang, des morts et des rebellions en nous cachant derrière le fallacieux que tout le monde découvre sans peine. Les objectifs de progrès et d’émergence sont-ils vraiment dans la division des compétences et du titre de la nationalité togolaise ?
2) L’obsession du mal et du mauvais exemple
Le régime togolais a un goût morbide de l’affaissement logique, éthico-moral pour s’illustrer en inertie politique, fourvoyer la jeunesse africaine, torpiller l’esprit d’une époque démocratique, s’exclure d’une ère des innovations de la gouvernance pour se maudire. On voit bien le stade de développement où le Togo se trouve par opposition au foisonnement économico-social et à la modernité des structures et infrastructures des pays qui nous entourent et ceux dont l’histoire démocratique n’est qu’une réalité vivante aux normes de l’alternance politique et du renouvellement de l’esprit de la gouvernance par la saine compétition.
Nos minables chefs- d’œuvre, jetés au visage de l’humanité, étonnent le monde et nos reculades abaissent tout un pays, ses filles et ses fils qui n’ont que la tête courbée devant les quolibets que leur lancent allégrement leurs voisins proches et lointains.
Nous avons initié les coups d’Etats en Afrique, le renversement des constitutions, la succession dynastique, les crimes électoraux de masse et notre esprit fétide en effraction politique ne cesse d’éclabousser tout le continent de nos merdes. Les démangeaisons de nos méninges tournant à vide et nous les remplissons maintenant de la foutaise identitaire qui a embrasé bien de pays de notre sous-région et au-delà comme la Côte d’Ivoire, la Birmanie et le Yémen…
Si nous gonflons la charte des partis politiques par la question des origines au Togo et de l’exclusivité du sang togolais et de la nationalité, cette provocation obscène de classification des Togolais est la pire erreur conceptuelle de la politique que ce régime commet dans ses glissades dans le non-sens permanent. Pourquoi reproduisons-nous au Togo ce qui n’a jamais donné de bons résultats nulle part dans le monde ?
Si la Constitution togolaise qui est la boussole commune de notre évolution établit clairement que les Togolais sont égaux en droit et en devoir, on ne saurait outrepasser le code directeur du vivre-ensemble pour créer des « Togolais –manqués » et de « Togolais entiers ». Augustino de SOUZA, Sylvanus OLYMPIO sont-ils des « Togolais-manqués » ? Nous ne pouvons pas nous permettre des ingratitudes de petit esprit pour oublier notre propre histoire, insulter la mémoire de valeureux combattants qui ont tant donné à notre pays pour que nous jouissions de tant de biens et de liberté. Il faut voir l’absurdité des nouvelles dispositions de création et de gestion des parties politiques pour mesurer le degré d’insalubrité éthique, politique à laquelle nous nous abreuvons sans honte et sans nausée comme si nous étions les deniers hommes de l’espèce humaine. Jerry RAWLINGS fut-il un Ghanéen manqué ? Nicéphore SOGLO est-il un Béninois-manqué ? Kenneth KUNDA est-il lui aussi un Tanzanien –manqué ? On a voulu faire d’Alassane OUATTARA un « ivoirien manqué » et la suite, tout le monde la connait.
La vision diabolique et les tentations cruelles ne nous manquent jamais dans ce pays. En RDC, un député de la majorité en mission d’exclusion de Moise KATUMBI de la course à la présidentielle a voulu les mêmes dispositions fangeuses que le Togo copie. Toute la majorité de TSHISEKEDI a trouvé en face d’elle une muraille de coalition des églises pour botter hors du pays de LUMUMBA la grotesque supercherie de protection du trône que veut se tailler un drôle de majorité.
Le poison de la question des origines est devenu une trouvaille politique dans notre pays et le ver est déjà dans le fruit. Nous voulons répéter aux promoteurs de l’hécatombe ce que LAUTREAMONT écrit dans Les Chants de Maldoror : « Nous sommes libres de faire le bien, nous ne sommes pas libres de faire le mal ».
Source: L’Alternative/Chronique politique /Didier Amah DOSSAVI
Source : icilome.com