« Le hasard n’existe pas ». La maxime est tenue au sérieux par ceux qui estiment qu’il n’y a jamais de fumée sans feu et que toute action garde son objectif primaire, soit pour plaire, soit pour déplaire. Siou, cette localité triste de la préfecture de Doufelgou, reste aujourd’hui le portrait de cette maxime qui remet tout à l’évidence. Les Colonels Madjoulba et Bataba n’auraient jamais signé qu’ils mourraient tous un lundi et sous le sceau d’un mystère. Mais, si le cœur leur en dit, ils pourraient témoigner sur l’histoire des assassinats au Togo, de ces morts dont plus personne ne parle et leur sort juste connu du Ciel. Madjoulba et Bataba seront-ils l’exception ? Alors pourquoi tant de mystères autour de leur disparition ? En vérité, le mystère ne fait que s’écrire et la fin sera connue de tous. Peut-être, jamais !
Toute l’euphorie partisane autour d’une investiture présidentielle sinistrement noyée dans du covid-19, semble funestement se retourner contre la terre de nos aïeux à cause de ces « autres-hommes ». Question : les dieux ont-ils enfin lâché les seigneurs de la mort ? A l’affirmatif, l’on ajouterait un détail selon lequel la méthode dissimulée d’élimination physique des concitoyens, ce modus operandi n’a pas marcher cette fois-ci, et le drame dans sa vilaine dimension et dans toute sa cruauté s’est révélé à tous. Le Colonel Bitala Madjoulba, Commandant du BIR, Bataillon d’Intervention Rapide des Forces armées togolaises (FAT) a été retrouvé mort dans son bureau le lundi 04 mai 2020.
L’information rendue publique aurait pu s’arrêter là sans que d’autres précisons ne soient apportées et jamais, les populations togolaises ne sauront que le Colonel Madjoulba a été tué par balle et son corps abandonné dans une mare de sang. Une fois encore, une analyse métaphysique des initiés pourrait conclure que les dieux ont incontestablement lâché les impies. Ils agissaient auparavant en toute discrétion, mais aujourd’hui leur mal, l’horreur et le cynisme qu’ils incarnaient, sont connus de toute la population.
Au demeurant, le Commandant Madjoulba est mort, mais les causes de son passage de vie à trépas demeurent un mystère. Même la commission d’enquête mise en place par le chef de l’Etat et présidée par le général Yark Damehame peine aussi à en dire plus et, le voile noir, celui du deuil s’étend sur les environs, les larmes du village de Siou continuent de couler sans que les populations de cette localité du Nord Togo ne cessent de réclamer justice pour Madjoulba. Mais « le malheur ne vient jamais seul », dit-on. Cette loi des séries s’ouvre malheureusement sur la préfecture de Doufelgou et le village de Siou, oui, encore Siou, porte un nouveau deuil : le Colonel Bataba Gandah Sokléma est, d’après les informations, mort dans un accident de circulation le lundi 06 juillet 2020. Il est le seul décédé sur les trois occupants à bord d’un véhicule en route pour une mission dans le Grand Nord. Sonnés, les ressortissants de Siou ne savent plus à quel saint se vouer. L’un, le Colonel Madjoulba décède le lundi 04 mai 2020, et l’autre, le Colonel Bataba, mort le lundi 06 juillet 2020. Funeste coïncidence ? Non, d’aucuns diront que le hasard n’existe pas. Mais des zones d’ombre subsistent autour de ces disparitions et les interrogations pleuvent : Qui a assassiné le Colonel Madjoulba et pourquoi ? Le Colonel Bataba est décédé. Mais où se trouve le véhicule impliqué dans le fameux accident pour en évaluer son état et acter la cause de sa mort ? Autant d’interrogations qui obligent plusieurs à douter de tout ce qui concerne la version officielle servie sur le décès du Colonel. Qu’à cela ne tienne, peut-on un jour espérer la vérité sur cette tragédie que vit les populations de Siou ? Rien n’est sûr, car la litanie des assassinats enregistrés au sein des FAT, et qui demeure non élucidée, ne rassure guère. Aussi faut-il préciser que depuis les lustres, le peuple togolais a été témoin d’une forme de purge au sein des Forces armées sans que personne ne puisse en livrer les motifs de leur élimination physique.
Pour mémoire, l’on pourra citer l’assassinat du Capitaine Kanakatom, du gendarme Nobert Bokobosso, du Colonel Koffi Kongo, du Capitaine Paul Comlan, du Lieutenant Gaston Gnéhou, du Colonel Eugène Tépé, etc. Ces homicides commis par un régime sans foi ni loi dans le seul but de se protéger contre des impondérables, sont jusqu’aujourd’hui restés sans suite. A cette liste noire des hommes en uniforme, viennent s’ajouter les noms de milliers de civils comme Antoine Méatchi, Laurent Djagba, David Ahlonko Bruce, Tavio Amorin, Joachim Atsoutsé Agbobli, Edeh Gaston, Prosper Hillah… pour ne citer que ceux-ci. Ce fut les cyniques et odieuses mesures prises par le régime du Père pour la conservation du fauteuil présidentiel. Aujourd’hui, eu égard à ce qui se passe, assiste-t-on tout simplement à une résurrection du régime du Père ? S’il est difficile d’infirmer ou de confirmer quoi que ce soit, ce dont on peut être sûr, est que la question demeure.
Siou, les prémisses d’un sans-nom
Si l’histoire renseigne que le régime Eyadema a toujours usé de la méthode de la purge au sein des Forces armées (confer les homicides précités) pour se prémunir contre le réveil des officiers démocrates, le régime Faure depuis sa genèse, a quant à lui, souvent montré un apparat de solidarité au sein des Forces armées togolaises. D’ailleurs, la nomination de Faure Gnassingbé le 05 février 2005 comme président de la République par l’armée, en violation des textes constitutionnels, cette posture non républicaine était de nature à faire croire à cette solidarité entre les Frères d’armes. Or, la réalité des choses est tout autre comme le reconnait l’ancien ministre de la défense, Kpatcha Gnassingbé, demi-frère du président Faure. Il dit à Mgr Barrigah, président de la CVJR : « Je connais à peu près cette armée. Je sais qu’il y a de petits groupes ethniques. Pour moi, il fallait éviter le pire. Et si j’ai mal fait, je présente mes excuses. Mais je crois qu’il fallait aller pour éviter le chaos. C’est cette raison qui m’a poussé à demander aux officiers supérieurs, d’abord aux généraux et ensuite aux officiers supérieurs de faire allégeance à mon frère le président Faure… ».
Cette révélation, puisque c’en est une, prouve à suffisance que la « grande muette » qu’on tente de toujours présenter à l’opinion nationale, voire internationale comme unie et soudée, même dans le mal, n’est en vérité qu’une grande maison de divergences de vues et d’aversions, une sorte de bombe à retardement prête à exploser à tout moment. C’est sans nul doute pour cette raison que l’ancien député de la Kozah, l’honorable Kpatcha dit avoir agi avec célérité « pour éviter le chaos » du fait de « petits groupes ethniques » qui peuplent l’armée togolaise et qui risquent d’extérioriser et de régler leurs différends par le crépitement des armes et la descente macabre des chenilles métalliques.
Aujourd’hui, après la disparition des deux Colonels Siou très amis, d’après de multiples indiscrétions, deux officiers supérieurs qui se voient pratiquement chaque week-end pour manger, boire et s’adonner à des parties ludiques, peut-on logiquement penser à une guerre de tranchées et de clans, un conflit latent qui s’éclore progressivement au sein des FAT ? D’ailleurs, la nomination du Lieutenant-Colonel Atafaï Tchangani à la tête du BIR, en remplacement du Colonel Bitala Madjoulba a fait couler beaucoup d’encre et de salive au sein de l’opinion nationale, puisque d’aucuns évoquaient à tort ou à raison la promotion de certaines ethnies au détriment des autres.
Ces différents éléments qui laissent penser qu’au sein des Forces armées togolaises où l’ethnicisation à outrance est une réalité, risquent aussi de balancer la « grande muette » vers quelque chose d’inédit, quelque chose de sans-nom, puisque nul ne saurait dire avec précisions vers quoi ces disparitions ciblées pourraient conduire dans les prochains jours. Seulement que le mal est réel, et la vérité est que quelque chose de grave et d’inhabituel est en train de se passer sous nos yeux. Mais quoi concrètement ? Seul l’avenir nous le dira !
Pour l’heure, l’expertise de la justice française demandée par les autorités togolaises afin de faire la lumière sur l’assassinat du Colonel Madjoulba, eh bien, une telle démarche se révèle comme un faux-fuyant du pouvoir de Lomé. Aussi, cela témoigne d’une volonté manifeste des gouvernants de clore prématurément un dossier très sensible, puisqu’une initiative pareille notamment, l’enquête française sur les incendies des marchés de Lomé et de Kara en 2013, a connu un triste dénouement. Personne ne sait jusqu’aujourd’hui, qui sont les commanditaires et les exécutants de cet acte vil, odieux, bas, barbare…, celui de brûler sans coup férir un marché, rendant des commerçants et commerçantes endettés.
A tout prendre, le Togo sous ses actuels dirigeants fait réellement peur du fait du mystère qui entoure une panoplie d’actes répréhensibles commis par des individus hyper protégés. A quand la fin de cette faillite d’État ? Aux togolais d’en décider…
Source : La Manchette
Source : 27Avril.com