Il est temps, et le temps est grave. Le pire est possible, mais le meilleur est souhaitable pour le Togo.
Depuis le 19 août, le Togo s’est réveillé dans une autre dimension. Pour certains c’était prévisible et pour d’autres, c’est inattendu. Car depuis quelques années, un calme relatif existait dans le pays, ce qui pouvait laisser penser que tout allait bien… pour tous.
Le présent manifeste est fait pour tenir et tisser le fil de la paix, où qu’il soit, car je suis foncièrement convaincu qu’aucune situation n’est tellement irrattrapable pour être continuellement et permanemment opaque à la paix. Quelle que soit l’épaisseur et la dureté de la terre, le ver de terre parvient toujours à y installer sa demeure !
En effet, d’aucuns pourraient attendre une prise de position et ils ont raison. Mais cette prise de position peut décevoir, car elle n’est pas destinée à dire si je suis pour un camp et contre un autre. Car quand on fait le choix de la médiation, de la négociation, du rassemblement, de la recherche des données pour une paix durable, l’on doit pouvoir en tout temps parler au bon Dieu ainsi qu’au diable ; parler au sage tout comme au cancre, parler au bourreau et à la victime. C’est une exigence que l’on accepte en lucidité et avec responsabilité.
Lors de certaines de mes missions dans le cadre des travaux de l’Institut International de Gestion des Conflits-IIGC, nous avons tenté modestement de contribuer à rapprocher les gens qui parfois avaient pris des armes, fait usage de la parole pour essayer de désarmer les cœurs pour mieux les rapprocher, œuvré le mieux possible avec les diasporas pour soutenir les dynamiques de paix et transcender dans la mesure du possible les logiques partisanes.
Actuellement, au Togo, terre qui abrite mon cordon ombilical, il semble que nous avons deux trains à grande vitesse qui avancent dans deux directions opposées.
– La majorité présidentielle qui s’inscrit dans une logique référendaire pour résoudre le conflit dans le respect de la constitution en vigueur. Il est cependant regrettable de constater qu’aucun compromis n’a pu être trouvé, afin d’ouvrir la voie à un plus large rassemblement sur le texte.
– L’opposition qui elle, souhaite un retour intégral à la Constitution de 1992, notamment dans ses aspects de limitation du nombre de mandat et les élections à deux tours. Elle demande le vote de la diaspora ainsi que la libération de tous les manifestants arrêtés.
Entre les deux, la confiance aujourd’hui, semble être rompue !
La violence qui se déroule actuellement est inacceptable. Les forces de l’ordre sont l’émanation de la population. Elles appartiennent à la population et leur rôle est de la protéger en tout temps et en tout lieu. Les groupes paramilitaires armés doivent cesser de s’attaquer à leurs sœurs et à leurs frères. Ils ne rendent service à personne et ne contribuent pas à apporter l’apaisement nécessaire.
Le sang a trop coulé au Togo, et il est temps que cela s’arrête !
Je suis convaincu que, de parts et d’autres, les filles et fils du Togo sont encore capables de se donner la main pour construire un pays où chaque enfant de la nation pourra se sentir en sécurité dans n’importe quel endroit du Togo.
Cela est encore possible !
Pour cela, il faut du courage, de la détermination, de la volonté, de l’Amour qui transcende les blessures et les haines du passé.
J’appelle les partenaires des pays frères et des institutions internationales qui tentent actuellement de faire la médiation à tenir compte des paramètres suivants :
1- Les souffrances d’une partie de la population qui exprime un grand désir d’alternance politique.
2- La nécessité d’une forte implication nourrie des expériences du passé pour conjurer la méfiance qui peut se faire jour.
3- Apporter l’aide, l’assistance et l’expertise nécessaire pour une sortie de crise pacifique et durable.
Chers compatriotes, que vous soyez de la majorité présidentielle ou de l’opposition, il est encore temps de faire ensemble obstacle au basculement du Togo dans le chaos. Il est encore possible de fredonner l’hymne de la paix, sur la terre de nos aïeux. Vous le pouvez, nous le pouvons !
Faisons en sorte que la violence politique ne devienne pas la norme d’un mode d’expression politique au Togo. Il faut pour cela que chacun œuvre à ramener la raison là où il voit la bêtise surgir et se banaliser.
Chers compatriotes, je suis conforté à l’idée que la négociation reste le seul chemin pour gérer efficacement cette crise. Mais une négociation responsable, franche et assortie d’une série de garanties susceptibles d’éviter de retomber dans les travers du passé et de poser définitivement les jalons pour l’avenir.
Point n’est besoin de rappeler le rôle important que joue la diaspora togolaise à l’endroit des familles et des proches restés au pays. Elle contribue par ailleurs à l’économie du pays et apporte une assistance multiforme, notamment en cette période de crise. Dans sa diversité et dans sa pluralité, elle demande majoritairement, et en toute légitimité, le droit de vote. C’est un appel citoyen et une invitation à saisir pour tenir et tisser le fil de la paix.
Le chemin pour aller à la paix n’est donc pas un parcours linéaire. Il peut être difficile, jonché d’embûches mais il est le seul vrai chemin.
Kag SANOUSSI
Président de l’Institut International de Gestion des Conflits
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www.institut-international-gestion-conflits.org
www.icilome.com