Le ministre togolais de l’agriculture, Koutéra Bataka a annoncé avoir récolté déjà 30 millions de FCFA pour le compte de son opération Téléfood.
Dans une interview accordée à la sauvette, il croit en la promesse d’autres bon samaritains qui donneront bientôt 150 millions de FCFA.
Pour conclure, le ministre pense que le processus du projet bénéficiera de la plus grande transparence et les noms des donateurs seront publiés pour que chacun sache qui a donné quoi pour doter 1000 individus d’entreprises agricoles susceptibles de résoudre le problème de faim dans un pays qui clame l’autosuffisance alimentaire.
La première démarche de la transparence est de faire connaître, d’ores et déjà, les donateurs des 30 millions de FCFA. C’est simple ; il existe des algorithmes qui permettent de suivre le processus de cotisation dans son évolution quotidienne.
Sinon, on risque de s’engager dans le schéma des passagers de gares routières du Togo, des faux passagers, des appâts que les conducteurs malicieux font asseoir en nombre dans les véhicules vides pour attirer les vrais passagers à croire que le véhicule est plein à partir….
Secundo, et c’est aussi important, il est risqué de croire en des promesses de donateurs. Si les promesses tenaient parole, le PND aura déjà mobilisé plus 200% de son objectif, ce qui est loin d’être le cas. 150 millions attendus équivalent à zéro franc dans la caisse de mobilisation de fonds.
L’inquiétude qui est suscitée autour de ce projet réside dans sa conception. La FAO, l’UNICEF, ou encore n’importe quelle ONG peut demander des cotisations aux populations pour résoudre un problème ponctuel lié à la menace des populations : Inondations, épidémies, guerres, séismes, tsunami etc.
A moins que la rédaction de l’Indépendant express se trompe, aucun pays normal qui jouit, selon les autorités, d’une stabilité comme le Togo, n’a engagé ce genre d’actions : demander aux citoyens de cotiser de l’argent pour financer des entreprises novatrices.
Aucun pays pour l’instant, à moins que le Ministre Bataka, dans l’émotion de sa lourde responsabilité à la tête de l’agriculture veuille faire du Togo une unité pilote de cette opération.
Sinon le gouvernement est capable de créer des programmes spéciaux, au nom de l’État, les fixer sur des lignes budgétaires crédibles, solliciter les partenaires compétents pour réaliser le programme. Ç’aurait été acceptable.
Tertio, on a l’impression que les autorités togolaises ne tirent pas les leçons des erreurs du passé et pensent que les togolais oublient assez vite.
Le projet Téléfood aurait pu obtenir l’adhésion des populations, sociétés et partenaires si des antécédents fâcheux n’ont pas émaillé tous les processus de mobilisation de fonds, notamment pour la Coupe d’Afrique des Nations.
En 2013, le Premier ministre en personne, Arthème Ahoomey Zunu avait clamé haut et fort que les comptes de la CAN seront faits jusqu’au dernier centime et les malversations seront sévèrement punies.
Après la CAN, le Premier Ministre est parti, la queue entre les pattes avec un trou de plus de 600 millions de FCFA, environ 600 milliards de centimes. Aucune sanction à ce jour.
En 2017, c’est le tour du Ministre en charge des sports, Guy Madjé Lorenzo de proclamer solennellement la corruption zéro pour l’organisation de la CAN. Il avait même menacé de faire connaître la prison à tous les auteurs de la corruption.
Après la CAN, c’est le ministre lui-même qui est noyé dans des combines de malversations notoires. Il a quitté le gouvernement sans être poursuivi alors que les cotisations des togolais détournées n’ont pas été retrouvées.
C’est donc, logiquement dans cette même démagogie hypocrite que le ministre BATAKA promet de servir de la transparence dans l’opération Téléfood.
Rien ne permet de croire à cette déclaration, puisqu’au Togo, rien n’arrivera, si les fonds mobilisés prenaient une destination inconnue comme ceux des CAN.
D’ailleurs, pour Téléfood, les premières bases des actions sont faussées si l’on porte un regard sur le budget.
A quoi servira une caravane qui va coûter près de 6 millions de FCFA pour un projet sérieux. Mettre des humains sur des camions à bestiaux décapotés dans un concert de bruit et d’obstruction de la circulation n’est que du folklore et n’apporte rien à un projet sérieux.
Quel est le sens et l’explication dans le budget, d’une cérémonie officielle qui coutera près de 5 millions de FCFA au projet si ce n’est une façon de faire des dépenses inutiles au profit des individus.
Et puis entre autres frivolités, le coût de la connexion internet évalué à 10 millions de FCFA. Surprenant. Comment est-ce possible que les généreux donateurs aient cotisé de leur poche pour financer un projet que les sociétés étatiques chargées de la connexion Internet ne puissent contribuer en nature à faire réussir?
Enfin, dans la lecture du budget, on sent de l’amateurisme comme si le projet était rédigé par un jeune étudiant. Globalisation trop simpliste des rubriques et des montants. Exemple : coût pour 1000 participants, 55 millions, production de jeux, 130 millions sans autre détails.
Pire, ces rubriques sont dénommées « forfait » et on sait que les taux forfaitaires d’une prestation sont extensibles, réductibles, manipulables. Pas du tout professionnelle pour un projet de 800 millions qui engage toute une nation et des partenaires.
Bref, il y a de bonnes raisons de douter de la transparence de Téléfood, et si les meneurs ne cernent pas ces facteurs de risques, ils risquent de se retrouver en prison, dans les conditions normales. C’étaient les raisons de douter du projet Téléfood.
Carlos Ketohou
Source : L’Indépendant Express
27Avril.com