Togo : Turbulence à l’horizon ?

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Tête baissée, le gouvernement fonce et accélère les coups de force.

Togo : Turbulence à l’horizon ?

Le prince et sa majorité sont en train de préparer les joutes électorales à venir pour forcément les gagner. Et ils n’attendent pas à les organiser dans les meilleures conditions. Pourtant consacré par l’Accord politique (APG), rappelé par les différents rapports des missions d’observations électorales et réitéré lors du récent atelier sur la décentralisation, le gouvernement foule aux pieds le principe sacré de consensus qu’il jette aux ordures pour ne sortir du chapeau que des incongruités. Alors que lors de cet atelier, il a été décidé de tout faire dans les règles de l’art, le gouvernement a imposé une composition du Conseil national de suivi de la décentralisation où le pouvoir s’est taillé la part du lion, pendant que l’opposition se contente des miettes.

Il nous revient que bien avant, à l’occasion d’une assise en prélude au processus de la décentralisation, Faure Gnassingbé qui a snobé l’opposition, avait préféré consulter les chefs traditionnels. En dépit des critiques, des amendements et des propositions, le gouvernement a fait passer son projet de loi sur les Communes voté par la majorité parlementaire UNIR. Le président de l’Assemblée nationale, Dama Dramani avait unilatéralement ajourné le projet de loi de la révision constitutionnelle et institutionnelle de l’ANC-ADDI, après l’échec des discussions orchestré par les députés de la majorité.

En clair, plus jamais, le pouvoir ne veut ouvrir un cadre formel de discussion en vue de dégager un consensus autour des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales. La dernière illustration du passage en force concerne la relecture du code électoral et l’installation d’une CENI (Commission électorale nationale indépendante) technique.

Tout récemment le ministre, de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Payadowa Boukpessi, a engagé des consultations individuelles avec les états-majors des partis politiques. Au cours de ces rencontres informelles, les délégations de chaque parti rencontrées individuellement, ont été informées sur les préparatifs en vue de la relecture du code électoral dans le cadre de la préparation des prochaines élections.

Au cours des discussions, Payadowa Boukpessi a annoncé que le Togo entend se doter d’ici fin août d’une CENI technique. Ce qui, selon le ministre, est une solution à la politisation à outrance de cette institution. Mais l’opposition qui critique l’initiative du gouvernement parle d’une procédure bancale. Et c’est à juste raison ; d’autant plus qu’à l’instar des réformes politiques constitutionnelles et institutionnelles, l’Accord politique global (APG) signé en 2006 et que le pouvoir en place refuse de traduire dans les faits, a prévu la révision du code électoral et la recomposition de la CENI. Et comme méthode pour opérer ces réformes, il préconise le consensus. Pour l’Alliance nationale du changement (ANC), les réformes électorales « doivent faire l’objet d’une discussion structurée et ouverte, notamment avec l’opposition parlementaire, de manière à engager la relecture et l’amélioration du code électoral sur des bases saines et consensuelles ».

Chez les Forces démocratiques pour la République (FDR), le ton est le même. D’ailleurs, le parti de Me Dodji Apevon qui avait boudé, le 11 juillet dernier, une nouvelle invitation du ministre, estime que « la procédure de consultation actuellement en cours n’est pas appropriée pour parvenir à ce consensus ». Dans un courrier à lui adressé, les FDR ont fait « observer que le cadre électoral dans son ensemble fait partie des réformes à opérer pour des élections justes, transparentes et crédibles dans notre pays ». « Ces réformes ne peuvent correctement se réaliser que dans un esprit de consensus préconisé par l’APG et largement repris ces derniers jours par de hauts responsables de la majorité au pouvoir », a ajouté le parti qui signe qu’il ne va pas s’« associer » à ce coup de force en perspective.

Il ressort de l’avis des observateurs qu’il faudrait un cadre plus formel de discussion défini pour dégager un consensus tel que préconisé par l’APG autour des réformes. Mais des informations font état de ce que le gouvernement ne serait pas prêt à convoquer un dialogue, s’appuyant sur l’échec des dialogues passés, notamment ceux de Togo Télécom I et II. La nouvelle formule trouvée est de procéder par le passage en force. Et pourtant le cadre électoral, comme l’a laissé entendre Me Dodji Apévon, « constitue en lui-même une réforme à opérer » pour parvenir à des élections crédibles et sans violence au Togo. Ce que, visiblement, le gouvernement ne veut pas, lui qui fait le choix du passage en force. Ces consultations qu’il a initiées ne sont que des simulacres. En réalité, le pouvoir a déjà taillé sa Ceni technique et sa révision du code électoral. Il ne reste qu’à les imposer à la classe politique de l’opposition qui, aujourd’hui, peine à organiser un véritable rapport de force. Cette CENI technique n’est qu’une trouvaille du pouvoir dynastique pour opérer des magouilles électorales aux prochaines échéances. Ce qui se dessine est que le pouvoir pourrait faire passer sans résistance ses desiderata, comme dans le cas de la loi inique des communes.

En effet, pour sauvegarder et garantir sa réelle l’indépendance, il suffit que le gouvernement cesse de faire ombrage à la CENI, « de recruter des sociétés de service, des experts indépendants et autres techniciens et même de passer des commandes de cartes d’électeur et autres matériels électoraux » pour le compte de l’institution.

A la veille des échéances électorales, ces coups de force du pouvoir risquent d’engager le pays dans une « zone de turbulence », comme l’avait fait remarquer leader des FDR dans l’une de ses sorties. « Ce n’est que par la mobilisation que nous pouvons forcer ce régime à rendre gorge et à faire les réformes.Ceux qui disent qu’il faut laisser le pays entre les mains de ceux qui le dirigent actuellement sont des criminels. Nous savons qu’il arrivera un temps où ce serait difficile, mais il faut s’engager dans ce combat avec foi et espérance. La République est foulée au pied. Les Evêques viennent de nous rappeler que les Togolais doivent se lever », avait-il dit. Samedi dernier, le chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, lors d’une des activités de son parti, a annoncé que l’ANC et ses soutiens du CAP 2015 prévoient des actions d’envergure de mobilisation de la rue dont le plan serait dévoilé cette semaine. Dans la foulée, le Parti national panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam qui avait récemment fait le plein au stade d’Agoè-Nyivé, n’écarte pas d’appeler lui aussi à la rue.

Source : L’Alternative

27Avril.com