Togo / Suspension de l’hebdomadaire «The Guardian» : Le silence effarant des organisations de presse

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Les suspensions de parutions des journaux sont pratiquement devenues un fait banal au Togo. Après les Journaux Alternative, Fraternité, Liberté et le retrait du récépissé de l’Indépendant Express, c’est le tour de l’hebdomadaire «The Guardian» et son directeur de publication de subir les foudres de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). Ceci dans une indifférence totale des organisations de presse qui semblent avoir perdu leur voix.

Le lundi 11 octobre 2021, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), autorité de régulation de la presse au Togo, a annoncé la suspension du journal «The Guardian» et de la carte de presse de son Directeur de publication, Ambroise Yawo Kpondzo pour quatre mois. En plus que son journal soit suspendu de parution, le confrère est également interdit de profession pour quatre (4) mois .Une sanction prononcée sans que ce dernier n’ait été écouté par l’institution de régulation faute d’un « pass sanitaire » désormais condition d’accès aux bâtiments administratifs. Dans un communiqué publié le lundi, soit quelques heures avant la décision de la Haac, le journal The Guardian a longuement donné les raisons de défaut de pass sanitaire de son directeur et déclaré toute la disposition d’Ambroise Kpondzo à répondre à la convocation de la HAAC dans toute autre condition, comme le respect des mesures barrières édictées par le gouvernement.

Les tords reprochés au directeur de publication « The Guardian » a trait à deux publications dans son journal et à une intervention sur une radio de la place. En effet, dans sa parution N°0126 du 23 septembre 2021 intitulé : « Vaccination forcée avec chars et fusils d’assaut au Togo : le régime en course pour le prix Nobel de la paix », N°127 du 30 septembre 2021, dans un éditorial titré « Ma colère », et ensuite le 28 septembre 2021 sur une radio privée, M. Kpondzo a affirmé que le directeur du CEG Segbé a porté à la connaissance des élèves qu’ils seront vaccinés dans les jours à venir. Dans cette dernière émission, le confrère a affirmé qu’il a été interpellé par « un parent d’élève qui s’insurge contre la décision de vacciner les élèves dont l’âge varie entre 13 et 14 ans alors que lui-même, géniteur des élèves n’est pas encore vacciné ».

Cette affirmation a été reprise dans sa parution N°127. Selon la HAAC après vérification, ces informations s’avéraient fausses. Et c’est dans le souci d’écouter le directeur qu’il a été invité au siège de l’institution mais le défaut de « pass vaccinal » n’a pas permis que la réunion ait lieu.

Pour l’institution de régulation, en publiant «ces fausses informations» et en appelant « les parents d’élèves, la société civile, les syndicats, les confessions religieuses à tout faire pour stopper cette dérive inacceptable », le journal incite la population à la désobéissance civile, ce qui constitue une faute professionnelle grave sanctionnée par l’article 157 du Code de la presse et de la communication.

En conséquence, le journal écope de quatre mois de suspension de parution à compter du 12 octobre 2021, et une suspension de quatre mois de la carte de presse du directeur de publication, Yawo Mawusé Kpondzo, qui n’est donc plus autorisé à exercer la profession de journaliste pendant cette période.

Une sanction lourde…

Selon les textes de la Haac, avant la décision de suspension d’un média hebdomadaire est graduelle allant d’abord d’un avertissement à deux mois de suspension et les quatre mois n’interviennent qu’en cas de récidive. Mais dans le cas du confrère «The Guardian», l’autorité de régulation a visiblement décidé d’appliquer la main lourde. D’un autre côté, la Haac en décidant de suspendre la carte de presse du Directeur de Publication a fait fi le côté humain. En effet, en interdisant au confrère d’exercer son métier pendant quatre mois, la Haac le met au chômage, pendant que le politique dit se battre tous les jours pour la réduction du chômage, au nom du mandat social déclaré. Ainsi, le confrère et toute sa famille sont livrés à une précarité alors même que les responsables des médias criaient depuis des mois leur désarroi face à la situation économique désastreuse des entreprises de presse avec la crise sanitaire. Pendant que sous d’autres cieux, les institutions viennent au secours des journalistes, au Togo, on n’a trouvé mieux que de les enfoncer dans la précarité.

Les organisations de presse assistent silencieuses au malmenage des médias

Depuis la sanction prononcée contre le confrère, excepté le Patronat de la presse togolaise (Ppt), association à laquelle appartient le confrère qui a sorti un communiqué d’indignation en date du 12 octobre dernier, aucune autre organisation de presse n’a jugé nécessaire d’interpeller l’autorité de régulation sur les suspensions qui s’enchaînent. D’ailleurs, même dans le cas des journaux L’Alternative, Fraternité, liberté et le retrait du récépissé de l’Indépendant Express, ces organisations étaient abonnées absentes. Pour se faire une bonne conscience, certains responsables expliquent avoir initié des lobbyings : des diplomaties de couloir argue-t-on. Il est évident que l’exercice du journalisme est sérieusement menacé pour que ces organisations se contentent de ces lobbyings qui sont considérés d’ailleurs comme des démarches de compromission qui ne donnent souvent presque rien en fin de compte.

Il nous souvient qu’en mai dernier, Irene Khan, Rapporteuse Spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression de l’ONU dans une correspondance adressée aux autorités togolaises a estimé que les sanctions prises contre les trois journaux mentionnés plus haut « ne semblent pas répondre aux exigences de légalité, nécessité et proportionnalité, prévues à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Togo a accédé le 30 mars 1988 ». La rapporteuse des Nations Unies n’a d’ailleurs pas manqué de faire part de sa préoccupation concernant le manque de clarté des décisions de la Haute autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) quant aux dispositions légales que les journaux mis en cause auraient violées.

Pendant ce temps, les organisations de presse nationales ne bronchent pas. Elles assistent silencieuses au malmenage de leurs confrères. Hier c’était juste les organes. Désormais c’est aussi le journaliste qu’on interdit de profession. Triste !!!

Source : Fraternité / fraternitenews.info

Source : 27Avril.com