A qui appartiennent les terrains rétrocédés en avril 1997 par les Forces armées togolaises (FAT) ? La question est au cœur d’une bataille judiciaire que se livrent depuis plusieurs années des acquéreurs.
En effet, dans un courrier adressé au Directeur général de l’urbanisme et de l’habitat, l’Etat-major général des FAT a informé de la rétrocession des parcelles des zones militaires d’Agoè-Nyivé. Le Colonel Bassayi Péssé Egbare et d’autres acquéreurs se disputent des parcelles de terrains non loin de l’Etat-major.
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Les faits
Si cette affaire est évoquée dans la presse, c’est parce qu’il y a quelques jours, des maisons ont été vidées de leurs occupants, de corps et de biens. En effet, dans la matinée du 18 février 2021, un contingent de forces de l’ordre a débarqué dans les maisons construites sur les parcelles querellées. Suivant le procès-verbal d’expulsion et de démolition établi à cet effet, il s’agissait d’exécuter l’arrêt N° 213/2016 du 15 juin 2016 rendu par la Cour d’Appel de Lomé et l’ordonnance N°332/18 du 10 août 2018 rendue par la même instance.
Pour l’arrêt, la Chambre civile et commerciale de la Cour d’Appel a débouté les collectivités Atoko et Dola et a confirmé le jugement N°3474/2009 du 13 novembre 2009 par le Tribunal de première instance qui confirmait le droit de propriété du Colonel Bassayi Péssé Egbaré sur les terrains querellés. Dans l’ordonnance, la Cour d’Appel de Lomé se disait incompétente à statuer sur le sursis à exécution provisoire de décision introduite par les occupants des lieux.
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Pour rendre alors leur action recevable, les acquéreurs de terrains auprès des collectivités Atoko et Dola ont introduit devant le Tribunal une assignation en tierce opposition. Des audiences ont donc eu lieu jusqu’à celle du 1er décembre 2020 avec dépôt des conclusions des différentes parties.
Dans ces conclusions, le conseil des acquéreurs a fait un récapitulatif de toutes les procédures ayant marqué ce litige. Il y rappelle que n’ayant pas été parties au procès qui a confirmé le droit de propriété de M. Bassayi Péssé Egbare, ses clients ont, en date du 15 mai 2013, formé une tierce opposition devant le Tribunal de Première Instance de Lomé contre ledit jugement.
Sur la recevabilité de la tierce opposition, le conseil des personnes aujourd’hui expulsées de leurs domiciles, a indiqué qu’aux termes de l’article 239 du Code de Procédure Civile, une partie peut former tierce opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle, ni ceux qu’elle représente n’ont été appelés.
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« La tierce opposition formée par action principale, selon l’article 240 du même code, est portée au Tribunal qui a rendu le jugement attaqué. En l’espèce, le jugement n°3474/09 du 13 novembre 2009 attaqué a été rendu par le Tribunal de Première Instance de Lomé. C’est donc en conformité avec l’article 240 précité que les concluants ont porté leur action devant le Tribunal de céans », a-t-il écrit.
Concernant le droit de propriété des lots en cause, l’avocat a soutenu que le jugement attaqué se fonde sur les arrêtés ministériels n°114 MUL/DGUH du 07 juin 2000 et n°065/MUL/MEFP pour reconnaître, à tort, le droit de propriété respectivement au Colonel Bassayi Pessé Egbaré et M. Abdoul Derman Razak. Sur l’attribution des lots au Colonel Bassayi Pessé Egbaré, le conseil a estimé que le jugement s’est fondé sur de fausses évidences.
« En réalité, il y avait une erreur manifeste d’appréciation sur l’objet de l’arrêté n°114 MUL/DGUH du 07 juin 2000 et n°065/MUL/MEFP. En effet, cet arrêté porte «approbation du lotissement Nord-Est de l’Etat- Major des FAT ». Il ne ressort nulle part dans ledit arrêté qu’une attribution de parcelle par compensation ait été faite au profit de feu Komlan AGBENYON (prétendu vendeur au sieur BASSAYI Pessé Egbaré) dont le nom n’est même pas cité dans l’arrêté. Or, s’il s’était agi d’une attribution de parcelle, le bénéficiaire aurait nécessairement été nommément désigné.
L’arrêté interministériel n°065/MUL/MEFP/DGUH du 15 mars 2004 portant attribution de parcelles de réserves administratives spéciales en son article 2 ne vise que les plans DU-DE n°2588, 2622, 2625, 2636, 2640, 2641, 2642, 2643, alors que les lots revendiqués par les concluants se situent dans le plan DU-DE 2297 que ledit arrêté ne vise pas », a également relevé le conseil des personnes expulsées.
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D’autres démonstrations ont été faites, et il appartiendra au tribunal saisi de se prononcer. En outre, le 24 décembre 2020, le conseil du Colonel Bassayi a à son tour déposé ses conclusions en réplique. En d’autres termes, l’affaire est pendante devant le tribunal. On en était là quand dans la journée du 18 février 2021, un huissier débarque sur les lieux et fait expulser les occupants des immeubles. Hommes, femmes et enfants sont aujourd’hui dans la rue. « Les élèves éprouvent des difficultés à poursuivre leurs études parce que nous n’avons pas d’abris », explique une victime d’expulsion.
Dans le but de recouper les informations, nous avons contacté le Colonel Bassayi qui nous a renvoyés à son huissier, Me Félix Ligbézim. Nous avons eu plusieurs minutes d’entretien et à plusieurs reprises avec ce dernier. Nous retenons simplement qu’il a dit avoir agi suivant une ordonnance de justice. Pour lui, l’assignation en tierce opposition n’empêchait pas l’exécution du jugement rendu.
Liberté N°3340
Source : Togoweb.net