Togo : Tikpi Atchadam, l’homme qui empêche le pouvoir de dormir

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Les manifestations violemment réprimées qui ont éclaté à travers le pays le 19 août ont consacré un nouveau leader politique, jusque-là quasi inconnu.

Le Togo n’avait pas connu de telles tensions depuis les marches organisées par le collectif Sauvons le Togo, en juin 2012. Le 19 août, des manifestations ont donné lieu à une répression brutale, causant deux morts et des dizaines de blessés. Au cœur de la fronde, Tikpi Atchadam, fondateur, en 2014, du Parti national panafricain (PNP). Désormais, chacun sait qu’il faudra compter avec celui qui jusque-là ne retenait pas vraiment l’attention des observateurs. Les leaders de l’opposition, à la peine depuis cinq ans, n’auront d’autre choix que de composer avec lui. « Je demande au peuple togolais, sur toute l’étendue du territoire et dans la diaspora, de continuer la mobilisation sans jamais faiblir », a ainsi lancé Jean-Pierre Fabre en réponse à la main tendue par Atchadam.

Un récent opposant

Pour rameuter ses troupes, le juriste de 50 ans n’a pas lésiné sur les moyens, des listes de diffusion sur WhatsApp à la duplication artisanale de DVD de ses discours, distribués jusque dans les régions les plus reculées du pays. Le 2 juillet, il a réussi à remplir les 8 500 places du stade Agoè-Nyivé, à Lomé. Son entrée tonitruante sur la scène politique togolaise n’a guère étonné son entourage.

« Quand on a été, comme lui, un leader estudiantin à l’université de Lomé, on a tous les atouts pour percer en politique », estime l’un de ses proches. Autrefois séduit par les discours de l’opposant Tavio Amorin, le bouillant jeune homme n’a pas eu le temps de rejoindre le Parti socialiste panafricain de son mentor, assassiné en 1992.

C’est donc au Parti démocratique pour le renouveau (PDR) de Zarifou Ayéva, dont il sera le responsable de la jeunesse, qu’Atchadam prend sa carte. L’aventure tourne court après le décès de Gnassingbé Eyadéma, en 2005, lorsque le PDR se rallie à la majorité présidentielle.

Atchadam prend alors ses distances, voyage en Europe, puis replonge dans le chaudron en 2014 en lançant son parti. Son principal mot d’ordre : écarter la « dynastie Gnassingbé ».

Quand on veut, comme moi, balayer un régime qui régente le Togo depuis 1963, on doit s’attendre à tout

Lorsqu’il se déplace, Tikpi Atchadam est escorté par une armée de gardes du corps. Même au siège du PNP, une dizaine d’hommes en uniforme noir et rouge veille sur sa sécurité. « Quand on veut, comme moi, balayer un régime qui régente le Togo depuis 1963, on doit s’attendre à tout », a-t‑il expliqué en recevant Jeune Afrique début août.

Courtois, l’homme écoute ses interlocuteurs sans les interrompre et garde son calme lorsqu’on l’interpelle sur le « régionalisme » du PNP : « Quand je remplis un stade, ceux qui viennent m’écouter ne sont pas tous des Tem de Sokodé. »

De fait, si la deuxième ville du pays, dont il est originaire, a été l’épicentre de la révolte du 19 août, des émeutes ont éclaté dans toutes les régions.

L’objectif d’Atchadam : les élections législatives et locales

Par sa capacité à mobiliser les mécontents, Atchadam s’est invité dans l’arène politique en compétiteur sérieux, dans la perspective des prochaines élections législatives et locales.

Puisque le pouvoir est devenu sourd, muet et aveugle, nous n’avons d’autre choix que la mobilisation du peuple !

À travers ses discours, virulents mais jamais insultants, le tribun propose de réhabiliter les royautés traditionnelles, envisage la création d’un Sénat au niveau communal, dénonce la « monarchisation » de l’État et exige le retour à la Constitution de 1992… non sans emprunter des accents révolutionnaires : « Puisque le pouvoir est devenu sourd, muet et aveugle, nous n’avons d’autre choix que la mobilisation du peuple ! »

L’opposant se faire discret depuis le 19 août 

Selon l’un de ses conseillers, le leader du PNP, qui ne s’est pas montré en public depuis les événements du 19 août, se trouve « en lieu sûr et en sécurité ». D’après une source judiciaire, il serait visé par une enquête, notamment pour le saccage du commissariat de police de Sokodé, au cours duquel des armes de guerre et des munitions auraient été emportées par les manifestants.

Les autorités accusent par ailleurs le PNP d’être un « mouvement politico-religieux d’inspiration islamiste, avec des accointances jihadistes ». Malgré cette menace, les lieutenants du nouvel opposant promettent qu’il ne restera pas longtemps dans le maquis.

Jeune Afrique