Togo, Tensions politiques : Et le Cycle Recommence. Grandes Incertitudes à l’horizon !

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Togo, Tensions politiques : Et le Cycle Recommence. Grandes Incertitudes à l’horizon !

La crise est finie, a cru devoir conclure la CEDEAO lors du 54e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement à Abuja. Et c’est la même chanson reprise en chœur par les tenants du régime « humanicide » de Lomé, se fondant sur la tenue au forceps des élections législatives. Mais manifestement, rien n’est fini. Le cycle des tensions recommence, dans le cadre des manifestations prévues demain samedi 12 janvier 2019 par la Coalition de l’opposition – même si le programme est finalement annulé et les marches reportées au 26 janvier. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’horizon reste chargé de nuages ombrageux…

La C14 annule la manifestation de demain

« Par courrier daté du 09 janvier 2019, le ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales a notifié à la Coalition des Partis Politiques de l’Opposition Togolaise l’interdiction à l’intérieur du pays des manifestations programmées par la Coalition le samedi 12 janvier 2019. La Coalition dénonce avec fermeté le caractère illégal de cette interdiction. En effet, l’interdiction d’une manifestation ne peut intervenir qu’en dernier recours face à une menace exceptionnelle et seulement après concertation préalable avec les organisateurs. Non seulement cette concertation préalable n’a pas eu lieu, mais surtout les motifs évoqués par le ministre relèvent d’un abus de pouvoir et d’une violation du droit de manifester », relève la C14 dans un communiqué rendu public hier dans la soirée, à moins de 48 heures de la manifestation.

« La Coalition tient à organiser une manifestation à caractère national. En conséquence, elle reporte sa manifestation prévue pour le samedi 12 janvier 2019 à Lomé et dans les villes de l’intérieur du pays, au samedi 26 janvier 2019. Convaincue que par leur persévérance, les Togolaises et les Togolais peuvent libérer leur pays des griffes de la dictature, la Coalition exhorte les populations à demeurer mobilisées et déterminées pour résister à l’arbitraire », ajoute-t-elle.

Itinéraires imposés, manifs interdites…

Si la C14 avait maintenu son programme de demain, certainement qu’elle aurait eu maille à partir avec le régime en place. « Je tiens à vous rappeler que certains tronçons et lieux que vous avez choisis à Lomé ont déjà été utilisés pour les mêmes causes pendant plus de sept mois par votre coalition. Et comme nous avons déjà eu l’occasion de vous le dire, cette utilisation à répétition de ces lieux a entraîné de la part des riverains concernés des plaintes pour tous les désagréments que cela entraîne », « Pour éviter que la poursuite d’utilisation de ces tronçons et lieux pour les manifestations n’entraîne des risques de troubles graves à l’ordre public, le gouvernement a décidé que ces tronçons, places et quartiers, utilisés durant plus de sept mois consécutifs soient soulagés ».

Telle est la quintessence d’un courrier réponse adressé en date du mercredi 9 janvier par le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Payadowa Boukpessi à la Coalition de l’opposition, rejetant ainsi les itinéraires retenus et communiqués par la C14 et lui en imposant de nouveaux. Il s’agit en fait de ceux institutionnalisés depuis un moment par le pouvoir en place, à savoir deux points de départ : rond-point Bè-Gakpoto et carrefour marché de Bè, et pour point de chute le carrefour de l’église des Assemblées de Dieu à Dzifa-Kpota. Faut-il le rappeler, la Coalition avait prévu dans son courrier d’information adressé au ministre trois (03) points de départ la Mission Catholique d’Adidogomé, la Pharmacie Nation à Totsi et l’esplanade de l’Immeuble Badohoun face à la CNTT à Hanoukope. Le point de chute et lieu de meeting défini était Casablanca face au restaurant Grignotine.

S’agissant de l’intérieur du pays, comme sus-évoqué par la C14 dans son communiqué d’hier, Payadowa Boukpessi interdit les manifestations prévues au motif que les itinéraires n’ont pas été communiqués. « Pour l’intérieur du pays, vous avez juste annoncé votre intention d’y organiser les mêmes marches, sans indiquer ni les villes concernées, ni les itinéraires correspondants. En conséquence, les manifestations programmées à l’intérieur du pays pour le samedi 12 janvier ne sont pas acceptées pour manque d’informations légales », a indiqué le ministre.

Répression, arrestations et morts en perspective

Cette « dictature » de Payadowa Boukpessi est une méthode utilisée depuis peu par le pouvoir. Un abus d’autorité simplement, car les arguments avancés sont tirés par les cheveux. Les points de départs utilisés durant toute la crise politique par la C14 étaient respectivement carrefour Atikoumé, Doumassesse au niveau de l’Eglise Baptiste et le rond-point Bè-Gakpoto et les itinéraires étaient bien définis. Ceux retenus et communiqués par la Coalition pour la marche de demain samedi n’ont jamais été pratiqués pour que le ministre prétexte de pseudos plaintes des riverains et les interdise. C’est de l’arbitraire pur et dur.

Au regard de cette sortie de Payadowa Boukpessi, il allait sans dire que tous les points de départ arrêtés par la Coalition devraient être pris d’assaut par les forces de sécurité et de défense et toute la capitale à nouveau militarisée. Ce samedi, des check points devraient être improvisés pour dissuader les populations et affecter la mobilisation, des patrouilles improvisées cette nuit dans les quartiers ciblés, notamment Agoènyivé et ses environs, sous le prétexte d’opérations de lutte contre la criminalité, des armes de guerre encore utilisées contre les manifestants. On devrait enregistrer des blessés, des arrestations et sans doute des morts. Par rapport aux arrestations, les indiscrétions font état de ce que derrière la grâce présidentielle décrétée le mardi 8 janvier par Faure Gnassingbé et qui ne concerne curieusement que des détenus de droit commun, se cacherait un dessein obscur de désengorger les prisons pour faire de la place aux militants et sympathisants de l’opposition qui seront appréhendés dans le cadre du grand mouvement de contestation envisagé par la C14…

Avenir ombrageux

C’est une habitude depuis un moment pour la C14 de se voir interdire ses points de départ et itinéraires. Et on peut trouver naïf que ses responsables les retiennent à nouveau, sachant qu’ils seront rejetés par le ministre de l’Administration territoriale. Le bon sens voudrait que la Coalition change de stratégie. Mais loin de cette illusion de naïveté, des sources proches de ce regroupement politique font état d’une stratégie savante pour tester le pouvoir. A l’avenir, on n’y compte plus communiquer d’itinéraires…

Une chose est certaine, la Coalition veut réinventer la lutte, la faire entrer dans une autre dimension. Cette volonté a été d’ailleurs relevée au cours de la récente conférence de presse animée par ses responsables. Il est envisagé une large fusion avec la société civile pour une synergie d’actions et l’efficacité de la lutte pour l’alternance. On parle désormais d’une lutte nationale et populaire, qui quitterait les limites des grandes villes pour atteindre les villages et même les fermes.

Au niveau du duo pouvoir Faure Gnassingbé – CEDEAO, on croit avoir tourné la page de la crise avec l’organisation au forceps des élections législatives le 20 décembre passé. Mais visiblement, l’accalmie n’est que trompeuse et les observateurs redoutent un chaos. Dans la conscience collective, on semble prendre d’autres résolutions individuelles. Avec la tenue du scrutin et la caution manifeste de la CEDEAO au régime Faure Gnassingbé, les populations assoiffées d’alternance se sont fait une opinion claire de ce qu’il faut désormais pour faire partir le pouvoir maléfique en place, tout au moins de l’insuffisance des méthodes utilisées jusqu’à présent.

A méthode de voyou, répondre par une méthode de voyou, telle est désormais la psychologie chez beaucoup…

Manifestement, les jours, semaines et mois à venir seront très mouvementés au Togo. « Les tenants du régime, après la parodie d’élection, espèrent contenir la colère populaire en déclenchant ici et là des opérations d’intimidations menées par des militaires et en orchestrant une grotesque et coûteuse campagne de lynchage médiatique de l’opposition. Vous savez, les Togolais ne se sont pas réveillés un matin d’août 2017 pour aller se coucher un soir de décembre 2018 comme si rien ne s’était passé depuis plus d’un an. Les faits sont têtus et les mêmes causes génèrent toujours les mêmes effets, ce régime le sait mieux que nous. Il sait que les Togolais attendent la première occasion pour lui rappeler que ce sont eux qui vivent les conséquences de sa gouvernance économique et politique calamiteuse et ce sont encore eux qui subiront les lois iniques de son Assemblée nationale monocolore où siégeront les 91 députés nommés.

Par contre, ce régime ignore toujours que ce n’est pas avec la ruse et la répression qu’on tue des idées et les aspirations profondes d’un peuple. Si tel était le cas, il n’aurait jamais connu un 5 octobre 1990 et encore moins un 19 août 2017. Pour notre part à la C14, il est certain que les Togolais sont fatigués de ce régime et ils le lui ont encore signifié ce 20 décembre 2018. Nous leur réitérons notre engagement et notre détermination à rester avec eux; autrement dit, notre objectif reste le même et nous nous organisons pour résister, car la lutte d’un peuple est invincible », déclarait la Coordinatrice de la C14, Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson dans une interview début janvier au confrère Afrika Stratégies France, à la question : « A quoi les Togolais doivent s’attendre dans les semaines et les mois à venir ? ». Simples propos de politique ?

L’avenir nous le dira.

Tino Kossi

Source : Liberté No.2835 du Vendredi 11 Janvier 2019

27Avril.com