La région centrale est, selon les chiffres officiels, l’une des régions les plus touchées par l’épidémie à coronavirus au Togo. Dans les localités durement frappées figurent Sokodé, la grande ville du centre. La ville compte plusieurs foyers de la maladie. Mais en ce moment, le virus n’est pas la seule hantise des populations.
Le samedi 19 septembre dernier, les commerçantes du marché de Sokodé ont organisé une manifestation pour, disent-elles, dénoncer le zèle dont font preuve certains éléments des forces anti-pandémie dans l’exécution de leur mission. Celle de veiller à l’application des mesures édictées par le gouvernement pour lutter contre la propagation du coronavirus. En effet, après la découverte de plusieurs clusters dans la région, le gouvernement avait décidé de boucler certaines villes pour couper la chaine de contamination. Ce bouclage est accompagné d’un couvre-feu.
Des mesures dont la force anti-Covid-19 est appelée à veiller au respect. Mais, il se fait que certains éléments de cette force outrepassent leurs prérogatives et cherchent des prétextes pour sanctionner les populations. « Nous ne manifestons pas pour dénoncer le port du cache nez, mais plutôt le zèle des forces de l’ordre. Nous n’arrivons plus à vendre, parce qu’il suffit juste que quelqu’un enlève son cache nez pour manger que vous voyez déjà les forces de l’ordre se présenter pour non-respect des mesures éditées », a expliqué une manifestante dont les propos ont été rapportés par le confrère en ligne Gapola. « Même un enfant de sept (7) ans, sans cache nez on le prend et c’est les parents qui doivent venir payer 3000 FCFA comme amende. Nous ne supportons plus la présence des forces de l’ordre au marché. Avant nous avons l’habitude de vendre au-delà de 18 h, mais avec le couvre-feu nous n’arrivons plus à vendre dans la nuit mais le peu de clients qui nous viennent dans la journée ont également peur de se faire amender pour des choses banales », a-t-elle ajouté.
Selon les informations, depuis plusieurs semaines, les éléments de la force anti-pandémie ne cessent de harceler et de menacer les populations « pour oui ou pour un non », a confié un enseignant, habitant de la ville qui, ne supportant plus ces faits, a décidé de rentrer à Lomé. « Pourquoi ce harcèlement ? », se demandent-il ?
Et dans les têtes, les agissements de ces éléments rappellent de douloureux souvenirs. « Nous avons fait quoi pour mériter ce traitement hors du commun. Je suis à Lomé depuis quelques jours, ce qui se passe ici n’a rien à avoir avec ce qui se joue à Sokodé. On a l’impression que certains éléments des forces de l’ordre ont reçu des consignes particulières. Je me demande si nous continuons à subir les conséquences des manifestations contre le pouvoir», s’interroge un enseignant.
Qu’est-ce qu’ils ont encore fait au Bon Dieu ?
A Sokodé, en effet, les souvenirs des tristes événements qui se sont déroulés entre août 2017 et décembre 2018 sont encore vivaces dans les mémoires. Il nous souvient que, cette ville a été l’un des foyers de contestation contre le Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé et son régime, il y a trois ans. Et pour avoir contesté le pouvoir du fils à Eyadema, les populations de Sokodé, deuxième ville du pays, ont subi pendant plusieurs semaines les exactions de la soldatesque du pouvoir. Bastonnade, chasse à l’homme et violences gratuites ont été le quotidien de nombreuses personnes dont certaines n’ont eu la vie sauve qu’en prenant la poudre d’escampette. D’autres n’ont même pas eu la chance de fuir, elles sont tombées sous les tirs aveugles des militaires qui ont élit leur camp dans la ville durant des semaines.
Il a fallu les appels de la société civile et la pression de la communauté internationale pour que les populations de Sokodé retrouvent une certaine accalmie. Deux ans après cet épisode malheureux, rien n’est oublié.
Et les agissements des éléments zélés de la force anti-pandémie rappellent ces moments d’angoisse aux populations. A tel point que certaines personnes se demandent, aujourd’hui, si Covid 19 n’est pas l’alibi tout trouvé pour s’en prendre encore aux populations de Sokodé. Surtout en cette période où le quatrième mandat a du mal à démarrer. Qu’est-ce que mes frères ont-ils encore fait au Bon Dieu pour mériter un tel sort ? s’est indigné un Tem résident à Lomé.
Mais loin de se résigner, la population semble être prête à dénoncer et revendiquer sa liberté. La preuve a été donnée au travers de la manifestation du samedi 19 septembre dernier. Une première dans cette ville depuis pratiquement deux ans.
Source : Fraternité No.371 du 23 septembre 2020
Source : 27Avril.com