Togo, Sortie du G5 : Mauvais timing, Langue de bois, Hypocrisie, Manque de fermeté…

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Les mesures de la seconde réunion du Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO pour une sortie de crise au Togo continuent de faire réagir. La dernière réaction en date, c’est celle du Groupe des 5 ambassades occidentales au Togo. Evolution positive, satisfaction, concèdent ces diplomates, dans un communiqué conjoint rendu public ce mercredi. Mais cette sortie ne relève pas moins la traditionnelle hypocrisie des représentants du monde « civilisé » face à la crise dans notre pays.

Le contenu du communiqué conjoint

« Les ambassades d’Allemagne, des Etats-Unis d’Amérique, de France, la coordination du Système des Nations unies et la Délégation de l’Union Européenne au Togo notent avec satisfaction les progrès réalisés, sous l’égide de la CEDEAO et des facilitateurs guinéen et ghanéen, en vue d’une résolution durable de la crise sociopolitique », relève le Groupe des 5, dans son communiqué conjoint rendu public mercredi dernier.

« Après avoir assisté au sommet du 31 juillet 2018, aux sessions des 10 et 23 septembre du comité de suivi de la feuille de route issue de ce sommet et après avoir échangé avec le Gouvernement d’une part, et avec la C14 d’autre part, elles constatent une évolution positive dans la tonalité des débats et dans la volonté commune d’organiser et de participer à des consultations électorales crédibles, transparentes et inclusives conformément au chronogramme fixé par la commission de la CEDEAO, et d’aboutir à une réforme constitutionnelle consensuelle », notent ces représentations diplomatiques occidentales dans notre pays.

Elles considèrent que « la désignation de ses représentants à la CENI par l’opposition, sa contribution à la préparation et à l’adoption par voie parlementaire d’un projet de loi de révision constitutionnelle respectueux des préconisations de la feuille de route ainsi que la mise en œuvre rapide par le Gouvernement des mesures d’apaisement recommandées par la CEDEAO et les facilitateurs seront autant de signes de la bonne volonté respective des parties ». Ainsi, ces ambassades « encouragent les parties à consolider encore cette confiance retrouvée et à saisir les opportunités offertes grâce au travail des facilitateurs, de leurs représentants et de la commission de la CEDEAO ».

Enfin, ces représentations diplomatiques « réaffirment leur disponibilité à accompagner leurs partenaires togolais dans leurs efforts mutuels pour sortir définitivement de la crise politique qui ralentit le pays depuis de nombreux mois ».

Un timing qui fait désordre

La 2e réunion du Comité de suivi tenue dimanche dernier, on le concède, aura consacré une avancée notoire dans le débat électoral. La CEDEAO aura réussi à imposer la recomposition équitable de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) entre les protagonistes de la crise et parties prenantes au dialogue, ce que réclamait la Coalition de l’opposition depuis un moment, mais ses cris étaient multipliés par zéro. C’était d’ailleurs une exigence de la feuille de route rendue publique le 31 juillet dernier à Lomé. Mais le timing est mal choisi.

Les ambassades occidentales faisaient en effet cette sortie au moment même où le pouvoir violait déjà les décisions de la réunion du Comité de suivi dont les fondamentales sont la recomposition équitable de la CENI et la définition d’un nouveau chronogramme. L’esprit de ces mesures, c’est une conduite collégiale du processus électoral. Mais le pouvoir RPT/UNIR continue dans sa logique unilatéraliste. La Coalition de l’opposition s’en est encore offusquée ce mercredi, en conférence de presse.

Les ambassadeurs du Groupe des 5 jubilent de progrès réalisés et parlent de satisfaction ; mais curieusement, au niveau du sérail, on ne voit rien de nouveau sous le soleil avec les mesures prises. Mais la sortie aura l’effet de doper le pouvoir en place dans sa logique de précipiter les préparatifs et verrouiller le processus électoral.

Hypocrisie, manque de fermeté…

Au niveau actuel du processus, la norme aurait voulu que les ambassadeurs tiennent un langage de vérité au pouvoir en place qui, manifestement, n’a aucune envie de faire les choses dans les règles de l’art et faciliter une sortie de crise. Au contraire, il pose des actes pour envenimer la situation.

Durant la crise et l’après-sommet de Lomé, il y a eu des péripéties dangereuses comme la profanation des mosquées, des églises, des actes savamment perpétrés visant à entrainer des conflits religieux ou du moins créer des situations insurrectionnelles. Ces actes sont assez dangereux pour la paix sociale, et personne n’est dupe sur la provenance de leurs auteurs. Mais les représentants du monde « civilisé » n’ont pas cru nécessaire d’interpeller le pouvoir. Ils sont restés muets alors qu’ils ont eu à réagir sur des sujets d’importance moindre -on se rappelle cette sortie d’une de ces représentations diplomatiques qui s’était plus préoccupée de la vindicte populaire sur les braqueurs que par leurs actes sur les citoyens qu’ils tuaient parfois.

Aujourd’hui la C14 réclame la présidence de la CENI, non pas par un de ses membres, mais par un étranger, et plus précisément un représentant de la CEDEAO. Et ce n’est pas trop demander, car cette exigence ne vise qu’à assurer des gages d’impartialité et de transparence du processus électoral, échaudée qu’est l’opposition par les régences de cette institution par les représentants du pouvoir RPT/UNIR. Une telle proposition mériterait d’être soutenue de la part de ces ambassadeurs. Il nous revient même que la C14 leur a exprimé cette exigence, lors des échanges avec eux, et même requis leur implication et pression pour une suite favorable. Mais Dieu seul sait si ces diplomates s’investiront dans ce sens.

Tout porte à croire que dans les rangs de ces diplomates du Groupe des 5, on voudrait pousser les populations à aller absolument aux urnes, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles seront organisées. Et cet état d’esprit rejoint curieusement celui du pouvoir. Cela ne participe nullement à donner, au sein de l’opinion, du crédit aux représentants du monde « civilisé » censés promouvoir ici les valeurs démocratiques. Le mutisme de ces ambassadeurs devant certains événements le long de la crise à participé à éroder leur cote auprès des Togolais et à leur conférer des images d’« affairistes ». Certains n’ont pas hésité à appeler ouvertement le peuple à aller aux élections, comme si c’était la solution aux réclamations populaires ayant sous-tendu la levée de boucliers en août 2017. En tout cas, ils semblent s’éloigner de jour en jour de la mission civilisatrice en matière de démocratie, de bonne gouvernance et autres qu’on était en droit d’espérer d’eux…

Tino Kossi

Source : Liberté

27Avril.com