Le « décalé Coupé » l’expression a été créée en tout début des années 2000 par ces jeunes ivoiriens dont l’activité consiste à « Couper » entendez ici escroquer ou détourner par tout moyen grâce à l’internet l’argent des nantis puis le « Décaler » en leur profit. Des Brouteurs ou encore des Gayman voilà le nom donné à l’activité de ces cybercriminels. Une activité qui ressemble point à point à ce qui s’opère dans le secteur des télécommunications au Togo depuis 2016 avec son point d’orgue la semaine dernière. Décryptage d’une procédure abracadabrantesque.
Togocom ! Rien que le nom traduit à suffisance l’empressement de râper. Comme nous l’avions écrit déjà au lendemain du décret du Conseil des ministres du 13 Juillet 2017, n’importe quel quidam peu créer sa structure et l’appeler Togocom, un nom passe partout sans consistance aucune. Par contre qui peut se permettre de donner le nom Togo Telecom ou Togocel ces noms de notoriétés à son petit business ? Soit !
Le tollé qui a suivi dans la presse a contraint les alchimistes de l’acte du 13 Juillet 2017 à se rétracter tant soit peu, pour jouer à des mic-mac, le temps que la tempête baisse. On en était là quand dix-huit (18) mois plus tard ils se sont remis en selle en procédant à une correction du décret du Juillet 2007. C’était au Conseil des ministres du 06 Décembre 2018. Le nouveau décret « porte abrogation des décrets n° 2017-088/PR du 13 juillet 2017 portant création, attributions et organisation de la société togolaise d’infrastructures (TOGOInfraCom), n° 2017-089/PR du 13 juillet 2017 portant création, attributions et organisation de la société togolaise de services (TOGO ServiceCom) et n° 2017-090/PR du 13 juillet 2017 portant création, attributions et organisation de la société togolaise d’installation et de support à la maintenance (TOGOInstalCom) » retient-on du communiqué ayant sanctionné le Conseil de ministres du 06 décembre 2018.
Pour autant, une revisite des termes du communiqué du conseil des ministres du jeudi 6 décembre dernier laisse pantois. Et sur plusieurs points. Première curiosité : le communiqué parle de privatisation pendant que l’Assemblée nationale n’a voté qu’une simple ouverture de capital. « Pour réaliser pleinement le potentiel de croissance du groupe, l’ouverture du capital à un partenaire stratégique a été décidée et l’Assemblée nationale a voté, le 15 novembre 2018, la loi portant autorisation de la privatisation de la société Holding Togolaise des Communications Electroniques (TOGOCOM) », lit-on dans le communiqué du Conseil des ministres.
Or, le Ministre Yaya qui était devant le parlement trois semaines plus tôt soit le 15 Novembre 2018 en est ressorti avec deux lois, l’une parlant d’ouverture de capital en ce qui concerne Togocom et l’autre parlant clairement de privatisation des banques nationales Utb et Btci. Jamais le ministre Sani Yaya, ni le parlement n’ont parlé de privatisation de Togocom le 15 novembre 2018 pour qu’on vienne le citer comme tel dans le communiqué du Conseil des ministres trois semaines plus tard.
Certes, nous ne serons pas étonnés qu’on aille dès aujourd’hui même nuitamment pour actualiser les archives du Parlement et faire faire aux noms des députés de la 5e législature ce qu’ils n’ont jamais fait. Le pays n’en sera pas à son premier exemple. Mais les écrits actuels auront quand même eu le mérite de relever ce viol national.
Mais qu’à cela ne tienne, il nous tient de souligner également que lors de la réunion tenue avec le personnel en octobre 2018 pour leur annoncer les retouches qui vont intervenir dans le capital de la future Togocom, « la Direction Générale a parlé d’une concession de 35% aux privés et l’Etat demeurera toujours au contrôle », nous avaient confiés à l’époque très indignées des sources bien introduites.
Nous faisons grâce de toute la littérature cousue de fil blanc qui a été servie pour argumenter la privatisation.
« Le temps est si bref dans la peau d’un chef »
Contrairement à une ouverture du capital à 35% on se retrouve dans une privatisation à 51% du capital. Qu’est-ce qui s’est passé entre temps pour qu’on choisisse de confier un patrimoine stratégique à des étrangers. Encore faut-il qu’on nous prouve que ce sont vraiment des étrangers puisque Agou Holding SAS U aurait été créée tout récemment à Lomé et immatriculée sous le Numero TG-LOM 2019 B 2694. De là à parler de râpe ou de Décaler Couper, il sera difficile de contredire. Entre autres arguments Charles Kondi Agba qui fait office de délégué des « Sages » du parti au pouvoir pointe du doigt la mauvaise gestion. Comme si ce mot lui est à lui-même une découverte. Passons. Mais s’il ne s’agissait que de mauvaise gestion, ce ne sont pas du mieux et du plus sérieux qui manque dans le répertoire national. Point besoin d’aller jusque dans l’océan indien où la moralité n’a rien à envier à ce qu’on reproche à ses concitoyens. Au dernier classement de Transparency International le Madagascar est 152e sur 180.
Après les banques-assurances aux Marocains avec la plus juteuse BTD aux Français, le secteur des télécoms avant l’acte de mercredi 06 novembre dernier a été saucissonné en amont comme un gâteau. Des licences 4G accordées à des FAI et non des opérateurs à 200 millions pendant qu’on le vendait à 20 milliards à la compagnie nationale Togocel. Le même Togocel que la ministre a empêché de tout investissement pendant des années au moment où Moov aux mains toujours des Marocains évoluait aisément. On apprendra plus tard que derrière les fameux FAI ne se trouvaient que des visages aux patronymes communs ou alliés avec les chefs d’orchestre attributaires. Bref, tout est fait pour couper et décaler rapidement.
Comme quoi « Le temps est si bref dans la peau d’un chef » comme le disait l’artiste Mc Solar.
Source : Fraternité
27Avril.com