Epiphanio Kwami OLYMPIO naissait le 06 septembre 1902 à Kpando, dans le Togo britannique de l’époque, région annexée au Ghana peu avant son indépendance. Son père, Epiphanio Elpidio OLYMPIO (1873-1968), était un riche commerçant en vivres – tissus et planteur de cocoteraies venu s’installer au Togo, dés l’âge de 19 ans. Ce dernier était né d’une femme yoruba, princesse nigériane d’Abéokuta et de Francisco da Silva OLYMPIO, brésilien et trafiquant d’esclaves établi à Agoué, lui-même fils d’un brésilien d’origine portugaise et d’une amérindienne. La mère de Sylvanus, Fidélia AFE (1862 environ-1967), était une femme d’origine esclave de l’ethnie mamprusi de la région de Dapaong.
1914 : Après ses études primaires à la Mission catholique allemande à…
Lomé, puis à l’école coloniale française Sylvanus OLYMPIO est inscrit à l’Ecole secondaire anglaise, la région de Kpando où il vivait avec ses parents étant située dans le Togo britannique, partie du territoire qui est le produit de la division du Togo entre la France et la Grande Bretagne après la défaite militaire subie par les troupes allemandes dans le pays en 1914, dès les débuts de la première guerre mondiale (1914 à 1918). Togo français et Togo britannique seront deux territoires dont la Société des nations (SDN) va ratifier le partage entre la France et la Grande Bretagne auxquels il confie un mandat d’administration qu’il supervise dans le cadre d’un régime de tutelle.
1920-1927 : Parti à l’âge de 18 ans, Sylvanus OLYMPIO poursuit ses études à Londres (Angleterre) où il obtint la London Matriculation (l’équivalent du baccalauréat français) avant d’entamer un cursus universitaire d’économie politique à la London School of Economics (1922 – 1926) d’où il sort diplômé pour aller poursuivre, ensuite, des études supérieures de droit international à Dijon (France) et à Vienne (Autriche).
1927 : Engagé à la fin de ses études comme employé par la Lever Brothers Company, Sylvanus OLYMPIO y entame une carrière professionnelle à Londres.
1928-1930 : Retour en Afrique où Sylvanus OLYMPIO est affecté d’abord comme adjoint à l’agent général de la compagnie Unilever à Lagos (Nigeria) puis est muté comme chef de la société à Hô (Ghana).
1930 : Il épouse Dina Grunitzky, une jeune métisse togolaise fille d’un officier allemand d’origine polonaise et d’une mère anlon de Kéta (Ghana), née de la famille royale des Amégashie. Elle est la sœur d’un certain Nicolas Grunitzky qui fera parler de lui plus tard à l’assassinat de son beau-frère Sylvanus auquel il accepta de succéder à la tête de l’Etat togolais après son assassinat. Ils eurent 5 enfants dont trois garçons et deux filles : Kwassi Bonito Herbert (décédé le 25 août 1994), Ablavi Rosita, Kwami Gilchrist Sylvanus, Ayaba Sylvana et Kodzo Elpidio Fernando.
1932 : Jusque là adjoint de l’agent général de la Compagnie Unilever pour le Togo, Sylvanus OLYMPIO est muté au Togo où il revient s’établir pour accéder au poste d’Agent général de la United Africa Company (UAC), filiale du groupe Unilever en zone française. Promotion exceptionnelle alors pour un africain autochtone, il était le plus en vue de toute l’élite africaine de Lomé et se voit désigner, de ce fait, comme Président de la Chambre de commerce de Lomé. La même année, il accepta d’être le conseiller technique d’un groupement pré-politique : le Conseil des notables créé par le pouvoir colonial français comme un instrument destiné à l’aider à administrer le Togo.
1934 : Olympio participe au comité de rédaction du journal « Le Guide du Togo » créé par Jonathan Savi de Tové, comme outil d’éducation politique.
1936 : OLYMPIO est désigné vice-président du Cercle des Amitiés Françaises qui joua le même rôle que le Conseil des notables.
13 mars 1941 : Olympio participa à la création du « Comité de l’Unité togolaise », une association initiée au départ par le gouverneur Lucien Montagné comme une amicale entre autochtones et colons français, à l’image du Conseil des notables d’avant guerre pour contrer les revendications du regroupement dénommé Deutsche Togo Bund. Créé le 1er septembre 1924 et enregistré à Accra (Ghana) en 1924, ce dernier menait campagne pour la reconstitution du territoire togolais tel que délimité sous la colonisation allemande ce qui garantirait la réunification du peuple Ewe artificiellement divisé entre deux territoires du Togo et du Togo britannique (annexé plus tard au Ghana) par les colons français et britannique.
1942 : Olympio est arrêté et emprisonné pendant trois semaines, avec six de ses collègues, à Djougou, dans le nord du Dahomey d’alors, par le gouverneur colonial qui représentait, au Togo, le régime de Vichy parce que, comme commerçants, ils travaillaient pour des entreprises britanniques. On était en effet à l’époque en pleine IIe Guerre mondiale où un pacte, conclu avec Hitler par le Maréchal Pétain qui dirigeait alors la France, partagea cette dernière en deux. La moitié nord du pays fut laissée aux nazis alors qu’un gouvernement de « collabos » des nazis dirigé par Pétain se mettait en place dans la ville thermale de Vichy. Dans toute la France y compris dans les colonies, la chasse s’engagea alors contre ceux qui, comme Sylvanus Olympio, continuaient à entretenir des relations – fussent-elles commerciales – avec des représentants de l’Angleterre, pays considéré comme « ennemi » de l’Allemagne et de Vichy dans cette guerre. A l’annonce du débarquement des troupes alliées en Afrique du nord, toute l’Afrique occidentale française se rallia à la résistance française dirigée depuis Londres par Charles De Gaulle. Olympio fut alors libéré mais se vit intimer, par l’administrateur, l’ordre de quitter immédiatement la prison, en pleine nuit, au milieu de la brousse, sans voiture, ni autre moyen de déplacement qu’à pied.
30 janvier – 8 février 1944 : Avant même la fin de la IIe Guerre mondiale, Charles de Gaulle, convoqua la Conférence de Brazzaville pour tenter de sauver les intérêts coloniaux français en Afrique qui menaçaient d’être balayés par le soulèvement des peuples africains dont les premiers soubresauts se manifestaient déjà à ce moment même où la France, sortie totalement exsangue de cette guerre, ne pouvait y résister. En effet particulièrement dure été, pour les Africains, les affres de toutes sortes qu’ils avaient subies au titre de l’effort de guerre : surexploitation organisée à travers la pratique esclavagiste du travail forcé avec son lot de brimades et exactions, envoi de troupes servant de « chair à canon » en première ligne sur les fronts de cette guerre, etc.. Il y fut décidé un train de réformes : suppression du régime discriminatoire de l’« indigénat » dès la fin de la guerre, abolition du travail forcé dans un délai de cinq ans, représentation élue de députés africains à l’Assemblée constituante française qui allait se mettre en place. Au Togo où, sous la direction de Sylvanus OLYMPIO, le combat du CUT pour l’indépendance la réunification du peuple ewé s’intensifiait, ces décisions suscitent une vive contestation comme le note ainsi Claude Gérard (cf. Les pionniers de l’indépendance) : « Au Togo, par contre, l’indépendance future de ce Territoire sous Tutelle des Nations Unies, administré par la France depuis la première guerre mondiale, est souhaitée par tous. Aussi les recommandations de la Conférence de Brazzaville, excluant toute perspective même lointaine « de self-governments dans les colonies », déclenchent-elles à Lomé des manifestations hostiles ».
27 avril 1946 : A la réunion de renouvellement du Conseil d’administration du « Comité de l’Unité togolaise », Sylvanus Olympio proposa et fit adopter qu’il change de nature pour devenir un véritable parti nationaliste. C’était dans un contexte où, le 9 avril 1946, avait été créé, par Pedro OLYMPIO (un cousin de Sylvanus) et Nicolas Grunitzky, le Parti togolais du progrès (PTP). Les membres de ce parti, inféodés à l’administration coloniale française – tout comme l’Union des chefs et des populations du nord (UCPN)–, que cette dernière créera de toutes pièces en 1951, s’illustraient par leur farouche opposition au combat des nationalistes togolais qui menaient ouvertement campagne pour la réunification du peuple Ewé arbitrairement divisé entre les deux Togo par les colonisations française et britannique.
9 juin 1946 : A l’initiative de Daniel Chapman, un professeur du collège d’Achimota en Gold Coast (le Ghana de l’époque) fut créée la « All Ewe Conference » qui s’était fixée pour objectif de combattre pour la réunification du peuple Ewe. Sylvanus OLYMPIO en devint un représentant au Togo, pays que les colons français et britanniques se sont partagés la fin de la première mondiale en le divisant en deux territoires soumis à leur domination respective et dont les peuples ont également été divisés par une frontière artificielle.
10 novembre 1946 : Aux élections des députés au Conseil de l’Union française, le parlement français de l’époque, total fut le succès du CUT dirigé par Sylvanus Olympio qui inscrivit l’unification et l’indépendance du Togo au programme qu’il proposa aux citoyens en présentant Martin AKU comme candidat : avec 4 270 voix, il obtenait 73 % des suffrages exprimés contre 1 460 voix soit 25 % des suffrages exprimés pour Nicolas Grunitzky, le candidat présenté par le Parti togolais du progrès (PTP). Martin AKU alla donc siéger à l’Assemblée nationale française.
8 décembre 1946 : Aux élections à la première Assemblée représentative du Togo, le CUT conforta ses positions en raflant presque tous les sièges. Olympio fut alors appelé à présider cette assemblée pour 5 ans. Il avait alors 44 ans.
8 octobre 1947 : Délégué de la « All Ewe Conference », OLYMPIO se rend pour la première fois à l’ONU pour plaider la cause de la réunification du peuple Ewe. Il fera par la suite ce voyage chaque année, et même deux fois par an parfois.
7 janvier 1951 : Congrès de réorientation politique générale du CUT à Kpalimé. Précédée d’une Conférence prémiliminaire tenue à Kusuntu, sur la route menant à Missahöhe et rassemblant toues les organisations pan-éwéistes et pan-togolais du BMT et du Togo sous tutelle française. Il rassembla, sous la présidence du chef Apetor II de Kpalimé, tous les cadres nationalistes favorables à l’unification et à l’indépendance du Togoland notamment les chefs traditionnels du Nord et du Sud. Le Congrès élut un Conseil d’administration avec Pa De Souza comme président et Sylvanus Olympio comme l’un de ses vice-présidents.
1951 : Muté par le groupe Unilever à Paris dans les services de la « Compagnie du Niger », sa filiale, suite aux interventions manoeuvrières du pouvoir colonial français auprès de ses patrons anglais pour l’empêcher de continuer à diriger le combat politique du CUT au Togo, OLYMPIO fut convoqué à Londres. Là ses patrons le sommèrent de choisir un des deux termes de cette alternative : ou bien partir en croisière aux frais de la société, en Grèce ou ailleurs afin de ne pas être à Paris où devait se tenir une session de l’ONU devant laquelle Sylvanus était susceptible d’intervenir au compte des nationalistes togolais ou bien démissionner ! Spectaculairement, OLYMPIO choisit de démissionner pour ne pas trahir la cause du combat pour l’indépendance du Togo ce qui lui conféra un énorme prestige.
1952 : Réélu à l’Assemblée territoriale togolaise où le CUT venait cependant de perdre la majorité des sièges grâce aux fraudes massives organisées par le pouvoir colonial français au profit de leurs suppôts du PTP, OLYMPIO doit laisser à ces derniers la présidence de cette assemblée.
1954 : Arbitrairement accusé de « trafic de devises » entre le Togo et le Ghana par le pouvoir colonial français, OLYMPIO se voit proposer par ce dernier de renoncer à la vie politique pour que cette supposée « infraction » ne soit pas retenue contre lui. Ayant refusé avec indignation cette grossière tractation, il est condamné à une amende de 5 millions de F CFA et à la déchéance de ses droits civiques, ce qui l’empêcha d’être candidat aux consultations électorales ultérieures sous le régime colonial français.
27 avril 1958 : De nouvelles élections législatives sont organisées au Togo pour la désignation d’une nouvelle assemblée, cette fois-ci, sous la supervision d’une mission l’ONU (dirigée par le Hawaïen Max Dorsinville) à la demande des nationalistes. C’était pour éviter les fraudes massives régulièrement planifiées jusque-là par le pouvoir colonial français lors des précédentes consultations électorales pour imposer frauduleusement la victoire de ses suppôts du PTP et de l’UCPN. Déchu de ses droits civiques, OLYMPIO ne pouvait y être candidat. Bien que les fraudes du pouvoir colonial eurent lieu quand même notamment au niveau de la manipulation des listes électorales, leur limitation permit au CUT de gagner ces élections. De l’avis de tous les observateurs, ce fut avec une totale surprise que la victoire des partisans de l’indépendance immédiate « Ablodé ! » regroupés autour du CUT s’imposa « avec l’ampleur d’une lame de fond ». Les nationalistes venaient de remporter une confortable majorité de 33 sièges sur les 46 à pourvoir pour la nouvelle assemblée en ce 27 avril 1958.
16 mai 1958 : Après avoir proclamé dès sa première séance une amnistie qui restitua à Sylvanus OLYMPIO ses droits civiques, l’Assemblée législative l’investit Premier ministre de la République du Togo.
Automne 1958 : Nommé Premier ministre, OLYMPIO se rend à Paris pour y rencontrer le Président de la République, Charles de Gaulle, afin de négocier avec lui un cadre politique disposant que, bien que les Togolais se soient prononcés pour l’indépendance immédiate, le 27 avril 1958, il souhaitait ne pas traduire immédiatement cette volonté dans les faits et préférait attendre encore deux ans, jusqu’en avril 1960, pour la proclamation effective de l’accession du Togo à la souveraineté internationale.
15 novembre 1959 : Aux élections municipales le CUT confirme à nouveau son triomphe en raflant 136 sièges sur les 160 à pourvoir. Sylvanus OLYMPIO est élu maire de Lomé.
27 avril 1960 : Lors de cérémonies grandioses organisées à Lomé en présence de représentants d’Etats et institutions venus du monde entier, Sylvanus OLYMPIO proclame solennellement, à minuit l’indépendance du Togo par ce discours :
« » Sentinelle, que dis-tu de la nuit ?
La nuit est longue mais le jour vient ! »
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Le grand jour tant souhaité est enfin arrivé.
Notre pays, le cher Togo qui, depuis 1884, a été successivement protectorat allemand, condominium franco-britannique, territoire sous tutelle de la France retrouve, en ce jour du 27 avril 1960, sa liberté d’antan.
De ce moment et à jamais affranchi de toutes sujétions, de toutes entraves, maître de son destin, maître de ton destin, cher Togo, mon cher pays, te voilà libre enfin.
Au nom du peuple togolais, je proclame solennellement l’indépendance du Togo, notre patrie. »
9 avril 1961 : Sylvanus OLYMPIO est élu Président de la République togolaise au terme des élections remportées par le Parti de l’unité togolaise qui rafla 560 938 voix sur les 564 617 votants et 627 688 inscrits soit 89 % des votants et 97 % des suffrages exprimés (la Juvento, l’allié d’avant qui s’opposait alors au CUT, n’avait pas pu se présenter n’étant pas arrivée à déposer la caution fixée dans les délais prévus).
30 janvier 1962 : Une grave crise politique éclate au sommet de l’Etat où le gouvernement de Sylvanus OLYMPIO prend la décision de dissoudre son allié de toujours, la Juvento, après l’annonce de la découverte d’un complot faisant suite à l’apparition de divergences de ce parti avec le CUT qui a conduit au départ de ses membres du gouvernement, alors que d’autres sont arrêtés et emprisonnés à Mango.
13 janvier 1963 : Sur les téléscripteurs du monde entier tombe cette information : « Coup d’Etat au Togo. Le président de la République Sylvanus OLYMPIO assassiné ». Etienne GNASSINGBE Eyadéma a publiquement revendiqué l’avoir abattu, à bout portant, par des balles tirées en pleine poitrine et au bas-ventre avant de lui sectionner, au couteau, les veines des poignets. Puis, avec la baïonnette de l’arme, il lui taillada la cuisse gauche tout en expliquant fièrement à ses camarades : « C’est comme ça que je faisais en Algérie pour m’assurer que mes victimes étaient bien mortes ». OLYMPIO agonisa longuement ainsi au sol en se vidant de son sang, dans d’atroces souffrances. C’était le premier coup d’Etat sanglant de l’Afrique indépendante, fomenté par les réseaux du tristement célèbre Jacques FOCCART, ministre français de la coopération du gouvernement dirigé par Charles de Gaulle. Pour cet assassinat dont l’organisation fut confiée aux bons soins du commandant Maîtrier, cet officier français qui commandait la gendarmerie nationale togolaise, on eut recourt à la manipulation de demi-soldes démobilisés de l’armée française à la fin de la guerre d’Algérie. Chose tout à fait étonnante qui démasque un complot organisé du plus haut sommet de l’Etat français : à 6 H du matin, ce 13 janvier 1963, France Inter, la radio de l’Etat français annonça la nouvelle de l’assassinat d’Olympio alors qu’il n’avait même pas été retrouvé par le commando envoyé pour le tuer. Ayant réussi à lui échapper une première fois, il s’était réfugié à l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique, cachette que l’Ambassadeur des Etats-Unis, Léon Poullada, révéla à l’Ambassadeur de France, Louis Mazoyer, et d’où le commando ira le sortir en escaladant le mur d’enceinte, en violation flagrante de la règle d’extraterritorialité protégeant toutes les Ambassades. Récupéré par le révérend père Jean Gbikpi, son corps échappa ainsi à la disparition comme celui de Lumumba du Congo (qu’on fit dissoudre dans un bac d’acide), fut acheminé clandestinement par Christophe da Gloria au Bénin où il a été inhumé au carré des Afro-brésiliens du cimetière d’Agoué.
20 septembre 1964 : Décès à Cotonou (Bénin) de Dina, épouse de Sylvanus OLYMPIO qui, inconsolable et traumatisée après l’assassinat de son mari, ne put lui survivre. Elle fut enterrée à côté de son mari à Agoué.
Fabbi Kouassi
Source : 27Avril.com