Togo / Suppression des frais scolaires : Une arnaque de l´état, synonyme de calvaire pour les chefs d´établissements

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Depuis 2008 les parents d’élèves, dans les écoles primaires, ne payent plus les frais scolaires, communément appelés écolage. Treize ans après, l’état, à travers la voix de Faure Gnassingbé, étend la mesure aux second et troisième degré de l’enseignement. Quoi de plus normal que de respecter l’esprit de la Constitution togolaise de la IVème République qui dispose en son article 35, alinéa 2: « l’école est obligatoire pour les enfants des deux sexes jusqu’à l’âge de 15 ans. » et alinéa 3: « L’État assure progressivement la gratuité de l’enseignement public.» Tout irait comme dans le meilleur des mondes si l’état togolais, qui sait si bien prendre des mesures comme celles-ci, en faveur des populations, dit-on, pouvait commencer à respecter ses engagements, pouvait cesser d’improviser. Décider tout à coup de soulager les parents d’élèves et de donner la chance à tout enfant d’être scolarisé quel que soit son milieu social est une chose, une bonne chose. Mais le devoir de prévoir, d’éviter l’improvisation, l’impréparation qui incombe à tout état en est une autre.

Quand le Togolais de la rue peu renseigné jubilait et jetait des fleurs à ne plus en finir à Faure Gnassingbé et à son gouvernement à l’annonce de cette mesure, des observateurs avisés, plus avertis sur l’amateurisme du régime togolais, avertissaient. Et ce que beaucoup avaient craint après la suppression des frais scolaires est aujourd’hui malheureusement une réalité. Aucun établissement scolaire public, de quelque niveau que ce soit, n’a reçu jusqu’à ce jour, au moment où nous écrivons ces lignes, aucune subvention de l’état pour faire face à ce manque à gagner que constituent dorénavant les frais scolaires qui ne rentrent plus. Quand il y’avait les frais scolaires les chefs d’établissements versaient 40% au ministère, donc à l’état, via l’inspection de tutelle. Si un établissement percevait par exemple des frais scolaires d’un montant d’un million de francs, il gardait 600 mille frs et 400 mille frs sont versés à l’inspection qui se charge de les envoyer à qui de droit. À cette somme de 600 mille frs (60%) retenue par le chef d’établissement s’ajoute la contribution des parents d’élèves appelée cotisations parallèles.

Le qualificatif « parallèles » s’explique par le fait qu’en dehors des frais scolaires ou écolage, les parents d’élèves doivent parallèlement, pour subvenir aux besoins de plus en plus croissants des établissements, cotiser pour faire face, par exemple, aux financements de l’entretien des infrastructures scolaires, à l’acquisition des équipements, de la documentation, au paiement des salaires des enseignants volontaires (EV) et à la confection, pour beaucoup d’établissements, de nouvelles salles de classes, la plupart du temps de fortune, pour désengorger les effectifs de plus en plus pléthoriques. Tous ces taudis couverts de paille tenant lieu de salles de classe, toutes ces poutres de bois tenant lieu de table-bancs dont nous voyons régulièrement les images sur les réseaux sociaux ne sont que le résultat de ce rafistolage dont plusieurs de nos chefs d’établissements, du primaire au 3e degré, sont devenus experts à leur corps défendant. Malgré ces efforts, il y a des écoles qui sont obligées de libérer les élèves de certaines classes quand la pluie s’annonce à cause de la précarité des constructions. Les établissements qui s’en sortent relativement mieux sont souvent ceux dont la diaspora de la localité se montre généreuse.

Tout ce qui précède montre à suffisance le besoin criard en infrastructures, en matériel et en enseignants dans nos établissements scolaires à tous les niveaux d’enseignement dans le meilleur des cas, c’est-à-dire quand les frais scolaires n’étaient pas encore supprimés. Maintenant les chefs d’établissements n’ont plus que le revenu des cotisations parallèles provenant des parents d’élèves. Nous avions pris l’exemple d’un établissement qui arrivait à collecter 1 million de francs d’écolage (frais scolaires) et qui gardait 60% (600 mille francs) et versait 40% (400 mille francs à l’état, via l’inspection de tutelle. C’est un véritable cri d’alarme que les chefs d’établissements du 1er au 3e degré que nous avons contactés lancent pour attirer l’attention de l’état qui semble n’être pas encore prêt pour se réveiller de son long sommeil. Où sont au moins les 60% manquant parce que les frais scolaires ne sont plus payés? Se demandent et se plaignent les directeurs d’école, de collège et les proviseurs de lycées qui sont devenus depuis longtemps des »bons » à tout faire. Nous sommes au début de la troisième semaine depuis que la rentrée scolaire a eu lieu sur toute l’étendue du territoire togolais; et l’argent manque pour acheter du matériel didactique, pour créer des salles de classe, pour acheter des table-bancs, pour recruter des enseignants volontaires en vue de pallier le manque de professeurs dans certaines matières pour les collèges et lycées, et d’instituteurs pour le premier degré.

« Gouverner c’est prévoir« , dit-on. Comme on voit, le régime Gnassingbé ne sait qu’improviser en prenant des décisions qui ressemblent plus à des slogans politiques. Prévoir est le dernier de ses soucis; quant à gouverner…,c’est une autre histoire. Avant de prendre une telle décision, le bon sens aurait voulu que des mesures fussent prises en amont pour éviter les surprises et soulager un tant soit peu les chefs d’établissements déjà stressés à toutes les rentrées scolaires et pendant toute l’année académique. Et si c’est le Chef de l’état de fait Faure Gnassingbé qui fait une telle annonce comme ce fut le cas, nous nous demandons ce qu’on fait du débat au sein du gouvernement et surtout à l’assemblée nationale, avant qu’une décision aussi importante, ayant un grand impact sur l’avenir, et surtout sur le budget du pays soit prise? Des « députés » qui ne représentent qu’eux-mêmes, parce que n’étant élus par personne, regardent ailleurs et semblent plutôt se complaire dans leur rôle d’accompagnateurs de la minorité pilleuse. Très triste pour un pays dont les dirigeants, pendant un demi-siècle ont eu l’exploit, d’en avoir fait une république bananière.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com