Togo sous Faure Gnassingbé Chaos social

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Une photographie du Togo, le mardi 28 février dernier, présenterait un territoire chaotique, sur le plan social. Des élèves dans plusieurs villes et plusieurs quartiers de la capitale en émeute, le Togo vient une fois encore de présenter une image d’un pays en crise sociale qui a fait un mort et des blessés

La nouvelle grève des enseignants a à peine démarré lundi quand le gouvernement a eu le génie d’annoncer une nouvelle hausse des prix des produits pétroliers. Contrairement à une précédente hausse datant d’il y a quelques semaines seulement, qui n’a pas provoqué de protestations publiques, celle de lundi n’a pas laissé les Togolais indifférents.

La journée avait pourtant commencé ce mardi dans un calme, finalement trompeur, comme désormais le tempérament devenu peu impulsif des Togolais depuis quelque temps. Mais vers la mi-journée de cette première journée de hausse, les rues de la capitale vont prendre un autre visage. Difficile d’y circuler sans devoir franchir des barrières posées et /ou gardées par des gens très nerveux et qui étaient déterminés à manifester leur mécontentement de cette deuxième hausse en l’espace d’un mois. Les cinq principaux ponts qui relient le centre-ville (au sud) au reste de la ville, Nyékonakpoè, Ahanoukopé, Le Togo, Colombe de la Paix et Bè, sont tous pris d’assaut par des barrières pratiquement infranchissables, obligeant les usagers à des gymnastiques improbables, et particulièrement les véhicules à garer et leurs occupants à continuer leur trajets à pied ou sur des deux roues. La scène a duré tout l’après-midi avant l’intervention musclée des hommes en treillis, probablement appuyés par des militaires, qui a fait un mort par balle. Et un blessé à l’épaule, lui aussi par balle, sans compter les nombreux autres blessés et interpellations.

Comme en 2010, lors des dernières émeutes liées à la hausse de produits pétroliers, les quartiers périphériques de Cacaveli et Agoè-Zongo ont aussi connu des mouvements. Cette fois encore, c’est à Agoè qu’on a signalé les plus violents affrontements qui ont fait un mort par balle. Au carrefour GTA, à quelques mètres seulement du palais de Faure Gnassingbé et de la gare d’Agbalépédogan, d’imposantes barricades ont été posées. Un bus de la Sotral a même été incendié.

Pendant que les rues de Lomé étaient en proie aux émeutes, celles des villes de l’intérieur étaient, elles, envahies par des élèves qui réclament des cours non-faits par leurs enseignants en grève. Dapaong, Mango, Bapuré (près de Kouka), Kara, Atakpamé, Tsévié, Dzagblé, même à Kara, les élèves ont manifesté dans les rues pour réclamer le retour de leurs enseignants et la dispensation des cours. Encore une fois, à Dapaong la tension est montée et la préfecture a dû se barricader d’un imposant cordon de forces de l’ordre. Mais comme dans les autres villes, les élèves des écoles publics sont allés déloger ceux des autres établissements, afin de ne pas être seuls à être privés des cours. Jusqu’à hier, les villes de l’intérieur étaient encore sous l’effet des manifestations d’élèves. Dans les Savanes, tous les établissements de la région ont été carrément fermés pour éviter de nouvelles manifestations.

Les évènements de ces derniers jours ont juste succédé à ceux de la semaine dernière liés à la fermeture de LCF et City FM. Jusqu’à samedi dernier, Lomé a connu une série de manifestation, pour la réouverture des médias LCF et CITY FM. Là aussi, il s’était agi de manifestations anti-gouvernementales qui ont débouché sur une répression. Répression, il en a été aussi le cas à Akato-Viépé à l’occasion de l’exécution d’une décision de justice contestée dans un litige foncier. Un journaliste de L’alternative a même été soumis à des traitements dégradants dans cette répression. Après avoir longtemps tourné le journaliste en bourrique, le cabinet du Procureur de la République a enfin annoncé la semaine dernière une enquête, après de fortes tensions autour de ladite affaire et un renversement du reporter en pleine circulation par un véhicule qui a aussitôt pris la fuite.

A l’Est de la capitale, au village de Sewatri-kopé, toute la semaine dernière a été une succession de courses-poursuites entre populations et forces de l’ordre. Au motif de la lutte contre le trafic illicite de produits pétroliers, les forces de l’ordre ont assiégé ce petit village de la préfecture des Lacs où ils ont transformé des jeunes en rats qu’ils ont poursuivis nuitamment, arrosés de gaz lacrymogène et systématiquement battus, blessant plusieurs, loin des caméras et médias de Lomé. Dans ce village aussi, des barricades ont été dressées en réaction à la battue des hommes en treillis qui, depuis des années, au nom de la traque des trafiquants des produits pétroliers, se livrent à des violations des droits de l’Homme, blessant, tuant, sans que personne ne s’en émeuve.

C’est donc dans ce contexte où dans presque toutes les villes, ça proteste et ça réprime, que se déroule le mandat social (sic) de Faure Gnassingbé, lui-même embourbé dans des prodigalités de toutes sortes, multipliant les voyages visiblement sans grands intérêts (puisqu’on n’en voit pas les fruits pour le citoyen). Ailleurs, les crises n’ont pas atteint le niveau du Togo avant que le chef de l’Exécutif ne prenne ses responsabilités. En Guinée Conakry, le président Alfa Condé a limogé trois de ses ministres directement impliqués dans la crise dans l’enseignement. Même si cela ne réglait pas directement les problèmes des manifestants, ils l’ont perçu comme un signal et une sensibilité de l’Exécutif à leur cause. Et les nouveaux détenteurs des portefeuilles en question ont certainement sur leurs épaules des pressions pour faire mieux que leurs prédécesseurs.

Au Togo, tout est en crise. Et pourtant, Faure et compagnie ne donnent pas l’impression d’être là pour les Togolais qui leur remontent des doléances. Aucunement préoccupés que leur attitude pourrait leur coûter le prochain mandat, car eux n’ont jamais eu besoin du vote des Togolais pour rester au pouvoir. Ils ont toujours eu le vote des « bêtes sauvages » pour reprendre le titre de l’ouvrage d’Amadou Kourouma. Mais jusqu’à quand pourront-ils compter sur le règne brutal pour se mettre à l’abri de la colère et des sanctions des humains ? L’histoire, en marche, nous le dira.

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