Togo : Secteur de la microfinance, l’Etat complice du grand désordre ?

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Togo : Secteur de la microfinance, l’Etat complice du grand désordre ?

A la faveur de la 2ème session du Conseil National du Crédit (CNC), tenue la semaine dernière à Lomé, le ministre de l’Economie et des Finances, Sani Yaya s’est engagé à mettre désormais hors circuit, les systèmes financiers et décentralisés illégales sur le territoire national. En effet, elles pullulent à tel point que l’Etat semble perdre le contrôle sur la création de ces structures. En fait, c’est le grand désordre. Certaines microfinances baignent en toute inégalité au vu et au su du ministère de l’Economie et des finances qui tarde à prendre des mesures concrètes pour réglementer ce secteur pourtant important pour l’activité économique du pays. C’est dans ce sens que la question se pose de savoir si l’Etat n’est-il pas complice du grand désordre dans le secteur des microfinances?

Entre des annonces sans suites et les menaces, le ministère de l’Economie et des finances désormais sous le contrôle de Sani Yaya peine à prendre des mesures idoines pour réglementer le secteur. Le 05 juillet dernier, le ministre Sani a encore annoncé envisager des mesures sans toutefois donner des précisions. Un fait qui rappelle celui de son prédécesseur à la tête de ce département.

De Ayassor à Sani, des annonces sans suites…

« Le conseil a relevé qu’il y a un développement des structures de microfinance ne disposant d’aucune autorisation. Les services du ministère et la BCEAO ont reçu des instructions très fermes », a laissé entendre Sani Yaya lors de la 2ème session du Conseil National du Crédit (CNC). Il ne serait donc pas étonnant que les pouvoirs publics prennent, dans quelques jours, des mesures sévères pour contrecarrer la multiplication de ces structures de microfinance non reconnues par l’Etat. En effet, les populations s’exposent à d’énormes risques en confiant leurs avoirs à ces institutions financières.

Cette annonce du ministre Yaya rappelle celle de son prédécesseur Adji Otèth Ayassor. En effet, en octobre 2013, Adji Otèth Ayassor alors ministre de l’Economie et des finances a semblé ouvrir un front contre l’exploitation illégale des institutions de microfinances. Dans un communiqué, l’ex-ministre a déclaré mettre « en demeure ces personnes en leur demandant de cesser immédiatement toute activité de collecte et/ou de distribution du crédit, et de procéder au remboursement des fonds collectés ».

D’après M. Ayassor, le constat fait révèle que ceux qui exercent « des activités financières à travers des institutions de microfinance, sans avoir obtenu l’agrément requis par la réglementation en vigueur notamment la loi N° 2011-009 du 12 mai 2011 portant réglementation des Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) » sont des « personnes mal intentionnées». Et c’est fort de ce constat que le ministre Ayassor avait persisté et signé que toutes les activités financières menées par l’entremise de ces institutions de microfinance doivent être « immédiatement » cessées et les fonds collectés aux clients doivent être remboursés.

Le ministre Ayassor est allé plus loin en promettant des sanctions pécuniaires et pénales contre les contrevenants. « En cas de récidive, les sanctions pécuniaires et pénales prévues par la réglementation en vigueur leur seront entièrement appliquées », a poursuivi le communiqué qui ajoute que « des instructions sont données aux services techniques compétents qui seront appuyés par les forces de l’ordre pour suivre l’application de la présente mise en demeure».

En outre, en 2016, une liste officielle des 86 institutions de microfinance (IMF) agrées par l’Etat a été publiée par le ministère de l’Economie et des Finances. Ces 86 institutions de microfinance et l’ensemble de leurs faîtières portent le nombre total à 183.

Malgré ces annonces, les microfinances illégales ont continué leurs activités en toute quiétude. Ceci met en danger les épargnes de ces togolais auprès de ces institutions illégales. En ce sens qu’il est remarqué que ces institutions après avoir engrangé un maximum d’argent auprès des pauvres épargnants, mettent les clés sous les paillassons nuitamment, laissant ces derniers dans le désarroi. La justice togolaise étant ce qu’elle est, les responsables de ces institutions, après quelques séjours à l’extérieur du pays, reviennent circuler librement aux nez de leurs victimes. Il y en a même qui renouvellent la forfaiture dans d’autres localités du pays, quelques mois par la suite.

Tout ceci amène à se demander si l’Etat n’est pas complice de ce capharnaüm. Si non, comment expliquer un tel laxisme depuis des années ? Surtout que le secteur des microfinances est devenu aujourd’hui un moteur incontournable de l’Economie national. Une réelle volonté politique existerait que le Togo aurait mis en place aujourd’hui un réel mécanisme d’alerte et de sensibilisation avec au coeur les médias pour mettre les pauvres citoyens à l’abri de ces opportunistes. Selon les données statiques, 1,7 million de Togolais ont recours à la microfinance. En 2015, les dépôts collectés par les structures de microfinance s’établissaient à plus de 146 milliards de Fcfa, représentant 12% de l’épargne collectée par les institutions financières dans leur ensemble.

Miboussomékpo Koffi

Source : Fraternité No.277 du 11 juillet 2018

27Avril.com