Merci Papa Faure était un panneau d’affichage de remerciement_et d’un peu de « lèche-bottisme« _aussi du temps des cantines scolaires (si tôt fermées – faut-il le rappeler).
Cette semaine _et pardon, pour n’avoir
pris de photo, j’étais sous le choc_ nous avons découvert sur l’une des
artères les plus fréquentées par la circulation routière loméenne, un
nouveau panneau de remerciement au Président de la République.
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Mon cerveau encore horrifié et horripilé
n’a pas pu garder l’exacte phrase portant gratitude au chef de l’état
togolais; souffrez que je ne vous la cite pas mot pour mot.
Je peux seulement vous dire qu’au
carrefour Collège-Protestant de Lomé / Hopital de Tokoin, il y a un
panneau géant posé à même le sol, barrant l’accès à une route en
réfection depuis plus d’un an, grâce au Chef de l’Etat – nous dit
l’affiche.
La situation tient-elle du ridicule ? ou
du rocambolesque ? de la démence d’un publicitaire en plein délire ? ou
d’un laudateur, flatteur à la recherche d’espèces sonnantes et
trébuchantes ?
Parce que (pour ceux qui ne le savent
pas) cette voie asphaltée 1X1 a une histoire de route à l’africaine.
Elle a été refaite plusieurs fois et n’a jamais passé le cap nouvel an
suivant sans être constellée de nids de poule puis de nids d’autruche et
parfois même de quelques cratères dignes d’un paysage où la nature
avait repris ses droits cahin-caha.
Chantier plusieurs fois à l’arrêt –
route réfectionnée partiellement – ou encore ouverte puis refermée à la
circulation et enfin, affublée d’un panneau de remerciement pour quelque
chose qu’on ne voit pas. C’est la vraie définition biblique de la foi :
La ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration des choses qu’on ne voit pas. Dieu lui-même serait du côté présidentiel, dussiez-vous en douter ?
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Jusque-là moi, franchement, ça me va, je
m’en fiche, je vis dans un pays de merde, on est tous mal barrés entre
togolais, c’est le désespoir, Lomé ne sera jamais Paris, (ce n’est même
pas Accra déjà hein… capitale du ghana à 200km de la nôtre); pour tout
vous dire, j’ai appris à accepter ma nationalité togolaise comme une
blessure. Et je défends à tout esprit d’émigration de la guérir; aucune
envie d’aller contribuer avec ma peau de nègre à cette marée noire sur
les côtes européennes. Un peu d’honneur quand même, mourrons dans la
dignité !
Ce qui me gêne c’est quand même cette
formidable poussée de remerciement déclenchée par certaines personnes
dans mon pays. Qu’à cela ne tienne, si le Président a réussi à faire une
route, c’est après tout son travail, c’est pour ça qu’on lui paie son
« salaire » de Président non ? Bien que je doute que le Président de la
République soit demandeur d’un panneau géant de remerciement à son
effigie pour se remercier lui-même, je me dis quand même que si
reconnaissance il y a, elle doit venir du peuple et de manière
spontanée. (A moins qu’on se soit dit dans les cercles concentriques du
pouvoir que ça n’arrivera jamais mais bon…).
Plus bizarre encore, le fait que le
Président de la République soit à la recherche d’une certaine légitimité
alors même que toutes les élections de ces dernières années :
Présidentielle, Législatives, locales, ont été remportées par son parti.
Pour qui sont ces affiches qui montrent le Président se faire remercier
pour des routes non encore achevées ? ou pour faire plus intello : Pour
qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? Jean Racine et l’une
des plus belles allitérations qu’ait porté la langue française.
Chers flatteurs et autres laudateurs du
Président de la République : le corps diplomatique représentant les pays
bien portants et bien plus développés que le nôtre nous regarde. Chez
ces étrangers-là, on sait au moins que personne ne fait de panneau pour
remercier le Président de la République pour une route en mal
d’achèvement. Surtout qu’on ne sait pas si son espérance de vie
s’étendra bien plus loin que ses précédentes réincarnations.
Au Burundi, Pierre Nkurunziza, le
Président de la République a été le meilleur buteur du championnat
national de Football. Au vu des buts qu’il marquait un peu trop
facilement, que de railleries et de moqueries n’avaient à l’époque
déferlé sur ce pays oublié de Dieu le tout puissant. Au Togo, le
Président est le meilleur bâtisseur de routes à faire et à refaire…
Franchement, je n’ai rien contre lui mais pour son image, et pour ne pas
finir comme les présidents meilleures buteurs, ne faut-il pas rappeler
les chiens de la communication l’avilissent. Qu’ils arrêtent de tomber
dans le panneau pour qu’on passe à autre chose, ou qu’on digère nos
difficultés quotidiennes avec des cerveaux en paix.
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J’ai longtemps fait marrer des amis avec cette anecdote africaine que je voudrais vous laisser en guise de mot de fin :
Dans un pays africain, on a trouvé un
jour que la route menant à un village trop enclavé était devenue
impraticable. Le gouvernement a voté, puis commandé à une entreprise de
génie civile qui se révèlera véreuse, une réfection totale de la voie.
Alors évidemment, la route est faite. Le chef de l’état l’inaugure en
grandes pompes, quelques jours avant les premières pluies de l’année.
Vint alors la première pluie. Toute la route est partie avec elle. Il se
raconte que les villageois ont manifesté pour qu’on leur ramène
l’ancienne route qu’ils avaient avant les travaux.
Au moins au Togo, ça n’arrivera pas. On ne manifeste plus. En tout cas pas comme on veut…
Source : Togoweb.net